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impur pour arrêter un torrent de sang humain. Le Août 1792. <«< cruel Gustave ferait aujourd'hui un carnage affreux <<<< sur nos frontières si Brutus-Ankarstroëm ne s'était << pas dévoué à son ingrate patrie. Un prétendu droit « des gens fut dicté par les rois, qui n'ont qu'une tête <<< à perdre; mais une nation ne craint pas les repré<«< sailles. La ligue infernale moissonne notre valeureuse <«< et civique jeunesse, et nous balancerions à porter la «< cognée à la racine de l'arbre venimeux!... Un décret <«< de proscription contre les monarques de Pilnitz ter<< minera promptement une longue série de calamités. « Il faut de puissantes craintes pour intimider de puis<«< sants scélérats. Les républicains de la Grèce et de « l'Ausonie se connaissaient en vertus publiques: imi<< tons leur vénération pour les immortels Scévoles. << Donnons des couronnes de chêne et des arpents fer<«< tiles aux vengeurs immédiats des droits de l'homme, <«<< aux pacificateurs des empires, aux exécuteurs coura<< geux de la justice éternelle.

<«< Quant à moi... je prononce le serment d'être fidèle << à la nation universelle, à l'égalité, à la liberté, à la << souveraineté du genre humain. Mon cœur est français, <<<< mon âme est sans-culotte. »

Après s'être avilie en prodiguant des applaudissements à ce discours insensé, qui provoquait au régicide universel, l'assemblée décida que les Prussiens révolutionnaires seraient admis à combattre dans les rangs de l'armée française, et qu'ils seraient incorporés dans un corps appelé légion des Vandales.

Cependant le peuple était impatient de voir tomber la tête de ceux qu'il appelait les conspirateurs et les

Premières

exécutions

capitales.

Août 1792. traîtres du 10 août, et le nouveau tribunal criminel élu dans la nuit du 17 au 18 août lui semblait encore apporter trop de lenteurs à satisfaire la vengeance publique. Le premier accusé qui comparut devant ce tribunal fut M. Collonet d'Angremont, accusé d'embauchage pour la cour; le 21 août, il fut condamné à avoir la tête tranchée sur la place du Carrousel; l'exécution eut lieu le soir même et aux flambeaux, afin de ne pas faire attendre jusqu'au lendemain la multitude, avide de sang. Quand le valet du bourreau eut pris la tête du supplicié pour la montrer au peuple, il tomba luimême de l'échafaud et resta mort sur la place. Étrange incident, qu'on aurait pu considérer comme le présage du sort réservé aux victimes d'abord, et, après elles, à leurs juges.

Le lendemain on procéda au jugement de M. Laporte, intendant de la liste civile. Il était accusé d'avoir soudoyé des écrivains contre-révolutionnaires et payé des placards qui provoquaient au renversement de la constitution. Des pièces qui établissaient ces tentatives de réaction royaliste avaient été saisies à son domicile : il n'en fallait pas tant pour convaincre les juges. En prononçant l'arrêt fatal, le président adressa à l'infortuné Laporte une exhortation à la fois puérile et cruelle, lui disant que, si sa vie avait été funeste à sa patrie, il pouvait du moins servir ses concitoyens par l'exemple de sa mort. « Citoyens, s'écria Laporte en montant à l'écha« faud, puisse le sang que je vais verser ramener la << tranquillité et la paix, et terminer nos discordes! >> La vue de ce vieillard, livrant aux bourreaux sa tête blanchie, excita un moment parmi le peuple une com

passion stérile. Vint ensuite le tour de Durosoy, rédac- Août 1792. teur de la Gazette de Paris, accusé d'avoir correspondu avec les émigrés et pris part aux complots de la cour. Son supplice eut lieu le 25 août, en présence d'une multitude immense rassemblée sur le Carrousel : « Quel <«< bonheur pour un royaliste, s'écria le courageux écri« vain, de mourir pour son prince le jour de Saint<< Louis! >> Et sa tête tomba, au bruit des acclamations du peuple. Deux jours après, quelques fabricateurs de faux assignats furent condamnés à mort et subirent leur peine. Le tribunal prononça néanmoins quelques acquittements, et entre autres celui de M. d'Affry, colonel de la garde suisse: ce vieux militaire avait affirmé qu'au 10 août il ne se trouvait pas aux Tuileries et n'avait pas commandé le feu. M. Montmorin, de Fontainebleau, fut aussi renvoyé d'accusation; mais l'auditoire, le confondait avec l'ancien ministre de ce nom, accueillit cette justice par des murmures.

