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furent bâties ou réédifiées. La lettre suivante prouve la sollicitude du gouverneur et de l'intendant pour la maison de Dieu : « Il est constant que c'est avantage d'avoir des églises bâties de pierres, tant pour la solidité et la dessence que pour mettre à couvert les peuples des grands froids qui les contraignent de quitter le service divin. Nous prendrons soin de faire enregistrer l'arrêt que Sa Majesté a rendu sur ce sujet, et si les seigneurs des paroisses refusent d'en faire construire, soit par faute de moyens, soit par manque de volonté, nous laisserons Mgr l'évêque dans la pleine liberté d'exciter en cela leur zèle (1). >

Si M. de Callières voulait donner à Dieu la première place, il n'oubliait pas de relever aux yeux des indigènes et de ses propres compagnons le prestige de son gouvernement. Dè 1688, il songea à élever un château dans l'ile de Montréal, à la pointe qui porte son nom (Pointe-Callières), entre le fleuve Saint-Laurent et la rivière Saint-Pierre. Là, quatre-vingt ans auparavant, Samuel de Champlain avait fondé un poste provisoire et, en 1642, M. de Chomedy de Maisonneuve y avait établi un château connu sous le nom de Fort-à-Bastions. Entre l'extrême pointe et ce château s'étendait le cimetière des nouveaux colons. Le fort de M. de Maisonneuve qui avait des courtines en bois et des bastions en pierre fut démoli de 1672 à 1683.

Le 2 juillet 1688, M. de Callières obtint des Messieurs du Séminaire de Saint-Sulpice, seigneurs de l'île de Montréal, « quinze perches et demie de front sur le fleuve à continuer à pareille largeur jusqu'au bout de la petite rivière, en superficie 1882 1/2 toises, avec droit de passage sur la pointe en avant, appartenant aux seigneurs. On ne sait pas à quelle date fut élevé le nouveau château. D'après le plan de l'ingénieur de Lhut, qui fortifia Montréal, il formait un carré deux fois plus long que large, et une vue de Montréal, prise du fleuve en 1760, le représente comme imposant et très haut de murailles.

Devenu gouverneur général, M. de Callières fit exécuter d'importants travaux au château Saint-Louis de Québec. En 1699, Bacqueville de la Potherie écrivait à ce sujet : Le château est sur le bord d'une grande côte, escarpée de trente toises. Il est irrégulier dans sa fortification, ayant deux bastions du côté de la

(1) Arch. col., Canada, Corresp. gén., vol 17, fol. 3-17).

ville, sans aucun fossé. La maison du gouverneur général est de cent vingt pieds de long, au devant de laquelle est une terrasse de quatre-vingt pieds de long qui a la vue sur la basse-ville et sur le canal. Ce bâtiment est fort agréable, tant pour ses dedans que pour ses dehors. à cause des pavillons qui forment des avant et arrière-corps. Il est à deux é.ages; il y manque encore un pavillon de trente-trois pieds de long. Il y a une batterie de vingt-deux embrasures à côté de cette maison, partie dans l'enceinte et partie au dehors, qui commande la basse ville et le fleuve.

M. de La Potherie ajoute à cette description quelques détails sur la situation du gouverneur général. Celui-ci a douze mille francs d'appointements, trois mille en qualité de gouverneur particulier et autant pour le fret de ses provisions qu'il fait venir de France. Il y a huit mille sept cent quarante-huit livres pour sa compagnie des gardes, composée d'un capitaine, d'un lieutenant, d'un cornette et de dix-sept carabines. La garnison du château que les fermiers du Canada entretiennent est composée de deux sergents et de vingt-cinq soldats. »

III

MORT DE M. DE CALLIÈRES

D'après Gédéon de Catalogne, un contemporain, M. de Callières mourut de ses gouttes», suites de ses grands travaux et qui l'avaient torturé pendant plusieurs années. Au milieu des accès les plus cruels on l'avait vu souvent se faire porter au combat, et du geste et de la voix exciter ses soldats. »

Mgr Tanguay écrit que le gouverneur fut inhumé le 28 mai 1703 , dans l'église des Récollets, à l'âge de soixante-quatre ans. Il y a là une erreur M. de Callières, né en 1618 n'avait que cinquantecinq ans. Sur son tombeau, on grava l'épitaphe suivante : « Cy gyst Haut et Puissant Seigneur, Hector de Callières, Chevallier de Saint-Louis, Gourerneur et Lieutenant-général de la NouvelleFrance, décédé le 26 mai 1703. »

Malheureusement, il ne reste rien de la dépouille mortelle de notre héros. Le 6 septembre 1796, un incendie détruisit l'église des Récollets, située en face du château Saint-Louis, et les

cercueils de plomb placés sous les voûtes de l'édifice, sur des tablettes de fer. Ainsi disparurent les restes précieux de MM. de Frontenac, de Callières, de Vaudreuil et de la Jonquière.

