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lequel on excellait à Versailles, c'était peut1788. être l'homme de l'Europe le plus propre à rattacher la multitude aux marches du trône qui s'écroulait.

Une conduite très-adroite qu'il avait tenue durant son précédent ministère, prouvait qu'il n'affectait quelquefois des manières indépendantes que pour donner à ses actions une tournure originale, qui plaisait jusqu'aux plats valets de Versailles. Son prétendu rigorisme, admirable dans un livre, ne l'avait pas empêché de pourvoir avec abondance à toutes les profusions de la cour, et ses assemblées provinciales avaient une organisation tellement combinée, que, paraissant favoriser la liberté des peuples, elles devenaient en effet le plus ferme appui de l'autorité arbitraire. D'ailleurs, Necker, né plébéien, ne partageait pas la défaveur populaire qu'éprouvaient les autres ministres dont les projets " quels qu'ils fussent étaient attribués aux préjugés des classes privilégiées, dans lesquelles les rois choisissaient ordinairement les principaux organes de leurs volontés.

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Suite de l'insurrection de la place Dauphine.
Gréle désastreuse. Vues particulières de
Necker.

B

RIENNE avait tout préparé pour un lit de justice, dans lequel le parlement de Paris devait être supprimé ou du moins interdit. Le lit de justice n'eut pas lieu. Necker, devenu l'oracle du conseil, rendit au corps de magistrature l'intégrité de leurs fonctions. Le parlement de Paris, chambres assemblées, manda le lieutenant de police et le commandant du guet pour rendre compte de la conduite qu'ils avaient tenue pendant les émeutes. Le maréchal de Biron, qui remplissait la place de commandant de Paris, fut aussi mandé. Le parlement ordonna au procureur-général d'informer contre les auteurs des vexations commises envers les citoyens. Il demanda au roi que les individus emprisonnés ou exilés à l'occassion des derniers troubles, fussent mis en liberté, et qu'on rendît leurs dignités et leurs emplois à tous les officiers civils ou militaires qui en avaient été privés par les effets des intrigues ministérielles.

Cependant ces actes parlementaires n'eurent pas les suites qu'on en attendait. Le ma

réchal de Biron, plus qu'octogénaire, s'excusa, 1788. de comparaître, sur son âge et ses infirmités. Les officiers de la police de Paris se défendirent en représentant des ordres supérieurs. Le roi répondit que les exilés reviendraient, mais que la distribution des graces et la discipline militaire ne regardaient pas le parlement. Cette affaire fut assoupie. Le parlement auquel ceux de ses membres, arrêtés à la suite de son acte d'opposition, avaient été rendus, n'ayant plus d'occasion de heurter la cour, où s'alarmant peut-être des effets que pouvait produire, dans Paris, un mouvement tumulteux dirigé par des chefs qui lui étaient inconnus, rendit un arrêt contre les attroupemens. Les émissaires du duc d'Orléans criaient alors de concert que les magistrats abandonnaient lâchement les intérêts du peuple qui ne s'était soulevé que pour leur défense. Dès-lors ce tribunal suprême perdit sa popularité, cependant les attroupemens continuaient.

Le 13 juillet, les provinces de France les plus fertiles en bled avaient été couvertes par une grêle dont la grosseur tenait du prodige, et qui les dépouilla de leurs moissons. La cherté du pain, dont ce funeste événement était le pronostic, augmentait l'inquiétude populaire. On disait dans les places publiques que, si la multitude remuait, la crainte de la famine en était la cause. Les uns deman

daient si le roi prétendait nourrir le peuple avec des bayonnettes, d'autres ajoutaient qu'il 1788. fallait mieux mourir par le fer des gardes françaises que d'attendre la mort dans sa maison. On comparait la situation présente à celle de Henri IV qui nourrissait les habitans de Paris révoltés contre lui.

Chaque soir aux approches de la nuit, des hommes couverts de haillons se plaçaient devant la statue équestre de Henri IV, qu'on voyait alors sur le Pont-Neuf, au confluent des deux bras de la Seine. Ils arrêtaient les passans, et les contraignaient de saluer l'effigie de ce monarque. Cette statue et toutes celles des rois de France furent abattues et brisées durant la révolution.

Presque tous les ministres de Louis XVI pensaient qu'au sein d'une effervescence universelle, la tenue des états-généraux pouvait entraîner la dissolution de la monarchie. De là les difficultés qu'ils faisaient naître pour éluder cette convocation, tandis qu'ils négociaient avec le clergé, avec les parlemens et les autres corporations qui pouvaient, en réunissant leur crédit, combler le déficit qui nécessitait cette assemblée des représentans de la nation.

Necker ne partageait pas ces craintes. Il avait pour lui l'expérience des siècles passés, durant lesquels la cour avait constamment dominé les assemblées nationales par son crédit

et ses moyens de corruption. Pendant com1788. bien de tems les Papes, appréhendant qu'un concile-général ne diminuât leur puissance, ne s'étaient-ils pas opposés à la réunion du concile de Trente? Il advint cependant que cette assemblée, loin d'ébranler l'autorité de l'évêque de Rome, en affermît les fondemens qui chancelaient.

Il est aisé de paralyser l'action des grandes assemblées, en mettant en opposition l'intérêt particulier de ceux qui les composent avec l'intérêt général. Ce moyen fut constamment employé durant la révolution par la faction dominante. Necker, beau parleur, tenant une excellente maison, distributeur des places et des pensions, sé flattait de jouer un grand rôle sur le plus brillant théâtre. Il fut décidé que les états seraient prochainement as

semblés.

Le principal but de cette convocation était de faire ordonner une augmentation d'impôt foncier proportionné au déficit qu'il s'agissait de combler. Il était démontré impossible de porter cette augmentation sur les communes. Cependant la distribution des états en trois chambres deux desquelles entraînaient le vœu de la troisième, n'admettait que difficilement l'espoir de jeter cette surcharge sur les deux premiers ordres qui devaient naturellement se réunir pour écarter tout projet de cette nature. La conduite que les nobles

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