Tandis que le peuple se répandait en plaintes contre la lenteur ou la faiblesse des juges, les événements de la guerre commençaient à prendre un caractère plus

sérieux.

militaires

d'avril jus

de

Nous avons dit par quelles inexplicables défaites la Événements campagne s'était ouverte, vers le Nord, dès les derniers depuis le mois jours d'avril. La retraite honteuse des corps d'armée qu'à l'arrivée chargés par Dumouriez de commencer une guerre d'in- Dumouriez. vasion ayant forcé les généraux français de renoncer à prendre l'offensive, ils s'étaient bornés à couvrir de leur mieux les frontières, cherchant à aguerrir les nouvelles recrues, à rétablir, s'il était possible, les liens de la discipline militaire. Toutefois, du côté de l'Alsace, nos

Août 1792. soldats avaient paru plus heureux. Le jour même du combat de Quiévrain, Custine, qui commandait sous les ordres de Luckner, était entré dans la principauté de Porentruy, appartenant alors au prince-évêque de Bâle, et il s'en était rendu maître sans coup férir. A la suite de cette facile victoire, il avait élevé sur la montagne Laumont des retranchements destinés à défendre les défilés de Fribourg, de Brienne, de Soleure et de Bâle.

Le 13 juin, l'armée de la Fayette, ayant son quartier général à Maubeuge, avait eu à soutenir un combat contre les troupes du général Clairfayt. Cet engagement fut d'une importance médiocre; mais les Français eurent à regretter la perte du général Gouvion, qui commandait l'avant-garde. Après un combat de courte durée, les deux armées rentrèrent dans leurs cantonnements respectifs; celle de la Fayette se bornait à surveiller l'ennemi, à lui livrer de petites escarmouches, à l'inquiéter plutôt qu'à le vaincre. C'était encore tout ce qu'on pouvait oser avec des troupes défiantes et insubordonnées; mais on les préparait ainsi à une guerre plus hardie, et on opérait en même temps une diversion utile aux mouvements de Luckner.

Ce vieux maréchal s'était emparé de Courtrai le 18 juin, à la suite d'un combat assez vif, durant lequel on avait eu occasion de lui reprocher sa courageuse témérité. Le 30 juin, cette place, attaquée par des forces autrichiennes supérieures en nombre, avait dû être évacuée par nos troupes. En se retirant, M. de Jarry, qui commandait les Français, ordonna de mettre le feu aux maisons situées hors de la ville; et l'incendie détruisit en partie deux riches faubourgs. Cette

mesure de précaution, que les circonstances ne sem- Août 1792 blaient point commander, fut sévèrement jugéc en France; l'esprit de parti s'en empara; on craignit d'avoir exaspéré le peuple belge, dont il était si nécessaire de rechercher l'amitié, et l'assemblée nationale vota des indemnités au profit des malheureux propriétaires de Courtrai.

Dans la nuit du 15 au 14 juillet, une colonne autrichienne se porta sur Orchies, qui n'avait pour toute défense que deux pièces de canon et le bataillon de la Somme cette faible garnison, bien commandée, soutint avec énergie l'attaque de l'ennemi; mais après une lutte fort inégale elle se vit contrainte d'abandonner la ville le lendemain, Orchies fut reprise par les Français. C'était le moment où Luckner, renonçant à envahir la Flandre maritime, s'était replié sur Valenciennes, tandis que la Fayette campait à Maubeuge. Ces deux généraux avaient commencé à concerter leurs opérations, lorsque les événements du 10 août amenèrent en peu de jours, ainsi qu'on l'a vu plus haut, la fuite de la Fayette, et l'installation de Dumouriez au commandement réuni des armées du Centre et du Nord.

corps

Ainsi les troupes françaises, disséminées sur la frontière depuis Huningue jusqu'à l'Océan, ne pouvaient suffire à garder cette vaste ligne, et ne présentaient d'autres éléments de lutte des que mal aguerris, des soldats découragés par la défiance, des chefs incertains et mal obéis. On a dit souvent que, si les armées ennemies, renonçant à leur système de temporisation et de timide stratégie, avaient osé pénétrer RÉVOL. FRANC. ASS. LÉGISLAT.

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