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Août 1792. déportés à la Guyane française. Ceux d'entre eux qui seraient restés en France après avoir obtenu un passeport et annoncé leur départ encouraient la peine de la détention pendant dix ans. Tous les ecclésiastiques non sermentés, séculiers et réguliers, prêtres, simples clercs minorés ou frères lais, quoique ces derniers ne fussent pas assujettis au serment, devaient être ainsi frappés, selon les cas, de la détention, du bannissement ou même de la déportation, lorsque leur éloignement serait réclamé par six individus domiciliés et jouissant des droits de citoyens. Ainsi l'assemblée législative ajoutait des rigueurs nouvelles à ses premières résolutions; et le clergé de France, depuis deux ans décimé par l'apostasie et le schisme, et encore contristé par le relâchement et les scandales du xvII° siècle, allait subir jusqu'au bout cette épreuve qui purifie par le sang et par le martyre.

du costume

siastique.

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Proscription La commune de Paris ne devait pas rester en arecclé- rière de ces fureurs; elle proscrivit d'abord le costume des églises, ecclésiastique, encore porté par plusieurs prêtres, malgré les décrets; peu de jours après, elle ordonna que les bronzes des églises, sans en excepter les crucifix, seraient saisis pour être fondus et convertis en canons; enfin, par un arrêté rendu le 20 août, elle autorisa les commissaires des sections à enlever l'argenterie des paroisses, même les chandeliers; et elle arrêta que toutes les cloches seraient descendues et cassées, à l'exception de deux par paroisse. L'exécution de cette dernière mesure souleva dans le peuple une vive irritation des attroupements se formèrent, il Y eut des réunions tumultueuses dans les églises et même

à Notre-Dame; et la commune fut obligée de déployer Août 1792. la force armée pour comprimer ceux des citoyens que révoltaient ces sacriléges spoliations. Ces résistances, trop souvent mises en oubli, indiquent assez qu'il y avait alors à Paris plusieurs peuples, et non pas seulement une multitude disciplinée par les jacobins : mais la peur glaçait toutes les âmes pacifiques; la révolution, exaltée par sa propre audace, méprisait les obstacles, et foulait aux pieds ceux qui osaient un moment la retarder en chemin.

:

Vaine tenta

à Rouen.

La ville de Rouen parut disposée à résister au gou- tive de rési-vernement du 10 août le duc de Liancourt rassembla tance essayée les troupes et la garde nationale, et leur fit renouveler le serment de fidélité à la constitution; mais cette tentative échoua devant l'exaltation républicaine de la multitude.

mesures révolutionnaires.

Ce fut alors que la commune, après avoir adopté le Nouvelles tracé du camp sous Paris, prit une mesure pour empêcher la fuite ou l'évasion des personnes suspectes. Dans les premiers jours qui suivirent l'insurrection, les barrières de Paris avaient été fermées; elles furent ouvertes, mais on ne pouvait sortir de Paris sans un passe-port, et ce titre de voyage ne s'obtenait qu'à grand'peine, et sur l'attestation de témoins qui étaient obligés d'accompagner le voyageur jusqu'aux barrières et d'y attester de nouveau son identité. Le 16 août, on dressa sur les places publiques des estrades destinées à recevoir des enrôlements. Comme il fallait trouver des armes pour les nouveaux soldats, des visites domiciliaires furent opérées, sur l'ordre de la commune, chez tous les citoyens qui avaient signé la pétition contre les événe

Août 1792. ments du 20 juin; en même temps qu'on les incarcéra, on eut soin de s'emparer des fusils et des sabres dont ils étaient dépositaires. Pour rendre hommage au principe d'égalité républicaine, il fut décidé que les officiers de la garde nationale, y compris le commandant général, n'auraient que des épaulettes de laine.

