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LE

CHEVALIER DE CALLIÈRES

GOUVERNEUR DU CANADA (Suite)

(1648-1703)

M. DE CALLIÈRES REMPLACE M. DE FRONTENAC
COMME GOUVERNEUR GÉNÉRAL

(1698-1704)

II

HABILE ET PRUDENTE ADMINISTRATION

DE M. DE CALLIÈRES

Nous n'entrerons pas dans les détails de l'administration de M. de Callières. Signalons seulement ce qu'il fit pour affermir la paix conclue, initier les Sauvages à la civilisation chrétienne et assurer la prospérité de nos colons. Entre toutes les mesures habiles prises par le gouverneur pour arriver à ces fins, il importe d'en mentionner deux fort importantes : l'établissement du poste de Détroit et la confiance accordée aux missionnaires placés près des Sauvages.

ÉTABLISSEMENT DE DETROIT PONTCHARTRAIN

Dès 1686, M. de Denonville écrivait à son lieutenant Dulhut qu'il avait l'intention de lui faire occuper avec 50 hommes le détroit du lac Erié, parce que ce lieu était « avantageux pour

nous assurer le passage, y couvrir nos Sauvages qui vont à la chasse et leur servir d'asyle contre les entreprises de leur ennemis et des no.res (1) (les Iroquois). De plus, nous pourrions entrer ainsi en relation avec les Illinois, dont l'amitié nous serait fort précieuse.

Ce beau projet de M. de Denonville n'eut pas de suite et ce fut seulement en 1699 que Lamothe-Cadillac, commandant de Missilimakinak, écrivit au roi un mémoire où il proposait « d'establir tous les Sauvages, nos alliés, en corps de communauté, dans l'espace qui est contenu entre le lac Erié, le lac des Hurons et le lac des Illinois (2). Le roi envoya le mémoire à MM. de Callières et de Champigny pour en discuter toutes les raisons, en présence du sieur de Lamothe, de concert avec les principaux habitants et les meilleures testes du pays. »

M. de Lamothe donnait six principales raisons de son projet.

« Premièrement, il s'engage d'empescher qu'il ne descende du castor des Outaouas, à commencer depuis 1700 jusqu'à la fin de 1702.

Deuxièmement, que les trois quarts de castor, qui descendra, seront gras ou demi-gras, pourveu qu'on fasse valoir l'un et l'autre, 6 francs la livre.

<< Troisiesmement, que les habitants du Canada trouveront du profit dans ce commerce et seront ou devront estre contens.

Quatriesmement, qu'il donnera les moyens à Messieurs les Fermiers de faire des profits considérables par la voye de ce

commerce.

Cinquiesmement, il ramassera en un seul poste toutes les nations qui sont dispersées; ce qui formera une ville considérable qui mettra à l'avenir et l'Iroquois a la raison et qui se trouvera assez puissante pour destruire l'un et l'autre avec le secours de Montréal.

Sixiesmement, il fera civiliser et humaniser les Sauvages, en sorte que la plupart ne parleront que la langue françoise en dix ans, que, par ce moyen, de païens il deviendront enfants de l'Église et par conséquent bons sujets du Roy (1). »

Pour Cadillac, et il faisait valoir hautement cette raison aux

(1) Lettre du marquis de Denonville à Dulhut, 6 juin 1686.

(2) Extrait du mémoire du roi au sieur chevalier de Callières, 27 mai 1699.

yeux du roi, l'établissement de Détroit arrêterait les coureurs de bois qui «< ne songeront point d'aller plus loin, parce qu'ils n'y trouveroient rien moins que ce qu'ils chercheroient, qui est du

castor. »

Un peu plus tard, Lamothe, dans une fort belle description de la rivière du Détroit, parlera des grands avantages de cette riche contrée.

M. de Callières répondit au roi par l'envoi d'un mémoire. A son avis, le projet de M. de Lamothe était fort louable, mais prématuré. Il fallait ménager les Iroquois qui verraient dans l'établissement du nouveau poste une véritable provocation. Il fallait aussi considérer que les Anglais, qui savaient si bien gagner les Sauvages, profiteraient surtout de leur voisinage. Le gouverneur préférerait le rétablissement des anciens postes et des vingt-cinq congés.

