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nature avec des céremonies particulières. La fin du dix-huitième siècle me semble peu propre à la propagation d'un nouveau systéme religieux. J'ai vu naître le martinisme et la théophilantropie: la première de ces sectes religieuses est morte; la seconde mourra sans avoir fait de nombreux prosélytes. Lorsque j'insérais ces lignes dans une des éditions de mon ouvrage, Larevellière-Lepeaux, patriarche des théophilantropes, protégeait ces sectaires du haut du tróne ; je ne m'attendais pas que ma prédiction fút sitôt accomplie.

Que la religion chrétienne, trop long-tems persécutée, fasse parmi nous la consolation des gouvernés, et consolide le pouvoir des gouvernans; c'est le vœu de presque tous les français ; son accomplissement contribuera à calmer un reste d'effervescence qui subsiste dans quelques provinces.

Ultima Cumoi venit, jam carminis ætas ;
Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo:
Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna;
Jam nova progenies cœlo dimittitur alto.

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Ces espérances vont se réaliser: un nouveau siècle s'annonce sous des auspices heureux; l'espoir renaît dans les cœurs; la paix sourit à la victoire et la victoire qui couvre les drapeaux français de palmes immortelles, imprimant sur la révolution un éclat dont les reflets rejaillisent dans toute l'Europe, contribue à éloigner de noirs souvenirs à éteindre en France des foyers de discorde qui furent en même tems et les causes et les effets des convulsions les plus san

ÉPITRE DÉDICATOIRE.

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glantes, les plus colossales. Combien de fois les An
glais et les Germains, ignorant que le noble orgueil
du nom français est indestructible dans le cœur de
celui qui le reçut en naissant ; et que, devant ce
sentiment profond se taisent les prétentions vaines
et ridicules qui divisaient les enfans d'une même patrie,
ne remarquèrent-ils pas, non sans surprise, que ces
émigrés eux-mêmes tiraient vanité des triomphes de la
république! présage heureux de la prospérité que le
nouvel ordre de choses promet à la France, lorsque le
bienfait de la paix lui permet enfin de marcher rapi-
dement vers ses hautes destinées!

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PHILOSOPHIQUE

DE LA RÉVOLUTION

DE FRANCE.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

Réflexions générales sur les causes de la révolution de France; le gouvernement français était une véritable aristocratie exercée par les nobles.

UNE révolution, sans modèle dans les 1787.

annales du monde, étonnera long-tems les
observateurs, autant
autant par les rapports incal-
culables de ses principes et de ses conséquences,
que par l'incohérence de sa marche et la pro-
digieuse variété de ses accidens. Ceux qui lui
donnèrent la première impulsion, et qui en
furent eux-mêmes lès victimes, n'en prévirent
point sans doute les résultats. Ils n'en surent
Tome 1.
A

jamais ni préparer, ni maîtriser, ni seulement 1787 saisir et apprécier les faits. Mieux conduite au lieu de bouleverser l'Europe, elle en eût perfectionné les gouvernemens. Mais, comment réunir à-la-fois ce qu'il y a de plus contradictoire chez les hommes , l'impassibilité de la sagesse à la puissance de l'enthousiasme ! La main qui brise les fers d'un grand peuple, ne saurait être assez forte pour tenir ses passions enchaînées. Le choc de toutes les passions devait produire les bouleversemens dont nous avons été les témoins.

Aucun empire moderne ne fut plus fortement constitué que l'empire français. Aucun ne réunit dans un espace plus exactement circonscrit, plus rapproché dans toutes ses parties, les présens physiques de la nature : beauté du ciel, fertilité de la terre, facilité des communications; force des hommes; agrémens, féconditédes femmes; les avantages moraux qui distinguent les peuples; courage, industrie enfin tous les dons brillans de l'esprit et du génie. La France, majestueusement assise entre les Alpes, les Pyrénées, le Rhin et l'Océan, fut destinée à fixer les destins de l'Europe. Mais, quelle que fut l'influence de la nation française sur les relations des peuples environnans, et malgré l'énergie qu'elle avait développée dans plusieurs circonstances l'immense étendue de ses forces et de ses ressources n'était pas

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connue. Il fallait une commotion extraordinaire, pour les mettre en évidence.

Quelques peuples voisins rivalisèrent avec les Français par le commerce, l'agriculture et les arts; ils durent cet avantage à des circonstances particulières, à la faute impardonnable que fit Louis XIV de chasser de France les hommes les plus industrieux de l'Europe, et à la faiblesse de ses successeurs. Perpétuellement dominés par la caste nobiliaire qui les obsédait ils lui sacrifiaient perpétuellement la masse entière du peuple. Depuis les dernières années du règne de Louis XIV, les hommes attentifs ont regardé la France moins comme une monarchie absolue, que comme une aristocratie exercée par les nobles dont les chefs résidaient à la cour. Deux nations habitaient ensemble le sol

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1787

de la France; c'était le seul bien qui les lien rapprochait sans les unir. L'une de ces nations était le peuple avili, écrasé; l'autre, la noblesse altière, triomphante. La noblesse se regardait exclusivement comme la nation française. Le peuple, qui cultivait toutes les sciences, qui exerçait tous les arts, qui faisait naître toutes les jouissances était compté pour rien. La noblesse jouissait des travaux d'autrui, sans les partager. L'industrie, le travail, la misère et le mépris étaient d'un côté ; l'oisiveté, les jouissances et le pouvoir de l'autre.

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