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Sept. 1792. et Sergent; ce dernier fut même appelé depuis SergentAgate, du nom d'un bijou de haut prix qu'on disait être venu en ses mains à la suite de cet odieux pillage. Pour aller, s'il était possible, au-devant de sa justification, la commune affecta de croire ou de faire dire que les valeurs ainsi honteusement volées avaient été employées dans un but de salut public; qu'elles avaient servi à acheter les généraux ennemis, à déterminer le roi de Prusse à battre en retraite. Personne ne fut dupe de cette excuse dérisoire; mais les fripons jouirent impunément de leur dol. La commune prit d'ailleurs le parti commode de ne se point occuper de ces misérables détails financiers, et d'oublier, à force de soins patriotiques, qu'elle avait à rendre compte de toutes les confiscations et soustractions commises par ses agents dans les visites domiciliaires, de toutes les sommes illégalement perçues et dépensées. Ce fut à peine si elle sut où prendre quelque argent pour solder aux égorgeurs de septembre les vingt-quatre livres par jour qu'ils vinrent réclamer, comme le salaire promis de leur exécrable travail. On se tromperait d'ailleurs en croyant que la plupart des membres de cette commune, et même du comité de surveillance, furent complices de ces spoliations. Si leurs mains se souillèrent de sang, elles ne se prêtèrent point toutes à d'ignobles friponneries. Ce ne fut donc là que le crime du petit nombre; les autres eurent à se reprocher l'inaction ou le silence, et c'était beaucoup.

Événements ini.itaires.

Mais détournons les yeux de ces choses impures qui apparaissent à la surface des révolutions populaires, comme l'écume sur les eaux d'un fleuve agité; cher

chons ailleurs, et sur un autre théâtre, des souvenirs Sept. 1792. moins indignes de la patrie, des événements qui nous dédommagent un peu, s'il est possible, de tant de deuil et de tant d'horreurs.

On a vu les Prussiens maîtres de Verdun, et Dumouriez méditant, à Sedan, sur les moyens d'arrêter, avec vingt-trois mille hommes sans confiance et sans discipline, une armée ennemie forte de quatre-vingt mille combattants, habituée de longue main à la guerre, et commandée par les lieutenants de Frédéric. On se rappelle, en outre, que, résistant à l'avis unanime de son conseil, le général français avait refusé de se replier derrière la Marne, et qu'il s'était déterminé à tenir l'ennemi en échec dans les défilés de la forêt de l'Argonne, Thermopyles de notre frontière du Nord.

prises par

pour couvrir

la

La France est couverte, du côté des Pays-Bas, par Dispositions une ligne de forteresses qui s'étend de Metz à Dunker- Dumouriez que, et à travers laquelle une armée d'invasion ne peut Champagne. passer sans s'exposer à laisser derrière elle de formidables garnisons s'organiser en corps d'armée, et lui couper toute retraite, pendant que d'autres forces défensives lui disputeront successivement la Meuse, la Moselle, la Somme, l'Aisne et la Marne, barrières que la nature a creusées entre Paris et l'étranger. Du côté de l'est, la ligne du Rhin, que l'ennemi peut franchir, parce qu'il en a les clefs à Spire, à Mayence, à Coblentz, se trouve heureusement doublée par la chaîne des Vosges, dont les routes sont confiées à la garde d'une population patriotique et guerrière. En pénétrant dans le cœur du pays par le territoire qui sépare la Moselle de la Meuse, et qu'alors ne

Sept. 1792. pouvaient défendre des places de second ordre déjà tombées en son pouvoir, le roi de Prusse, aidé de l'expérience du prince de Brunswick, avait, sans contredit, fait choix de la route la plus facile et la moins susceptible d'être protégée. Pendant que le prince de Saxe-Teschen assiégeait ou se préparait à investir les places fortes de la Flandre française, une armée autrichienne campait sous les murs de Thionville, et devait, après avoir fait capituler cette ville, prendre à revers la Lorraine et l'Alsace. Restaient donc libres, du moins en espérance, la route de Châlons et celle de Reims, que semblait avoir ouvertes à l'ennemi la double reddition de Longwy et de Verdun. Toutefois, avant de s'aventurer vers Paris en deçà de la Meuse, il était nécessaire de traverser le pays et la forêt de l'Argonne, territoire de treize lieues de long, situé entre Sedan et Passavant, sur les confins de la Champagne et de la Lorraine, grande lisière de bois parsemée de villages, entrecoupée de torrents et de rivières, espace montueux et marécageux, au milieu duquel on ne peut pénétrer que par quelques voies d'un accès dangereux ou difficile. Ces clairières, les seules praticables pour la marche d'une armée, et dont il importe d'assurer la garde, sont au nombre de cinq en descendant du nord au sud, on rencontre d'abord le défilé qui porte le nom de Chêne-Populeux, traversé par le chemin qui conduit de Sedan à Rethel; puis, à deux lieues vers l'ouest, la Croix-aux-Bois, qui forme dans la forêt un chemin de charrettes pratiqué de Buquenai à Vouziers; on trouve ensuite le débouché de Grand-Pré, par lequel passe le chemin de Stenay à Reims; à deux lieues et demie de