Cependant la discussion publique du mémoire de M. de Lamothe-Cadillac fut favorable aux idées de ce dernier qui, dans un compte rendu au roi, écrivait «Il est certain que M. de Callières est tout dévoué à suivre vos intentions: il n'y apportera aucun obstacle: il n'y a qu'à escrire à M. de Champigny de la manière la plus forte et aussi l'y engager en luy donnant un peu d'encens, car il l'aime beaucoup.

L'établissement de Détroit é ant décidé, la compagnie formée dans la colonie en demanda l'exploitation exclusive, mais M. de Callières qui plaçait au-dessus de toute brigue l'avantage général, ne voulut pas mettre entre les mains de la seule compagnie, qui était déjà maîtresse des autres exploitations, le commerce de toute la colonie, parce que, écrivait-il (1), « les pauvres gens, aussy bien que la noblesse, qui ont bien de la peine à subsister, se trouvant exclus de ce commerce, seront contraints de tout abandonner. »

Pourtant, après quelques négociations, it consentit à céder l'exploitation de Détroit à la dite compagnie, mais à des conditions telles que celle-ci réclama le privilège d'établir des postes aux Miamis, à l'embouchure de l'Oubache, sur l'Ouisconsin et aux Sioux.

Du côté de Montréal, M. de Callières rencontrait aussi quelques

(1) Lettre du chevalier de Callières, 9 novembre 1700.

difficultés. Les marchands de cette ville virent dans la fondation de Détroit une borne fatale à leur commerce, et réclamèrent vivement près du gouverneur l'abandon de ce projet. Mais le gouverneur général, se plaçant toujours au-dessus des intérêts particuliers, ne tint compte de leurs réclamations et mit la compagnie de la colonie en possession du Détroit.

Le 4 octobre 1701, il écrivait au ministre que les sieurs de Lamothe et de Tonty, capitaines, Dugué et Chacornacle, lieutenants réformés, étaient partis au commencement de juin, avec 100 hommes, soldats ou habitants, dans 25 canots chargés de vivres, marchandises, munitions et ustensiles, pour aller faire l'établissement du Détroit.

Dès le 24 juillet, MM. de Lamothe et de Tonty arrivaient à l'embouchure de la rivière du Détroit. M. de Callières écrit encore que M. de Lamothe, après avoir cherché l'endroit le plus propre à se placer, a fait un fort à quatre bastions de bons pieux de chesne de quinze pieds de long, dont il y en a trois en terre, chaque courtine ayant trente toises; qu'il a posté ce fort à trois lieues du lac Erié, et à deux de celui de Sainte-Claire, dans le plus étroit de la rivière, à l'ouest sud-ouest; qu'il a commencé par faire un magasin pour mettre tous ses effets à couvert; qu'il fait travailler aux logements nécessaires... >

En terminant sa lettre au ministre, le gouverneur lui parle. d'une relation très avantageuse du pays que lui a envoyée M. de Lamothe et dont il s'empresse de transmettre copie au roi. Cette relation étant trop longue pour être reproduite ici, nous en donnons la substance dans le morceau suivant dû à la plume de M. Garneau.

( M. de Lamothe, écrit l'historien du Canada, arriva au Détroit avec cent Canadiens et un missionnaire, dans le mois de juin 1700. Les colons furent enchantés de la beauté du pays et de la douceur du climat. En effet, la nature s'est plu à déployer toutes ses magnificences dans cette contrée délicieuse. Un terrain légèrement ondulé, des prairies verdoyantes, des forêts de chênes, d'érables, de platanes et d'acacias, des rivières d'une limpidité admirable, au milieu desquelles les îles semblent avoir été placées comme par la main de l'art pour charmer les yeux, tel est le tableau qui s'offrit à leurs yeux, lorsqu'ils s'avancèrent dans ces lieux découverts par leurs pères. C'est aujourd'hui le plus ancien

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