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ne forçait pas encore le gouvernement à prendre cette mesure.

Si jamais le retour des comices du peuple français parut nécessaire, ce fut sous la minorité de Louis XV, lorsque l'abyme, creusé par le génie fiscal de Louvois, profondément augmenté par les opérations inconsidérées de la régence, menaçait d'engloutir les Français et la France. Les perfides courtisans du régent repoussèrent toujours ce projet, contraire à leurs vues particulières. Cependant le peuple, que deux longs règnes avaient façonné au joug du despotisme, n'était pas en état d'apprécier les sophismes que les privilégiés auraient artificieusement combinés, pour amalgamer le maintien de leurs usurpations, avec la gloire de l'empire et les intérêts de la religion.

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Il est probable que les états-généraux, tenus en 1721, n'auraient pas eu plus de succès que ceux de 1614. Commencés avec fracas, leur seule division en trois ordres, dont les intérêts étaient contradictoires, s'opposait à l'unanime concert, seul capable de conduire au bien public. La cour, en fomentant secrètement les rivalités que la nature des choses envenimait assez, aurait bientôt paralysé l'assemblée ; arguant ensuite des divisions occasionnées par elle-même on eût publié que les assemblées nationales étaient inutiles ou même dangereuses.

17871

Un genre d'esprit différent régnait en France 1787. vers les dernières années de Louis XV. Le

rapprochement des distances qui séparaient
les citoyens, était une opération que la na-
ture ne réclamait plus vainement. Les intérêts
que ce changement devait froisser
le ren-
daient épineux : il pouvait occasionner une
commotion capable d'ébranler l'empire. Les
abus de tout genre, consacrés par leur ancien-
neté, liés à des idées de hiérarchie publique,
combinés avec l'allure du gouvernement, dé-
fendus méthodiquement par ceux qui en pro-
fitaient, présentaient un front imposant. On
devait s'attendre que les amis de l'antique
monarchie, qui fondaient leurs droits étayés
par l'habitude sur une succession d'un grand
nombre de siècles avec plus ou moins de
gloire, s'opposeraient vigoureusement à des
principes nouveaux, jusqu'alors à peine théo-
riques, et qu'une philosophie affirmative
voulait établir, en les faisant triompher des
erreurs de l'éducation et des illusions de la
vanité mais la monarchie était alors un
moule usé; il ne fallait qu'une secousse pour
ébranler toutes ses vieilles institutions. Ainsi,
ces montagnes volcaniques, dont le sommet
se cache dans les nues, et dont les flancs
vomissent la foudre, évidées dans leurs fon-
demens par la fusion de la masse prodigieuse
de matières phlogistiques vomies de leur sein
offrent une trompeuse image de solidité,

A

tandis que l'effet d'une nouvelle éruption suffit pour les précipiter, en un instant, dans 1787. les entrailles de la terre dont elles sont sorties.

On pouvait présumer qu'une session des états-généraux produirait cette explosion, desirée en France par les opprimés, redoutée par les oppresseurs.

Mais, quand Louis XV, oubliant tout-àcoup les principes du pouvoir arbitraire qu'il avait sucé avec le lait, et n'obéissant qu'à l'impulsion donnée à son ame timide, par la marche chancelante des affaires, et l'embarras des finances qui l'occasionnait

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eut

projeté de rétablir les états -'généraux, pou-
vait-il ne pas consulter les princes, les grands
seigneurs, les parlemens,
les parlemens, les évêques, les
intendans de provinces, ou la classe absor-
bante des nobles, dont la chaîne embrassait
l'empire entier, et qui tous se tenant par
la main, faisaient circuler la même opinion
avec la rapidité de l'étincelle électrique. La
réponse unanime de tous ces corps qui s'en-
graissaient de la substance des peuples, aurait
assurément présenté cette mesure, comme
destructive de l'organisation du royaume. Le
monarque, manquant de régulateur pour
peser la conscience de ces rapports, aurait
abandonné ses vues régénératrices, croyant
sacrifier un moindre bien à un plus grand bien.
Depuis la paix de 1763, fatale à la grandeur
de la France, les liens qui unissaient la mo-

narchie française, tendaient à se dissoudre. 2787. Louis XV, balotté successivement par tous les intrigans auxquels il confiait son autorité avait été sur le point d'en abdiquer l'exercice. On eût vu se renouveler l'exemple donné dans ce siècle par Philippe V en Espagne, et par Victor Amédée en Piémont, si les dégoûts, dont furent abreuvés ces deux princes descendus du trône, n'avaient averti le monarque français que cette démarche était incompatible avec l'entière assurance de ses jouissances personnelles, qu'il voulait con

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Les rênes de l'état continuèrent de flotter dans les débiles mains de Louis XV ; et lorsque ce prince, vieilli avant le tems autant par les noirs chagrins que par les orgies crapuleueses dans lesquelles vainement il cherchait à les noyer, descendait dans le tombeau de ses pères, l'expérience d'un demi-siècle, la connaissance qu'il avait acquise des hommes et du torrent qui les entraîne, lui montraient de loin le bouleversement total que le tems amenait en France; il pouvait prévoir la chûte de son

successeur.

CHAPITRE

1787.

CHAPITRE VII I.

Règne de Louis XVI; Maurepas, principal

LOUIS

ministre.

OUIS XVI, sans avoir été formé par l'expérience, montait sur un trône que l'homme le plus consommé dans l'art de régner n'aurait rempli que difficilement, dans les circonstances critiques où se trouvait la France. Si la simplicité, les vertus domestiques, le respect pour les mœurs, la facilité du caractère, le desir de rendre les Français heureux et la France florissante avaient suffi pour donner quelque souplesse aux ressorts usés et vermoulus d'un gouvernement caduc Louis XVI pouvait se flatter d'opérer ce prodige; mais le mal était incurable: il devait boire la coupe entière de l'adversité.

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En feuilletant les papiers de son père, Louis XVI avait trouvé des notes qui présentaient Jean-Baptiste Machault, successivement contrôleur-général en 1745, et ministre de la marine en 1754, comme le sujet le plus propre, par la fermeté de son caractère et par l'étendue de ses connaissances, de rendre à la France son antique splendeur. Il avait résolu d'appeler auprès de Tome I.

C

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