Page images
PDF
EPUB

Août 1792. sur le territoire et se diriger sur Paris par une marche forcée, rien n'était disposé pour les arrêter; aucun obstacle humain n'aurait pu les empêcher de camper, le huitième jour, sur les hauteurs de Montmartre. Mais leurs chefs voulurent demeurer fidèles à la routine de l'art militaire; ils craignirent de s'aventurer dans un pays abondamment peuplé, couvert de villes et de villages, et de voir se former, sur les derrières de la colonne d'invasion, des armées régulières et des hordes de partisans, dont on croyait avoir tout à craindre. Ces appréhensions étaient peut-être fondées, et il est certain que, si l'on avait eu à faire la guerre dans un pays qu'aucune dissension intestine n'aurait affaibli, il eût été indispensable de tenir compte des dangers de toute nature auxquels on se serait exposé en se portant sur les routes de la capitale, avant d'avoir accompli derrière soi la dispersion des armées et la prise des places de guerre; mais, en l'état où se trouvait la France, peut-être pouvait-elle être vaincue par surprise. Quoi qu'il en soit, et sans vouloir juger avec une sévérité peut-être injuste (malgré l'exemple que nous ont donné d'autres historiens) les opérations et les plans des armées combinées, il paraît certain qu'en agissant avec plus de vigueur leurs chefs seraient parvenus à amener des résultats favorables à leur cause: c'était d'ailleurs un devoir pour eux de tirer parti de l'état d'incertitude et d'indécision qui paralysait, du côté de la France, la science des généraux et le patriotisme des soldats.

Deux colonnes de l'armée autrichienne, placées sous les ordres du prince de Hohenlohe, passèrent le Rhin

à Spire, dans la journée du 10 août ; elles se portèrent Août 1792. sur Landau, qui appartenait alors à la France, et dont Custine avait à la hâte relevé les fortifications. Pendant qu'elles bloquaient cette place, une autre armée forte de soixante et dix mille hommes, et qui comptait dans ses rangs plusieurs régiments composés d'émigrés, marcha de Coblentz sur Trèves, et manœuvra entre la Sarre et la Moselle, cherchant à pénétrer en France entre Thionville et Longwy. Luckner, alors campé à Longeville, non loin de Metz, se porta précipitamment sur le village de Fontoy, d'où il pouvait être mieux en mesure de surveiller les mouvements de l'ennemi, et de lui barrer l'une ou l'autre route. Il venait à peine d'y prendre position et d'y élever quelques retranchements, qu'il fut attaqué par un corps d'armée fort de vingt-deux mille Autrichiens. Ses troupes, animées par son exemple, firent bonne contenance; et l'ennemi se retira après avoir perdu quelques centaines d'hommes tués ou blessés (19 août).

Prise de Longwy

Mais, comme si ce n'eût été là qu'une fausse attaque destinée à tenir en haleine l'armée de Luckner et à par l'armée étrangère. fournir à l'armée coalisée les moyens de se porter sur Longwy sans être inquiétée, le jour même où se livrait le combat de Fontoy, le prince de Brunswick, le roi de Prusse, et plusieurs corps placés sous leurs ordres, arrivaient sans obstacle en vue des remparts de cette ville.

La forteresse de Longwy, alors défendue par une garnison de dix-huit cents hommes et soixante-douze pièces de canon, était bien approvisionnée en vivres

tot 1792. et en munitions de guerre. Quoiqu'on eût négligé de fortifier la hauteur appelée le Mont-du-Chat, position importante qui domine la place à une distance d'en viron deux milles, Longwy pouvait opposer aux entreprises de l'ennemi une résistance honorable. Il n'en fut point ainsi, grâce à la pusillanimité des habitants et au peu de dévouement des soldats. Le colonel Tempelhof, qui, sous les ordres du général Clairfayt, commandait l'artillerie autrichienne, fit établir dans un ravin, au nord de Longwy, deux batteries d'obusiers, dont le feu s'ouvrit le 21 août à dix heures du soir, et dura jusqu'à trois heures du matin, pour recommencer à cinq heures. Le canon de la place riposta par un feu très-vif; mais de part et d'autre on se fit très-peu de mal, grâce à la nuit et à la pluie. Cependant plusieurs centaines de bombes ayant été jetées dans la place, elles tuèrent quelques hommes et quelques femmes, et incendièrent deux maisons et un magasin à fourrages. Les habitants s'épouvantèrent, et, s'étant attroupés en masse, forcèrent les magistrats et la garnison à rendre la ville. Un seul homme, membre de la municipalité, refusa d'adhérer à cette capitulation honteuse; le peuple mit le feu à sa maison, et le général ennemi le condamna à être pendu. Ce courageux citoyen, ayant été conduit sur le lieu du supplice, réussit à se sauver jusqu'aux avant-postes de l'armée de Luckner, et fut proclamé lieutenant. Maître de Longwy, le duc de Brunswick perdit plusieurs jours à attendre quelques nouvelles divisions du prince de Hohenlohe, qui, après avoir levé le blocus de Landau, commençait à se rapprocher du théâtre des opérations

