Page images
PDF
EPUB

tre toute attente, l'armée se montra soumise au gou- Août 1792. vernement révolutionnaire, et peu empressée de répondre à ceux de ses chefs qui la poussaient à protester

ou à désobéir.

de la Fayette. Mesures prises à l'équelques

gard de généraux.

La Fayette voulait marcher sur Paris; mais ses ordres Destitution du jour et ses exhortations trouvèrent son armée froide et indifférente, et il ne tarda pas à perdre tout espoir d'opérer une réaction en faveur de Louis XVI. Cette situation fausse et dangereuse ne pouvait durer : le 18 août, le ministre de la guerre fit connaître qu'il avait destitué la Fayette et donné le commandement de l'armée du Nord à Dumouriez; la séance du lendemain fut close par des nouvelles assez rassurantes de l'armée du Rhin : les commissaires Carnot, Coustard, Prieur et Billair, annonçaient qu'ils avaient obtenu la soumission pure et simple des généraux Kellermann et Briou, et que, dans l'intérêt de la patrie, ils avaient suspendu de leur commandement Caffarelli, Victor de Broglie et Brige. Les dépêches de Luckner étaient moins rassurantes : le vieux maréchal promettait seulement de faire ce que son honneur et sa conscience lui inspireraient; et l'on craignait qu'il n'écoutât d'autres inspirations que celles de la Fayette.

contre

Le général

émigre.

Il s'agissait de mettre la Fayette hors d'état de nuire Décret rendu à la révolution : l'assemblée nationale rendit un dé- la Fayette.cret qui, contrairement au vote du 8 août, déclarait que ce général avait perdu la confiance de la patrie et de l'armée, et le traduisait devant la haute cour criminelle d'Orléans. La Fayette, usant d'un reste d'autorité, fit arrêter les commissaires chargés de lui notifier ce décret; puis, après avoir pris des mesures

Août 1792. pour assurer le sort de son armée et la garde des frontières, il émigra avec plusieurs de ceux dont la tête était menacée comme la sienne. Ce fut en pays neutre qu'il passa, ne voulant pas être exposé à servir contre sa patrie; mais, arrivé à Rochefort, petite ville de la Flandre, il tomba au pouvoir des Autrichiens; et les impériaux, après l'avoir traîné à Wesel et à Magdebourg, l'emprisonnèrent, ainsi que MM. de LatourMaubourg, Alexandre de Lameth et Bureau de Puzy. Alors commença pour la Fayette, dans les cachots d'une forteresse, une captivité qui dura cinq ans. Cette arrestation, ordonnée et maintenue malgré les réclamations les plus solennelles, annonçait au monde que l'Europe, au début de la lutte, mettait la révolution française en dehors du droit des gens: la prison d'Olmutz fut ouverte pour le premier chef de cette révolution, comme celle de Sainte-Hélène le fut plus tard pour le dernier et le plus illustre. Quand on apprit l'incarcération de la Fayette et de ses amis, la joie fut grande à Coblentz, et les jacobins regrettèrent qu'une vengeance leur fût enlevée. Pour la Fayette, en butte aux haines des partis extrêmes, il ne désespéra point, mais il attendit: toute son histoire, jusqu'à la fin de ses jours, pourrait se réduire à ce peu de mots.

Soumission de Luckner.

Le maréchal Luckner était à Metz avec son armée; la municipalité de cette ville le manda à sa barre, et le somma de donner quelques explications sur la conduite qu'il entendait tenir dans les circonstances nouvelles où la France se trouvait placée. Le vieux soldat, que la Fayette ne dominait plus de son influence, prêta tous les serments qu'on exigeait de lui, et garda

pour quelques jours encore le vain titre de généra- Août 1792. lissime. Comme il fallait pourvoir au commandement de l'armée de la Fayette, le général Dumouriez, déjà placé à la tête de l'armée du Nord, fut promu au poste vacant, et réunit sous ses ordres toutes les troupes qui défendaient la frontière depuis Metz jusqu'à Dunkerque. Cependant Arthur de Dillon, que sa fidélité à seconder les plans de la Fayette avait d'abord compromis, fut réintégré dans les cadres, par suite des instances de Dumouriez, qui le choisit pour lui servir de lieutenant à l'armée du centre. Kellermann, dont le dévouement à la république n'était point douteux, fut chargé de commander à Metz un corps de vingt mille hommes; une autre armée de vingt mille hommes avait ses cantonnements à Strasbourg, sous les ordres de Biron, tandis que Custine occupait Landau avec quinze mille hommes. Tous ces généraux relevaient ou ne devaient pas tarder de relever de Dumouriez : ce dernier avait sous ses ordres, dans les camps de Maulde, de Maubeuge et de Lille, une armée de trente mille hommes, et, sous les murs de Sedan, une autre armée de vingt mille hommes.

