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«< 4° Tous les citoyens qui, par leur âge ou leurs Sept. 1792. <«< infirmités, ne peuvent marcher en ce moment, dé<< poseront leurs armes à leurs sections, et on armera «< ceux des citoyens peu fortunés qui se disposeront « à voler sur les frontières.

«< 5° Tous les hommes suspects, ou ceux qui, par <<< lâcheté, refuseront de marcher, seront à l'instant « désarmés.

«< 6° Vingt-quatre commissaires se rendront sur-lechamp aux armées pour leur annoncer cette résolu«tion, et dans les départements voisins, pour inviter <«<les citoyens à se réunir à leurs frères de Paris, et << marcher ensemble à l'ennemi.

<< 7° Le comité militaire sera permanent; il se réu<«< nira à la maison commune...

<< 8° Le canon d'alarme sera tiré à l'instant, la géné<< rale sera battue dans toutes les sections, pour annon<«< cer aux citoyens les dangers de la patrie.

« 9° L'assemblée nationale, le pouvoir exécutif, se<< ront prévenus de cet arrêté.

«< 10° Les membres du conseil général se rendront << sur-le-champ dans leurs sections respectives, y << annonceront les dispositions du présent arrêté, y

peindront avec énergie à leurs concitoyens les dan<«<gers imminents de la patrie, les trahisons dont nous << sommes environnés ou menacés; ils leur représen<< teront avec force la liberté menacée, le territoire << français envahi; ils leur feront sentir que le retour << à l'esclavage le plus ignominieux est le but de toutes <«<les démarches de nos ennemis, et que nous de<< vons, plutôt que de le souffrir, nous ensevelir sous

RÉVOL. FRANC.

ASS. LEGISLAT.

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Sept. 1792. « les ruines de notre patrie, et ne livrer nos villes << que lorsqu'elles ne seront plus qu'un monceau de << cadavres...

Tout s'ap

prête pour le

massacre.

Premiers

commis à Abbaye.

« HUGUENIN, président; TALLIEN, secrétaire

« greffier. »

Dès que ces mesures furent notifiées au peuple de Paris, on s'arma tumultuairement; on courut se faire meurtres inscrire aux sections; on arrêta les gens à cheval et les voitures de luxe, on les dépouilla de leurs chevaux pour servir les armées, et les équipages restèrent abandonnés sur la voie publique. En même temps, le comité de surveillance profitait de l'émotion de la multitude pour lui dénoncer, par des agents et des affidés, les prétendus complots des prisonniers; et l'on entendait circuler dans les groupes cette parole sinistre : « Qu'il ne reste pas derrière nous, à Paris, un seul de << nos ennemis vivant, pour se réjouir de nos défaites, «<et massacrer, en notre absence, nos enfants et nos <<<< femmes ! »

Ce même jour donc, jour d'horrible souvenir, le dernier repas des prisonniers leur fut servi longtemps avant le moment accoutumé; ils interrogèrent leurs gardiens, qui refusèrent de répondre. Quelques heures après, on entendit battre la générale et sonner le Locsin pendant que ces bruits sinistres augmentaient la consternation, le canon d'alarme, tiré d'heure en heure, donnait le signal aux bourreaux, et toutefois ceux-ci hésitaient encore.

Sur ces entrefaites, six voitures de place, qui con

tenaient vingt-quatre prêtres fidèles, furent conduites Sept. 1792. de l'hôtel de ville à la prison de l'Abbaye par ordre de Billaud-Varennes, l'un des membres de la municipalité et l'un des principaux complices de Danton. Les voitures n'allaient qu'au pas, tant il était difficile à ceux qui les dirigeaient de leur faire traverser une multitude menaçante, rendue plus furieuse encore par le seul aspect du costume ecclésiastique. Au carrefour de Bussy, vers l'extrémité de la rue Dauphine, les voitures furent arrêtées, et le peuple ouvrit les portières, pour charger les prêtres de ses imprécations. Un jeune prisonnier, ayant alors frappé un fédéré marseillais qui lui prodiguait des outrages, cet homme féroce lui plongea à trois reprises son sabre dans la poitrine, et le sang ruissela sur le pavé. Cette lâche exécution fut accueillie par les applaudissements du peuple, et de toutes parts on s'écria « qu'il fallait les tuer tous, qu'il fallait égorger ces scélérats, ces aristocrates, qui devaient assassiner les enfants et les femmes des défenseurs de la patrie. » En peu d'instants la foule se rua sur la voiture, et massacra les autres malheureux qu'elle renfermait; l'un d'eux, malade et pâle, se montrait au peuple et demandait grâce: il fut mis à mort avec ses compagnons.