de l'armée prussienne, et marchait sur Thionville pour out 1792. en faire le siége.

se porte

Dumouriez avait compté sur la résistance de Longwy; Dumouriez déçu dans son attente, il comprit la nécessité de sur Sédan. se porter sur Sédan, où l'armée de la Fayette, abandonnée par son général, était livrée à tous les dangers de l'incertitude et de l'indiscipline. Il y arriva le 28 août, accompagné de Westermann, l'un des vainqueurs du 10 août; il y trouva l'armée inquiète et alarmée : les soldats se défiaient de leurs officiers; et les officiers, craignant les soldats, n'osaient donner des ordres. C'en eût été fait de cette troupe indisciplinée, si le duc de Brunswick l'eût fait attaquer par trois de ces régiments prussiens, formés à l'école de Frédéric, dont se composait en majeure partie l'armée d'invasion. L'arrivée de Dumouriez à Sédan rétablit un peu le moral du soldat: on continua de murmurer, mais on obéit; on regretta la Fayette, dont les qualités affables et l'extérieur plein de bienveillance exerçaient une certaine séduction, mais on se soumit au commandement énergique et impérieux du nouveau général en chef.

et

assiége

Verdun.

Le roi de Prusse, déjà maître de Longwy, marchait L'ennemi sur Verdun. Cette place était faiblement approvision-Thionville née; on ne pouvait se dissimuler qu'elle ne tiendrait pas longtemps, et que Sédan et Mézières, lorsqu'elles seraient attaquées à leur tour, ne retarderaient pas beaucoup les progrès de l'ennemi. Dumouriez assem- Dumouriez bla son conseil de guerre, et fit connaître que, Longwy étant pris et Verdun assiégé, tandis qu'une armée campagne. ennemie, se portant en avant de Thionville, menaçait

tient conseil. - Son plan

de

Août 1792. Metz, il n'y avait aucun moyen d'opérer une jonction

avec Luckner, et de recevoir d'ailleurs des secours assez prompts et assez efficaces pour repousser les coalisés; que cependant on commandait à une troupe aguerrie, à une cavalerie peu nombreuse, mais exercée; et que par beaucoup de dévouement et de zèle on pouvait encore, en s'aidant des sympathies de la population et de la connaissance exacte du pays, paralyser les efforts et l'agression d'une armée fort supérieure en nombre, sans doute, mais obligée de faire des siéges, mais embarrassée par la difficulté de vivre, et par ses canons, ses caissons, ses équipages, ses vastes convois.

En consultant les généraux placés sous ses ordres, Dumouriez avait eu moins en vue de suivre leur avis que de connaître les hommes sur le concours desquels il devait compter; c'était plutôt une épreuve qu'un conseil. D'un sentiment unanime, les généraux déclarèrent qu'il n'y avait d'autre parti à prendre que de se replier derrière la Marne, et de gagner Châlons avant que l'ennemi ne se portât sur cette ville; que, si les Prussiens se rendaient maîtres de Châlons, il arriverait que l'ennemi serait campé entre la capitale et l'armée française, situation grave qu'il fallait éviter à tout prix. Ils conclurent donc qu'il y avait lieu de se borner à laisser quelques bataillons dans le camp retranché de Sédan, et à marcher ensuite, avec le reste de l'armée, derrière la forêt d'Argonne par Sainte-Menehould, pour gagner Châlons, et même Reims, si Châlons était déjà occupé; qu'enfin, après s'être retranchés derrière la Marne, il fallait

« PreviousContinue »