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combat cessa vers les sept heures du soir. La perte, de part et d'autre, montait à quinze 1790. cents hommes tués dans la ville ou dans la campagne, où tout ce qui portait l'habit national ou celui d'un des trois régimens en garnison à Nancy, était assassiné par les soldats de l'armée de Bouillé.

La cocarde tricolore et l'habit de garde nationale furent proscrits dans Nancy. On désarma tous les habitans de cette ville; il fut même question de brûler leurs drapeaux. Bouillé donna ordre de dissiper par la force le club des amis de la révolution; cinquante hommes des régimens suisses de Vigier et de Castella, s'emparant du local de cette réunion, enfoncèrent les armoires qui renfermaient les papiers de la société, et les déposèrent au greffe du bailliage, qui instruisait la procédure ordonnée par le décret du seize août. Parmi ces papiers, il s'en trouva qui prouvaient que les sociétaires, loin d'exciter des troubles dans la ville, avaient fait de vains efforts pour calmer l'effervescence de la garnison.

Un conseil de guerre assemblé procède au jugement des Suisses de Château-Vieux, faits prisonniers durant l'action. Vingt-deux Suisses sont condamnés à être pendus, un à être roué vif, et un grand nombre d'autres aux galères. Cette sentence est mise à exécution; le bailliage, qui instruisait la procédure, lançait de toutes parts des décrets de prise - de - corps.

Arrêté par la marche des formes juridiques, 1790. ce tribunal sollicitait, de l'assemblée nationale, le pouvoir de juger cette affaire prévôtalement. Son chef publiait qu'on enverrait pendre dans Metz douze citoyens de Nancy, pour satisfaire aux gardes nationales de cette ville. Mais bientôt le flambeau de la vérité perça cet événement ténébreux, et les choses changèrent de face.

La députation du conseil administratif de la garde nationale de Nancy, envoyée à Paris pour faire connaître au corps législatif le véritable état des choses, et lui demander le rapport du décret du seize août, était arrivée dans la capitale dans un tems où les circonstances du siège de Nancy, présentées par Bouillé et ses adhérens dans le jour qui leur était favorable, indisposaient tellement l'assemblée nationale envers les habitans de cette ville et envers les trois régimens qui composaient sa garnison, qu'un décret du quatre septembre déclarait que le général Bouillé avait glorieusement rempli son devoir dans cette occasion importante.

Cependant le cri du sang inutilement répandu par ce général, s'élevait contre lui. Presque toutes les lettres venues de Nancy assuraient qu'avec un peu de prudence et de bonne volonté, il serait entré dans la ville sans obstacles. La demande qu'il faisait d'une commission, pour juger militairement cent quatre-vingts

quatre-vingts soldats du régiment du roi et trois cents hommes de la garde nationale, qu'il retenait prisonniers, annonçaient un acharnement au moins suspect.

Deux commissaires du gouvernement, Duveyrier et Cayer de Gerville, furent envoyés à Nancy, pour prendre connaissance des faits. C'était finir par où il aurait fallu commencer. Il devint constant, par le rapprochement des circonstances, qu'il aurait été très-facile de prévenir les malheurs de Nancy. On rendit à la garde nationale les armes qui lui appartenaient; le club des Amis de la révolution. fut rétabli; les procédures, qui s'instruisaient au bailliage de Nancy, furent anéanties; les prisonniers obtinrent leur liberté, excepté les Suisses condamnés aux galères. Il était sti pulé, par les capitulations entre les treize Cantons Helvétiques et la cour de France, que les troupes suisses conserveraient les formes judiciaires de leur pays. En conséquence, la sentence du conseil de guerre, qui les avait condamnés, ne pouvait être réformée que par les conseils souverains des pays qui avaient fourni ces régimens. Cette forme de révision était si lente, que ce ne fut que quelques années après, que ces infortunés obtinrent la justice qui leur était due.

A l'égard de Bouillé, il s'était si bien en-. vironné des formes constitutionnelles, que le corps législatif, ayant ordonné un nouvel exaTome I.

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1790.

men de sa conduite et de celle du ministre de 1790. la guerre dans cette affaire, ce genéral, sur le rapport de Sillery, fut déchargé de toute inculpation. On déclara qu'il avait agi conformément aux décrets de l'assemblée. Ce ne fut que par sa conduite subséquente que le ma chiavélisme dont il avait fait usage dans cette occasion, fut mis en évidence.

CHAPITRE XXIII..

Procédure du Châtelet sur les événemens du six octobre.

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UELQUE tems ayant l'exécution de Favras le comité des recherches de l'Hôtel-de-ville de Paris, où siégeaient Brissot, Garan-de-Coulon, Agier, Perron et Oudard, avait rendu un arrêté qui autorisait le procureur - syndic de la commune à dénoncer les attentats de la matinée du mardi 6 octobre, ainsi que leurs auteurs, fauteurs et complices, et tous ceux. qui, par des promesses d'argent ou par d'autres manœuvres, les avaient excités ou provoqués.

Les Orléanistes ne doutaient pas que le châtelet, envisageant cette affaire sous le point de vue qu'ils lui indiqueraient, n'en rejetât tout l'odieux sur quelques scélérats obscurs

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qu'on parviendrait aisément à faire regarder comme des agens secrets des royalistes. La procédure, qui fut la suite de cette dénonciation, conduite avec beaucoup de secret, n'acquit quelque publicité que vers le tems où le duc d'Orléans revenait à Paris. Alors, ceux même qui avaient engagé le châtelet à prendre connaissance de cette affaire, réunissaient tous leurs efforts pour en arrêter le jugement.

Le 5 août, il fut ordonné, par sentence interlocutoire, que le nommé Nicolas, connu sous la dénomination de l'homme à la grande barbe, accusé d'avoir coupé la tête aux deux gardes du roi, la femme Théroigne de Méricourt, les nommés Armand et Blangei, et la nommée Louise-Reine Leduc seraient pris au corps.

« Comme aussi, attendu que MM. LouisPhilippe - Joseph d'Orléans et Mirabeau l'aîné, députés à l'assemblée nationale, paraissent dans le cas d'être décrétés, des expéditions de la présente information seront portées à l'assemblée nationale, conformément au décret du 26 juin dernier, sanctionné par le roi ».

Le lendemain, une députation du châtelet porta toutes les pièces du procès à l'assemblée

ationale. Boucher-d'Argis, un des juges, prononça un assez long discours, dans lequel, après avoir offert un tribut d'éloges aux travaux du corps législatif, et aux soins que

Sa

17906

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