Grand-Pré, une route existe qui conduit de Varennes à Sept. 1792. Sainte-Menehould, et peut être sans peine défendue au défilé de la Chalade; enfin, à une lieue plus à l'ouest, on trouve le passage des Islettes, qui permet de disputer favorablement l'accès du grand chemin de Verdun à Paris.

Telles étaient les positions qu'il fallait occuper avant l'arrivée de l'ennemi; mais il importait de gagner de vitesse, puisque l'armée prussienne se trouvait déjà plus rapprochée de Grand-Pré et des Islettes que ne l'était l'armée de Dumouriez, alors rassemblée autour de Sedan.

Dumouriez prescrivit sans retard au général Dillon de se porter sur Sainte-Menehould avec l'avant-garde, et de fermer, par un camp placé aux Islettes et par une position prise en avant de la Chalade, les deux routes de Clermont et de Varennes pour lui, avec le corps d'armée, il résolut de se placer à Grand-Pré, et de couvrir ce passage en même temps que celui de la Croix-aux-Bois. Il ne lui restait pas assez de troupes pour occuper le défilé du Chêne-Populeux, et il avait trop compté sur la résistance de Verdun, à la faveur de laquelle il aurait pu avoir le temps de recevoir des renforts. Verdun se rendit à l'ennemi; mais l'hésitation des Prussiens permit à Dumouriez de faire venir de Maubeuge le général Duval et six mille hommes de bonnes troupes. Dans cet intervalle, qui comprit les premiers jours de septembre, Dumouriez compléta ses dispositions défensives, veillant à ce que rien ne manquât de ce qui pouvait approvisionner l'armée en vivres et en munitions de guerre, ajoutant de nouvelles

RÉVOL. FRANÇ.

ASS. LÉGISLAT.

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Sept. 17, troupes à celles qui gardaient le poste des Islettes, faisant élever des retranchements, prescrivant de couper les routes par des fossés et des abattis, jetant de l'infanterie dans les bois et sur les bords de la Meuse, fortifiant enfin le camp de Grand-Pré de toutes les ressources que pouvaient offrir un terrain accidenté et l'habitude de la guerre.

En même temps Dumouriez pressait Kellermann, qui commandait à Metz une armée de vingt-deux mille hommes, de se rapprocher de lui, en manœuvrant sur la gauche. Sous les ordres d'un chef actif, entreprenant et ferme, le soldat reprenait peu à peu confiance, et subissait de nouveau le joug de la discipline.

Dumouriez avait placé à la Croix-aux-Bois un colonel de dragons avec deux bataillons et deux escadrons, lui recommandant de former des abattis et des retranchements, et d'avoir sa droite appuyée au ruisseau de Longouve, sa gauche à celui de Noirval. Ces instructions ne furent point suivies, et Dumouriez eut le tort de ne point s'assurer par lui-même de leur exé

cution.

D'après le plan de Dumouriez, l'armée ennemie se trouvait dans la nécessité d'attaquer la forêt de l'Argonne, de s'y enfoncer et d'y périr. Voulait-elle se soustraire à cette condition, et se porter vers Sedan, elle s'y trouvait arrêtée par une garnison assez forte, et par un corps d'armée de dix mille hommes commandés par Beurnonville: c'en était assez pour retarder ses mouvements assez longtemps, et pour que Dumouriez, remontant derrière la forêt, pût venir lui présenter bataille. Voulait-elle, au contraire, se rapprocher de Bar-le-Duc

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