Les autres voitures avaient continué leur route, et avaient déposé seize prisonniers sur le seuil de l'Abbaye les brigands se transportèrent à la hâte aux abords de cette prison, et exigèrent à grands cris qu'on leur livrât les prêtres. Parmi ces infortunés voués à la mort se trouvait l'abbé Sicard, le célèbre instituteur des sourds-muets. Un courageux citoyen, l'horloger

Sept. 1792. Monod (l'histoire doit retenir ce nom) se dévoua pour le soustraire à la rage des bourreaux, et il eut le bonheur d'y parvenir; les autres furent égorgés sous le guichet, et l'on vit présider à leur massacre l'huissier Maillard, jacobin exalté, déjà tristement fameux pour avoir figuré dans les affreuses scènes des 5 et 6 octobre la journée du 2 septembre le réservait à une célébrité plus abominable encore.

Massacre des prêtres

aux Carmes.

Les prêtres qu'on venait d'égorger sous le guichet renfermés de l'Abbaye n'étaient pas les seuls que menaçait la fureur du peuple. Maillard et ses brigands, encouragés au meurtre par ces mots de Billaud-Varennes: «< Peuple, <«<< tu immoles tes ennemis, tu fais ton devoir! » se précipitèrent de la prison de l'Abbaye à celle des Carmes de la rue de Vaugirard. Là, dans un couvent transformé en maison de détention, on avait réuni et entassé par centaines des prêtres qui avaient refusé le serment schismatique, ou qui l'avaient généreusement rétracté. Dès le lendemain du 10 août, M. Dulau, l'archevêque d'Arles, y avait été amené, avec soixantedeux autres prêtres chaque jour ce nombre de détenus s'était accru, soit par l'effet des dénonciations, soit par celui des visites domiciliaires. Là se trouvaient aussi l'évêque de Beauvais et l'évêque de Saintes.

Les assassins, parmi lesquels se trouvaient des femmes soûles de débauche et de vin, se firent ouvrir les portes de la prison, et se répandirent, en poussant des cris de mort, dans l'église, dans les corridors et dans les cours. Quelques jeunes prêtres escaladèrent les murs, et se sauvèrent du côté des jardins qui avoi

sinaient la rue du Cherche-Midi; mais, après cette Sept. 1792. tentative d'évasion, ils eurent la sublime pensée de revenir sur leurs pas, afin que les bourreaux, que la fuite de quelques victimes aurait peut-être exaspérés, se montrassent moins implacables envers les vieillards. Ce dévouement généreux eut pour récompense le martyre.

Pendant les premiers jours qui avaient suivi leur incarcération, les prêtres demeurés fidèles avaient été inhumainement parqués dans l'église des Carmes : des gardes placés au milieu d'eux veillaient à ce qu'ils n'eussent pas même la consolation de se parler. Pour toute nourriture, on leur apportait du pain et de l'eau ; le pavé de la grande chapelle leur servait de lit, et ce ne fut que plus tard qu'on permit à quelques-uns de se procurer des lits de sangle et des paillasses. On ne souffrait point qu'ils célébrassent les saints mystères; chaque nuit de nouveaux prisonniers étaient amenés au milieu d'eux, et aggravaient leur triste sort en le partageant.

Sur la fin d'août, un commissaire de la commune vint aux Carmes pour y procéder à un appel général : on s'assura que tous étaient prêtres, et on fit sortir ceux des prisonniers qui n'étaient point engagés dans les ordres. Ils reçurent aussi la visite de Manuel, qui leur adressa des paroles hypocrites, et fit naître dans leur cœur de fausses espérances, leur disant qu'ils ne tarderaient pas à aller dans une terre étrangère jouir d'un repos que désormais ils ne pouvaient trouver en France. Faisait-il allusion à leur mort prochaine? croyait-il encore que tout se bornerait à la déportation

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