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la voie à cet autre sénat révolutionnaire, plus redou- Août 1792. table, qui devait bientôt venir. La commune du 10 août comptait, parmi ses principaux membres, Huguenin, Rossignol, Robert, Simon, Billaud-Varennes, Fabre d'Églantine, Chaumette, Bourdon, Louvet, Chambon, Réal, Hassenfratz, Laignelot, Chénier, Reboul, et Geoffroy.

Danton

surrection

aux

cordeliers.

LIOTHE

Tandis que la commune insurrectionnelle se con- prêche l'instituait à l'hôtel de ville, Danton, du haut de la tribune des cordeliers, donnait le signal du mouvement. << Cessons, disait-il, d'en appeler aux lois et aux lé<< gislateurs! Les lois, elles n'ont pas prévu tant de «< forfaits; les législateurs, ils en sont pour la plupart «<les complices: ils ont absous la Fayette. Absoudre le << traître, c'est nous livrer à lui, aux ennemis de la <«< France, aux vengeances sanguinaires des rois. Que << dis-je? C'est cette nuit même que le perfide Louis a <«< choisie pour livrer au carnage, à l'incendie, cette <<< capitale qu'il veut quitter encore une fois. Brunswick << et Bouillé, dans leurs manifestes, nous ont menacés « de ne pas laisser pierre sur pierre à Paris. Pour nous, <<< dont les menaces n'ont jamais été vaines, ne laissons « pas pierre sur pierre dans le château où on les at<< tend pour l'extermination des patriotes. Plus de «< pitié pour un roi parjure qui a tant de fois lassé notre

patience! Plus de pitié pour cette femme odieuse qui <«<lui inspire toutes ces fureurs! Plus de pitié pour les «siens! Il ne s'agit plus de vaincre, comme au 14 juil«<let, pour le profit de Bailly, de la Fayette, et d'une « lâche assemblée qui faisait tout contre le peuple, en << se servant de son nom. C'est aujourd'hui que la vé

Août 1792. «ritable souveraineté du peuple va s'annoncer au mi« lieu des éclairs et des foudres. Le pouvoir que

10 août.

prises par le

roi pour sa défense.

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le

peuple va saisir, il saura le garder. La terreur que « nous allons répandre durera plus d'un jour. Bientôt <«< nous demanderons compte aux riches de leurs coupables richesses. Il faut qu'on dise un jour : Le «< 10 août, le peuple français a su s'affranchir de a l'esclavage et de la misère. Marchons, pour préve<«<nir le meurtre de nos familles! Marchons, pour « échapper au déshonneur de subir le joug étranger! « On ne peut livrer sur la frontière un combat aussi << terrible que celui que nous allons engager. Toutes << les victoires de nos guerriers seront renfermées dans « notre victoire. Aux armes! aux armes! >>>

Nuit du 9 au Il était onze heures et demie : le tocsin, sonnant Dispositions dans les quarante-huit sections de Paris, donnait le signal d'une bataille devenue inévitable, et qu'on allait engager au point du jour une terreur profonde glaçait cette multitude d'hommes paisibles et de femmes inoffensives que renferme Paris. Les amis du roi sentaient au fond de leurs âmes d'inexprimables angoisses; les mères maudissaient la liberté ; les jacobins et les fédérés aiguisaient leurs piques; chaque parti se disposait à servir de second dans cet étrange et dernier duel entre le peuple et le roi. Mais qui pourrait peindre les alarmes et la fermentation de cette épouvantable nuit?

Enfin Louis XVI avait compris l'imminence du danger de concert avec Mandat, commandant général de la garde nationale, il avait consenti à arrêter quelques dispositions utiles à la défense du château. Seize dé

tachements de garde nationale, formant ensemble Août 1792. deux mille quatre cents hommes, occupaient divers postes tant aux Tuileries qu'au Pont-Tournant. Le régiment des gardes suisses, à peine composé d'un effectif de neuf cent cinquante hommes, était retranché dans les appartements mêmes et dans les galeries du château. Toute la gendarmerie à cheval, c'est-à-dire environ neuf cents hommes, gardait les abords du Louvre, du Palais-Royal, des Tuileries et de l'hôtel de ville, ainsi que la ligne du quai d'Orsay. La gendarmerie à pied était consignée; douze canons étaient en batterie autour du château. Des détachements de la garde nationale occupaient le pont Neuf et renforçaient le poste de l'hôtel de ville.

