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les conséquences de cet aveu. La jeunesse française, qu'il croyait n'envoyer qu'à l'école de la gloire, avait été à celle de la liberté elle en rapportait les principes et les exemples. Cette guerre coûta douze cents millions, ce fut la moindre plaie qu'elle fit à la monarchie. Le roi ayant reconnu formellement le droit imprescriptible qu'ont les nations de changer leur gouvernement, le dogme républicain de la souveraineté du peuple fut répété dans une infinité d'écrits qui circulaient avec rapidité. La cour ne pouvait justifier, aux yeux du public, la cause qu'elle avait entrepris de, défendre, qu'en ne s'opposant pas à la propagation de maximes qu'un gouvernement arbitraire devait condamner. Il en sous une monarchie, l'esprit public devenait démocratique.

résulta que,

1787.

N1

СНАРІTRE X.

Calonne, ministre des finances.

1 Colbert, ni Sully n'auraient rétabli les finances de France à la fin de la

guerre d'Amérique. Necker, dont le génie était tourné vers l'agiotage, au lieu d'embrasser un systême judicieux d'économie, n'avait procuré des fonds que par des emprunts. Il fut

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successivement remplacé par Joly de Fleury

1787. et d'Ormesson. Le premier imagina quelques droits sur les entrées de Paris : cette ressource ne produisait rien; il se retira. Le second abandonna bientôt un fardeau au-dessus de ses forces. On appela Calonne, qui employa la ressource ruineuse des emprunts: elle devait s'épuiser promptement, par l'abus même qu'on en faisait : il fallut recourir à d'autres moyens.

Maurepas était mort en 1781. Le roi donna toute sa confiance à Charles Gravier de Vergennes, dans un temps où commençaient à circuler les élémens de la commation qui devait bouleverser la monarchie. Ce ministre d'un naturel timide, craignait par-dessus tout de faire la moindre chose qui pût déplaire aux grands seigneurs. Sans caractère et sans génie, il était cependant doué d'un sens droit, avec beaucoup d'habitude des affaires.

Alarmé de la situation critique du royaume, il ne laissa rien ignorer à Louis XVI; mais toutes les ressources qu'il proposait pour le rétablissement de l'équilibre, étaient d'une exécution d'autant plus difficile, qu'il fallait sur-tout éviter une catastrophe violente; et qu'au milieu de la fermentation qui regnait, l'assiette économique d'un nouveau plan d'administration conduisait directement à cette catastrophe.

CHAPITRE X I.

1787.

Portrait de Louis XVI, de la Reine des deux frères du Roi, et du Duc d'Orléans.

Q

UOIQUE l'éducation de Louis XVI eût été négligée pendant la vie de son ayeul quoique Maurepas n'eût pas formé sa jeunesse à la triture des affaires et la connaissance des hommes, son esprit était cultivé;. il avait acquis des notions assez étendues. dans les lettres, l'histoire, la géographie, fruits. heureux de ses études solitaires. Il desirait de rendre son règne cher à la France, par tous les sacrifices compatibles avec le régime monarchique ; mais, pour parvenir à ce résultat, la nature lui avait refusé le coupd'œil pénétrant du génie, qui, dans une foule de projets, distingue le meilleur ; l'infatigable activité de l'esprit, qui ne néglige aucun des moyens propres à réussir ; et la fermeté d'ame qui se roidit contre les obstacles, et qui finit par les surmonter.

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Jaloux de flatter l'opinion publique, à peine sur le trône, il rétablit les parlemens supprimés par son ayeul, sans leur avoir ôté les moyens d'arrêter, ou même d'usurper la puissance souveraine, sans avoir pris les

moindres précautions contre le plan des 1787. tructif que ces grands corps avaient formé avant leur dissolution et qu'ils purent renouer à loisir. Les ministres qu'il choisit, lui parurent les hommes les plus sages, les plus instruits. Il abolit les corvées et réforma le code pénal. Le premier, il tenta l'expérience des administrations provinciales, qu'il se proposait d'établir dans tout le royaume, afin d'amener de l'économie dans la collecte des revenus publics, et de prévenir la partialité dans l'assiette de l'impôt. Il diminua l'abus des lettres de cachets et desira l'abolition de la gabelle, et des autres taxes les plus onéreuses à la partie la plus nombreuse et la plus pauvre des Français.

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Au milieu de la cour la plus corrompue et du luxe le plus effréné, ses dépenses personnelles étaient très-bornées. Il ne montrait de goût décidé que pour l'exercice de la chasse et les plaisirs de la table. Il cédait dans ces momens faciles faciles, aux demandes réitérées qu'occasionnaient les prodigalités de son frère, le comte d'Artois, et sur-tout de la reine.

La reine, environnée de la faveur publique lorsqu'elle n'était que dauphine, loin de réaliser les prédictions séduisantes, faites par la flatterie sur la gloire et la prospérité de son règne, avait perdu l'affection des peuples. Sa légèreté, ses dépenses excessives,

sa dissipation, ses retraites mystérieuses, indisposaient les esprits contre elle.

A mesure que l'embarras des finances augmentait, ses actions furent jugées plus sévèrement. D'un côté, on blâmait ses liaisons politiques avec le comte de Mercy, ambassadeur de l'empereur; de l'autre, on condamnait son intimité avec le comte d'Artois. Les imputations les plus injurieuses à sa réputation, comme reine et comme épouse, se joignaient aux reproches qu'on lui faisait de toutes parts, de sacrifier les intérêts de la nation sur laquelle son époux régnait, à ceux de l'empereur son frère. On l'accusait de stimuler elle-même les inclinations du roi, dans le dessein de tirer parti de son extrême faiblesse, ou d'une privation momentanée de réflexion.

Son acquisition de Saint-Cloud, au milieu de la détresse de l'état, et les dépenses qu'elle fit dans ce château, furent taxées d'impudente profusion. On faisait les plus scandaleuses peintures de ses petits soupers de Trianon. Sa conduite bisare au sujet d'un fameux collier de diamans, donnait lieu aux plus fâcheux commentaires; et, quoique le cardinal de Rohan et la comtesse la Mothe eussent été victimes de cette singulière affaire, elle laissait les impressions les plus profondes contre la probité de la reine. Les dons excessifs dont elle accablait la maison

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1787.

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