On a conservé le testament de M. de Callières, fait en présence de Simon-Pierre Huguet et Joseph Hannibal, de l'intendant de la colonie, du marquis de Crisary, lieutenant du roi, de Ramesay, commandant des troupes, du marquis de la Grois, capitaine d'une compagnie. On y lit qu'il « ne fut signé exactement à cause du grand tremblement de sa main (M. de Callières) quoiqu'il y ait essayé trois diverses fois, mais d'une manière si tremblante qu'il n'est pas possible de lire sa signature, à laquelle on ne peut distinguer que les deux premières lettres. Les témoins signèrent chacun des essais en question.

M. Benjamin Sulte qui tient de M. Roy, très versé dans l'histoire du Canada, une copie de ce testament le résume ainsi :

Le 25 mai 1703, Louis Hector de Callières, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, gouverneur et lieutenant-général pour le roi de tout le pays de la Nouvelle-France, gisant au lit, malade dans sa chambre au château Saint-Louis, sur les dix heures du soir» dicte son testament à maître Louis Chamballon, notaire royal: 1o Selon une certaine coutume du temps, il commence par aumôner cinq sols aux pauvres; - 2o Il déclare avoir

« une singulière dévotion» d'être inhumé et enterré dans l'église des Récollets, dont il est le syndic apostolique, le père et protecteur spirituel; il demande que la cérémonie soit la plus simple possible, et espère qu'il n'y aura ni obstacle ni empêchements à ce qu'il soit inhumé chez les Récollets. 3o Désire que son cœur soit séparé de son corps et mis dans une boîte de plomb ou d'argent, pour être gardé jusqu'à ce que monsieur le marquis de Callières, son frère, ait fait connaitre son avis; 40 Donne aux Récollets douze cents livres monnaie de France, à charge de dire chaque jour durant l'an de son décès, une messe basse pour le repos de son âme, et ensuite, chaque année, un service à perpétuité, au jour anniversaire pour le repos de son âme et celle de ses héritiers; 50 Donne la moitié de sa garde-robe habits, hardes, linge, vaiselle d'argent, au sieur de Hauteville, son secrétaire; 6o Donne l'autre moitié au sieur Beaufort, son maître d'hôtel, et Gillet, son valet de chambre, pour les bons services qu'ils lui ont rendus journellement; -7° Délaisse tous ses biens

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au marquis de Callières, son frère, qui est son seul et unique héritier, lui recommandant d'avoir soin de M. le chevalier de Courcy, ne lui ayant connu que de bonnes intentions; 89 II nomme son secrétaire, le sieur de Hauteville, son exécuteur testamentaire; en cas de mort, M. François Hazeur, marchand bourgeois de Québec, le remplacera; prie l'intendant de Beauharnois. de lui continuer son amitié en les aidant de ses conseils.

M. le commandant Jouan qui a reçu du Canada une copie officielle de ce testament, remarque que Louis-Hector ne fait aucune mention de ses sœurs; et pourtant elles n'étaient pas mortes en 1703, puisqu'elles figurent sur le testament de François en 1717.

On voit dans ce dernier acte public et solennel du gouverneur de la Nouvelle-France quels sentiments chrétiens animaient son âme; du reste, sa mort ne fut que l'écho fidèle de sa vie, toute consacrée au bien et à l'honneur de ses sujets, de l'Église, de Dieu et de la patrie française.

(Fin).

L'abbé Maxime GODEFROY. Directeur de l'Abbaye Blanche.

TOME IX.

I. — 2.

MGR DE SAINT-VALLIER

ET SON TEMPS (4)

SES RAPPORTS AVEC FRONTENAC, CALLIÈRES, VAUDREUIL.

QUELQUES ÉPISODES DE SA CARRIÈRE MILITANTE (2).

(Suite)

XIV

MET DE SAINT-VALLIER ET VAUDREUIL (suite). LES IMMUNITÉS

ECCLÉSIASTIQUES.

C'est ainsi que Mar de Saint-Vallier veillait avec un soin jaloux

(1) D'après la correspondance générale des gouverneurs et des intendants du Canada, aux archives de la marine, les jugements et délibérations du Conseil Supérieur de la Nouvelle-France, les archives du séminaire et de l'archevêché de Québec.

(2) Ce sous-titre indique suffisamment que je n'ai nullement l'intention de raconter, dans ces quelques pages, toute la vie ni toute l'œuvre de Mar de SaintVallier, mais seulement quelques-unes des difficultés qu'il eut avec les autorités coloniales de son temps. Ceux qui ont lu la vie de Mar de Laval, et se rappellent les luttes qu'eut à soutenir ce saint prélat contre la traite de l'eau-de-vie et pour la liberté de son Eglise, trouveront ici du moins un aperçu des rapports de l'Église et de l'État sous son successeur.

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