En comparant ce petit nombre de défenseurs, officiellement appelés à protéger le roi, à ces nombreuses masses d'assaillants, fédérés et Parisiens, Marseillais et Bretons, qui s'apprêtaient à faire le siége du château, on pouvait à peine espérer que leur courage retarderait de quelques heures la victoire de Santerre et de Westermann. D'ailleurs, la plus grande partie de cette réserve constitutionnelle n'était point disposée à une lutte sérieuse. Les canonniers de la garde nationale appartenaient à l'opinion républicaine, et se trouvaient plus disposés à tourner leurs pièces contre le château que contre le peuple. D'un autre côté, sauf les bataillons des Filles-Saint-Thomas et des PetitsPères, connus par leur attachement à la royauté, la milice bourgeoise de Paris commençait à se pénétrer des principes du jacobinisme, s'épurant, par la force des choses, dans le sens du parti républicain, à me

Août 1792. sure que les feuillants et les fayettistes se retiraient et faisaient place à des prolétaires recrutés dans les faubourgs. Enfin, la gendarmerie était en grande partie composée des anciennes gardes françaises, qui, au 14 juillet 1789, avaient, par leur révolte contre leurs chefs, assuré la prise de la Bastille et ouvert les voies à la révolution.

Attitude des royalistes de

Ainsi le roi ne pouvait compter que sur les Suisses toute nuance. et sur environ trois ou quatre cents hommes non enrégimentés, généreux courtisans de son infortune; leur troupe fidèle se pressait autour de lui, attendant ses ordres, et ne demandant qu'à mourir pour son salut. Il y avait aussi des royalistes constitutionnels dont le roi et ses amis se défiaient injustement, dont la cour refusait les offres de services, et qui, déplorant l'extrémité fatale où se trouvait la monarchie, erraient autour du château, s'exposant à se faire massacrer, pour se consoler de ne pouvoir se battre; c'étaient les amis des Lameth et de la Fayette, les feuillants qui, la veille encore, remplissaient les salons de madame de Staël. Parmi eux on aurait pu remarquer MM. de Lally-Tolendal, de Narbonne, de la Tour-du-Pin-Gouvernet, de Castellane, Matthieu de Montmorency, et d'autres encore, qui ont figuré depuis lors au premier rang des soutiens de la royauté.

Le roi n'aimait point Mandat, ce chef de légion que l'ordre de service appelait ce jour-là au redoutable honneur de commander la garde nationale de Paris. Mandat était un homme froid, sévère, partisan sincère de la révolution, mais disposé, par devoir, à servir jus1 On appelait ainsi les partisans de la Fayette.

qu'au dernier moment le roi que la constitution lui Août 1792. donnait pour chef.

Péthion et Roederer avaient été invités à se rendre L'assemblée

mande barre.

au château. Le maire de Paris, embarrassé du double Pétion à sa rôle qu'il jouait, n'avait point osé refuser de donner à Mandat un ordre signé, portant autorisation de repousser la force par la force. L'assemblée nationale, apprenant ensuite que la cour parlait de retenir le maire aux Tuileries à titre d'otage, rendit un décret qui appelait Péthion à la barre. Cependant le bruit de la prétendue captivité de ce magistrat circulait déjà dans le peuple, et augmentait sa colère.

Disposi

tions géné data.

rales pour la défense

Attendrait-on l'attaque des insurgés? Les prévien- Incertitudes. drait-on en prenant l'initiative du combat, en les dispersant avant qu'ils eussent pu se concerter et opérer leur jonction? Le premier plan était plus conforme au texte de la loi; le dernier, plus sûr et plus efficace. Mandat fit décider qu'on se laisserait attaquer par le peuple, et qu'on se bornerait à se défendre. Les dispositions qu'il prit d'urgence étaient d'ailleurs bien combinées. Pendant que les insurgés du faubourg Saint-Antoine et ceux du faubourg Saint-Marceau se rassemblaient dans leurs quartiers respectifs, sauf à opérer leur jonction sur les quais voisins de la Grève, le commandant de l'hôtel de ville avait reçu l'ordre de laisser passer la colonne du faubourg Saint-Antoine par l'arcade Saint-Jean, et de la charger ensuite par derrière, lorsqu'elle se serait engagée dans les rues étroites et sur le quai qui conduisaient au Louvre. Le bataillon de la section de Henri IV, réuni au pont Neuf, devait en interdire le passage, soit aux assail

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