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«TION NATIONALE.

« Le peuple français est invité à former UNE CONVEN- Août 1792. Le pouvoir exécutif est provisoi<«<rement suspendu de ses fonctions, jusqu'à ce que la <«< convention nationale ait prononcé sur les mesures qu'elle croira devoir adopter pour assurer la souve<< raineté du peuple et le règne de la liberté et de l'éga<< lité. Un gouverneur sera nommé au prince royal. « Le roi et sa famille demeureront dans l'enceinte <«< du corps législatif jusqu'à ce que la tranquillité pu

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blique soit rétablie dans Paris. — Un logement leur << sera préparé dans le Luxembourg, où ils seront mis <«<sous la garde des citoyens et de la loi. »

Un autre décret rappela au pouvoir les ministres girondins Roland, Clavière et Servan. Pour compléter le cabinet, l'assemblée nomma Danton à la justice, Monge à la marine, Lebrun aux affaires extérieures ; Grouvelle fut désigné pour être le secrétaire du conseil. Sur sept cent quarante-cinq membres dont se composait l'assemblée législative, deux cent vingt-quatre seulement, c'est-à-dire, moins de la moitié, assistèrent à cette séance, et prirent part à ces résolutions. Les autres, formant la majorité constitutionnelle, avaient cédé à la crainte et s'étaient abstenus. Leur présence et leur dévouement eussent d'ailleurs été stériles pour sauver la monarchie, et retarder la chute de cette constitution qui avait à peine duré dix mois révolus, depuis le jour où l'assemblée législative, inaugurant ses pouvoirs, l'avait pour ainsi dire adorée.

décret

rappelle

les ministres

girondins.

royale est

conduite dans

Ainsi, en présence de Louis XVI et des siens, retenus La famille captifs dans le lieu même des séances, fut déclarée suspendue cette royauté vieille de tant de siècles et enor

la prison du Temple.

516 RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Août 1792. gueillie de tant de gloire. Pendant ces heures d'épreuves, l'infortuné monarque demeura, jusqu'au bout, impassible et résigné, tandis que sa noble épouse conservait le prestige de cette grandeur qui n'est jamais si digne de respect que lorsque le malheur la couronne de son auréole. Trois jours encore ils demeurèrent enfermés soit dans les bâtiments attenant au Manége, soit dans la loge du logographe; et de là ils entendirent rugir autour d'eux le peuple qui demandait leur tête. Enfin, le 14 août, on leur fit quitter cette retraite provisoire, pour les transférer dans l'ancien couvent du Temple, changé pour eux en prison. Ce jour-là donc, Louis XVI, Marie-Antoinette, madame Élisabeth, madame Royale, et le jeune prince royal, furent conduits à travers les rues de Paris, dans une voiture où avaient pris place Manuel et Péthion. Ces deux magistrats, confondant le sentiment de la dignité qui est une vertu, avec la grossièreté, qui, en face de l'infortune, est à la fois une bassesse et un crime, ne rougirent point de garder le chapeau sur la tête pendant tout le trajet; et, quand ils traversèrent la place des Victoires, sur le pavé de laquelle le peuple venait d'abattre la statue de Louis XIV, ils forcèrent les tristes héritiers du grand roi de s'arrêter pour considérer une humiliation de plus mais ni le roi ni le peuple n'avaient encore épuisé la coupe de colère que la révolution leur prescrivait de boire jusqu'à la lie.

:

LIVRE HUITIÈME.

journée

du 10 août.

l'assemblée

et le ministère.