La défense

des frontières

est confiée

à Dumouriez.

de la

Création

de

Tandis que, déployant les ressources d'un esprit Puissance aventureux et infatigable, le général Dumouriez son- commune. geait à couvrir les frontières, l'audacieuse commune d'un comité de Paris continuait à tenir dans ses mains les rênes du surveillance. gouvernement révolutionnaire, et dominait le peuple de Paris par les jacobins, l'assemblée législative par le peuple de Paris, la France entière par l'assemblée. Au nom du salut du peuple, elle se croyait tout permis, et ne reconnaissait aucune résistance pour légitime.

Août 1792. C'était un spectacle étrange que cet amas d'hommes obscurs, la plupart nés dans les rangs les plus infimes de la société, élus à cause de leur énergie sauvage, siégeant en veste de travail ou en tablier de peau, et s'imposant par l'ascendant de la crainte à une grande nation qui obéissait ou laissait faire.

Mesures révolutionnaires

la presse royaliste.

En vertu du décret qui attribuait aux municipalités des grandes villes les mesures de police générale, la commune du 10 août institua dans son sein un comité de surveillance, chargé du soin de dénoncer, de poursuivre et de faire arrêter les ennemis de la révolution et du peuple. Ce comité et la commune elle-même agirent sous les inspirations de Marat, dont l'effrayante popularité allait croissant, et dont les affiches provoquaient les patriotes à faire tomber trois cent mille tètes. De son côté, Danton, qui dirigeait le conseil des ministres, contraignait au silence ses collègues girondins Roland et Clavière, lorsqu'ils osaient parfois contrarier ses volontés et tenir compte des lois. Ainsi la commune avait Danton pour ministre, Marat pour instrument, Robespierre pour conseiller; son pouvoir ne paraissait rencontrer aucune limite, et son audace était plus grande encore que son pouvoir.

Se mettant peu en peine des lois qui garantissaient prises contre la liberté de la presse, elle rendit un arrêté pour supprimer tous les journaux royalistes ou constitutionnels, dont l'existence gènait la pensée républicaine. Elle fit arrêter, en outre, et détenir ceux des écrivains qui rédigeaient ces feuilles, et qui n'avaient point encore réussi à se soustraire par la fuite aux vengeances de la multitude: leurs presses furent détruites ou

séquestrées, leurs maisons pillées. Ainsi, après trois Août 1792. ans de révolution, on en revenait, au nom du peuple, à ces mesures de violence et de tyrannie qu'on avait tant reprochées à l'ancien despotisme. Pour une Bastille détruite, la France se couvrait de prisons; à la place des ministres, des favorites royales et des commis, qui décernaient jadis des lettres de cachet, on rencontrait maintenant, sur toute l'étendue du pays, des municipalités et des comités de police chargés d'incarcérer et de proscrire les citoyens selon leurs inquiétudes ou leurs caprices; le sceptre du roi, ramassé par les jacobins et leurs affidés, pesait sur la population entière, et l'obscurité ne dérobait personne aux atteintes de cette hydre de cent mille tyrans qui s'était substituée à l'arbitraire de quelques privilégiés. Ce sont là les grandes déceptions de l'histoire, les voies ténébreuses par où l'on s'engage en poursuivant au delà du droit, et dans les sentiers que la licence a frayés, le fantôme d'une liberté sans règle et sans frein : mais les peuples ne se rebutent jamais à cette poursuite.

L'assemblée avait mis au néant le veto royal, et rien ne s'opposait, dès lors, à la promulgation des lois cruelles qu'elle avait rendues contre les prêtres. Ces lois de proscription et de tyrannie prirent donc place dans le code de la révolution française, et leur exécution fut confiée au zèle soupçonneux des jacobins. Un délai de quinze jours fut donné aux prêtres qui avaient refusé ou rétracté le serment; à l'expiration de ce terme, ils étaient tenus de sortir du royaume, et, faute par eux de s'exiler, ils devaient être arrêtés et

toute

on donne leur force

aux lois ren

dues contre

les prêtres.

« PreviousContinue »