La commune avait fait renverser sur le pavé les statues de nos rois; elle ordonna la démolition des portes Saint-Denis et Saint-Martin, beaux monuments qu'admire l'artiste, et que flétrissaient aux yeux des jacobins les emblèmes des victoires et grandeurs de Louis XIV. Cette mesure, digne des Vandales, ne fut point mise à exécution; mais la multitude, trop docile aux excitations de ses magistrats, détruisit une fontaine qu'ornaient les figures de Charles VII et de Jeanne d'Arc, précieux débris de la vieille architecture, hommage rendu à la mémoire de cette fille du peuple qui délivra la France du joug anglais. Le patriotisme ombrageux des vainqueurs du 10 août ne faisait point grâce à de pareils Fête funèbre souvenirs. Une fête nationale eut lieu, au champ de Mars, des en l'honneur des victimes populaires tombées à la prise au 10 août. des Tuileries: elle fut célébrée le 25 août, jour de

en mémoire

citoyens tués

Saint-Louis, comme une bravade de plus envers la royauté captive. Ce fut, selon l'usage de ce temps, une imitation assez froide des pompes de l'antiquité païenne, avec la pyramide de bois, le sarcophage obligé, les cassolettes où brûlaient des parfums, et une tribune aux harangues, du haut de laquelle M. J. Chénier, l'auteur de Caius Gracchus, prononça une sorte d'oraison funèbre dont le peuple vota l'impression. La foule qui encombrait les rues, les jardins et les places publi

La

Marseillaise.

ques, chantait en chœur une sorte d'hymne de guerre, Août 1792. dont le capitaine du génie Rouget de l'Isle, étant à l'armée de Biron, près le Rhin, avait composé les paroles et la musique le refrain rappelait le célèbre chant de Riga, hymne patriotique des insurgés de la Grèce. Avant d'être connu à Paris, ce chant avait circulé dans les provinces; et on l'avait entendu pour la première fois retentir dans les faubourgs de la capitale le jour de l'entrée des fédérés de Marseille; aussi le peuple l'appelait-il le chant des Marseillais. Des hymnes de Tyrtée et de la chanson de Roland, le souvenir seul est venu jusqu'à nous, et traversera les siècles; la Marseillaise, rattachée aux victoires, aux attentats, aux souffrances et aux enivrements de la révolution française, demeurera impérissable.

faction

Plusieurs de ceux qui ont retracé les annales de la Prétendue révolution ont cherché une cause à cette exaltation dé- de l'étranger. magogique, à ces crimes dont le tableau les frappait d'horreur; soit pudeur, soit calcul, ils ont essayé d'en renvoyer la honte à une faction de misérables que les puissances étrangères auraient payés pour égarer la liberté et la déshonorer aux yeux du monde. Rien n'établit cette hypothèse, rien ne diminue, au profit d'un machiavélisme imaginaire, le dégoût et l'épouvante que tant d'actes coupables, tant de fureurs délirantes, doivent inspirer il faut que la France accepte pour elle ces souvenirs tout entiers, et puissent-ils servir de leçon aux générations présentes! Sans doute les cabinets étrangers ont dû entretenir en France des agents payés pour surveiller les partis, pour accroître, s'il était possible, l'esprit de division ou de jalousie; mais ce n'est

Août 1792. pas dans ces régions subalternes et viles qu'il convient. de rechercher l'origine et le point de départ des événements et des crises de la révolution. Si l'on en doutait, il suffirait de s'en rapporter au témoignage des acteurs eux-mêmes de ces grandes catastrophes, à ceux qui, de nos jours, en ont revendiqué la sanglante responsabilité.

Adresse d'Anacharsis Clootz.

Au nombre de ces prétendus agents de l'étranger, dont on a assez injustement voulu grandir le rôle, beaucoup d'écrivains ont rangé le fanatique Anacharsis Clootz, ce ridicule orateur du genre humain, dont le nom a déjà figuré plusieurs fois dans cette histoire. Mais, si l'on ne savait par expérience jusqu'où peut aller la déraison du cœur humain, on devrait croire, en effet, que Clootz était soldé par le ministre Pitt ou par la police de Berlin, le jour où, paraissant à la barre de l'assemblée législative, il osa prononcer le discours suivant, dans lequel, sous prétexte de signaler tous les rois au couteau des jacobins, il semblait n'avoir d'autre but que de déterminer à une prompte levée de boucliers les souverains qui hésitaient encore à s'armer contre la France:

<< Législateurs, disait Clootz, la sagesse de vos décrets <«< et la bravoure de vos armées élèvent chaque jour la <«< nation française à une hauteur effrayante pour les

tyrans et consolante pour les opprimés. Vous ébranlez << tous les trônes... Il ne vous reste plus qu'à mettre à << prix la tête des tyrans. L'humanité vous conjure de << pousser un cri tyrannicide contre Frédéric-Guillaume, <«< contre le cannibale Brunswick. Les Timoléon et les << Ankarstroem ont répandu quelques gouttes d'un sang

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