Après le 10 août, les massacres se prolongèrent. Le Août 1792. lendemain, le peuple mit à mort quelques malheureux Suite de la soupçonnés d'aristocratie, il égorgea plusieurs Suisses; enfin, las de frapper, il laissa à une cour martiale, qu'on lui promit d'instituer, le soin de faire une justice prompte et rigoureuse de ceux qui vivaient encore. La commune insurrectionnelle, agissant au nom du La commune, peuple souverain, continuait à concentrer en elle tous les pouvoirs, et l'assemblée législative, frappée de stupeur, semblait désormais n'exister que pour enregistrer les ordres venus de l'Hôtel de Ville. Alors on vit reparaître les hommes qu'on avait en vain cherchés durant le combat. Marat, le sabre à la main, se mit à parader à la tête du bataillon marseillais; Robespierre harangua aux jacobins, et prit place, avec l'ami du peuple, dans les rangs des membres de la commune, sous la présidence de Huguenin, l'orateur du 20 juin. Péthion et Manuel conservèrent leurs fonctions municipales. Cependant les nouveaux ministres, Roland, Clavière, Lebrun, Monge et Servan, ayant à leur tête leur collègue Danton, se présentèrent à la barre de l'assem

Août 1792. blée nationale, et prêtèrent serment. En faisant allusion aux circonstances inouïes qui l'avaient pris de la borne des clubs pour le faire asseoir sur le fauteuil des Lamoignon et des d'Aguesseau, Danton résumait avec énergie l'histoire de sa fortune; il disait : « J'ai été «< porté au ministère par un boulet de canon. »

La monarchie et la république étaient donc pour un peu de temps en présence, la première tardant à mourir, l'autre frappant aux portes et réclamant droit de cité. Cette lutte, dont il était facile de prévoir l'issue, remplit le petit nombre de semaines qui allaient s'écouler jusqu'à l'installation de la convention nationale que venait de promettre à la France le décret du 10 août. En attendant, l'esprit girondin continuait de dominer l'assemblée législative, tandis que l'influence des jacobins apparaissait seule et sans obstacles dans le sein de la commune. Après la révolution du 10 août, il devenait évident à tous les yeux que l'assemblée avait cessé d'être au niveau des événements et des dangers révolutionnaires. Le 10 août ne s'était accompli que malgré elle; deux jours avant ce mouvement terrible, on avait rencontré, au Manége, une majorité capable d'absoudre la Fayette; jusqu'au dernier moment l'assemblée avait tremblé de toucher à la couronne pour la briser. Tanque la commune et les sections de Paris réclamaient à grands cris et par la mitraille la déchéance du roi, l'assemblée s'était bornée à prononcer contre ce prince une suspension provisoire; elle avait en outre décrété qu'un gouverneur serait donné au prince royal, se refusant ainsi à admettre l'éventualité d'une république. Enfin, tandis que la commune entretenait dans le peuple

dis

des instincts de fureur et de vengeance, l'assemblée na- Août 1792. tionale, d'une voix timide, le suppliait de se confier à la loi; elle en appelait encore à la générosité antique du caractère français, à ses sentiments alors éteints de commisération ou de justice. Dans cet antagonisme de deux volontés, l'avantage devait nécessairement rester à celle qui oserait davantage.

fait légaliser

La commune obtint d'abord du corps législatif un dé- La commune cret qui régularisait son existence, et les pouvoirs exor- ses pouvoirs. bitants dont elle était investie depuis la nuit du 10 août. Aux termes de cette loi, les directoires des départements et des districts, et les municipalités dans les villes peuplées de plus de vingt mille âmes, étaient à l'avenir chargés des fonctions de la police générale pour la recherche des crimes commis contre la sûreté intérieure et extérieure de l'État, crimes dont la connaissance avait jusqu'alors été réservée à l'assemblée nationale. Les municipalités des grandes villes, et, à leur défaut, les directoires, pouvaient agir d'office, prescrire les recherches, vérifier les dénonciations, lancer des mandats d'arrêt, faire des règlements de police, prendre enfin les mesures de détail propres à réprimer toute tentative contre-révolutionnaire, à placer sous la main de l'autorité les personnes suspectes. Le même décret mettait en permanence toutes les gardes nationales du royaume, et retirait aux citoyens qui les composaient la faculté de se faire remplacer. Ces dispositions prises, l'assemblée y mit le sceau en supprimant le directoire du département de Paris, et en déclarant que le roi et sa famille seraient mis sous la garde de la commune, chargée de répondre de leurs personnes et de désigner leur de- la commune.

aarde

Louis XVI est confiée à

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