Page images
PDF
EPUB

teurs

Billaud,

d'Herbois,

Autour de ces hommes, que dominaient Robespierre Juillet 1792. par sa tactique, Danton à force d'audace, se groupaient Conspirad'autres meneurs aventureux, d'autres conspirateurs subalternes : marchant tête levée, ou disposant leurs coups dans Collotl'ombre. Tous ensemble ils tenaient, dès les derniers Westermann. jours de juillet, des conciliabules plus ou moins mystérieux, et se réunissaient, pour plus de sûreté, dans une maison voisine de Charenton. Là se rendaient Collotd'Herbois, comédien sifflé sur les planches de Lyon, et admiré chez les jacobins, qu'exaltaient sa faconde et son énergie; Billaud-Varennes, réservé à une célébrité sinistre; le brasseur Santerre, dont les événements du 20 juin avaient accru la popularité; Westermann, officier supérieur, sur le courage duquel reposaient beaucoup d'espérances, et dont la férocité surpassait encore le courage; l'ex-capucin Chabot, homme doué d'une ambition folle, d'une activité stérile, d'une probité douteuse, et l'un de ceux qui déshonorèrent davantage la cause de la liberté; le commandant Alexandre, l'un des agitateurs du faubourg Saint-Marceau; le Polonais Lazowzki; le journaliste Carra; Fournier l'Américain; l'ex-constituant Antoine, de Metz; et un certain nombre de meneurs obscurs, mais ardents pour l'insurrection. On comptait sur le concours des fédérés brestois; mais surtout on attendait l'arrivée à Paris du trop célèbre bataillon marseillais, dont la présence devait donner du cœur aux révolutionnaires de la capitale. Cette troupe, qui allait être comme l'avant-garde de la république, venait joindre son chef, le jeune Barba- Barbaroux roux, que, sur la foi des mémoires de madame Roland, Marseillais. on a trop facilement érigé en grand homme. Arrivé de

et les

Avril 1792. puis peu à Paris, ce républicain marseillais y avait été précédé par une réputation de vigueur et de patriotisme

[ocr errors]

qu'il s'attachait à justifier. Les chefs des diverses factions s'étaient empressés de lui faire des avances et de le rallier à leur cause; et comme, sans beaucoup se soucier de les mettre d'accord ou d'épouser leurs querelles, il voulait comme eux détruire le trône et frapper un grand coup, de part et d'autre on comptait sur son courage.

Mais sans être initié à toutes les intrigues de la Gironde, intrigues qui, d'ailleurs, étaient moins le fait d'une opinion que celui de quelques hommes, ce fut dans les rangs de ce parti qu'il finit plus tard par se classer. Admis aux réunions qui se tenaient chez madame Roland, Barbaroux s'y rencontrait avec Buzot, Clavières, Servan, Condorcet et Péthion. Voici l'esquisse que trace de lui l'Égérie de cette réunion politique : « Il avait une tête superbe; les peintres n'eussent pas dédaigné de le prendre pour modèle d'un Antinous... Actif, laborieux, franc et brave, Barbaroux, avec la vivacité d'un jeune Marseillais, était destiné à devenir un homme de mérite, un citoyen utile et éclairé. Amoureux de l'indépendance, fier de la révolution, déjà nourri de connaissances, capable d'une longue attention avec l'habitude de s'appliquer, et sensible à la gloire, c'était un de ces sujets que les grands politiques aiment à s'attacher, et qui devait fleurir avec éclat dans une république heureuse... » Ce portrait, œuvre d'une main amie, est beaucoup flatté. Barbaroux était doué, comme le sont généralement les gens du Midi, d'une grande finesse de perception, d'une intelligence prompte et sagace, il était, de plus, suscep

tible d'enthousiasme et de dévouement; mais, dans la Juillet 1792. pratique des événements et des idées, c'était un homme assez médiocre, passant avec beaucoup de facilité d'une opinion à une autre, jugeant avec ses impressions et non avec sa raison, et portant dans ses jouissances personnelles et dans ses plaisirs une ardeur qui ne lui laissait pas assez de temps ou de volonté pour être un conspirateur ou un homme d'État bien habile. Ajoutons qu'il n'avait point les qualités de l'orateur, mais qu'il possédait des notions assez approfondies sur tout ce qui se rattachait aux questions de commerce et de subsistances.

conjurés.

Les jacobins cachaient à peine leurs projets et leurs Dispositions espérances. Il s'agissait pour eux de compléter la journée du 20 juin, et de pousser une fois encore le peuple aux Tuileries, non pour solliciter, l'injure à la bouche, la sanction de deux décrets, mais pour proclamer la déchéance du roi et l'inauguration du régime républicain. La conduite que Péthion avait tenue au 20 juin permettait de croire qu'il ne ferait rien pour réprimer l'émeute; néanmoins on le fit sonder pour connaître ses intentions, et l'on obtint de lui la promesse, sinon de sa complicité, du moins de son inertie. Cependant Péthion, en homme prudent, exigea que, pour le mettre à couvert, on fit le simulacre de lui forcer la main, qu'on gardât à vue sa demeure et sa personne, afin de lui laisser un prétexte de justification, dans le cas où l'issue de la journée tournerait contre ses auteurs. Ces précautions prises, les rôles distribués de part et d'autre, on attendit une occasion propice, que les événements ne devaient pas tarder à fournir.

Juillet 1792.

Tentative équivoque

girondins.

Chaque faction marchait à son but.

Dans la séance du 26 juillet, Guadet proposa à l'asdes semblée nationale l'adoption d'une adresse que Condorcet avait rédigée : on y parlait au roi un langage injurieux et menaçant; on lui reprochait d'avoir remplacé des ministres patriotes et vigilants par des hommes obscurs ou suspects, bientôt suivis par d'autres non moins inconnus du peuple; on lui faisait un crime d'écarter ou de négliger le concours des hommes dont le nom seul pourrait répandre la sécurité et l'espérance dans l'âme des citoyens; enfin, on lui faisait entrevoir qu'il ne lui restait plus qu'un seul moyen de sauver la patrie et la royauté, et ce moyen consistait à s'entourer de conseillers et de ministres dignes de la confiance publique. Au fond, cette adresse n'était qu'une manœuvre des girondins, à l'aide de laquelle ils espéraient contraindre le roi à leur rendre le ministère dont ils avaient été évincés, mettant à ce prix leur concours, et couvrant cette capitulation ambitieuse du masque ordinaire des intérêts de la patrie.

Ni les hommes clairvoyants du côté gauche, ni la parti constitutionnel, ne s'y trompèrent; aussi accueillirent-ils avec défaveur cette tentative des girondins. Brissot, au contraire, monta à la tribune, et parla longuement en faveur de l'adresse. Après avoir examiné séparément les diverses mesures que proposaient les républicains, la suspension du roi, la dictature, la convocation des assemblées primaires, il s'attacha à prouver que toutes ces mesures étaient dangereuses pour la liberté, et ne pourraient que favoriser les ennemis du

dedans et du dehors.

Pendant ce discours, qui établissait, avant toutes Juillet 1792. choses, que la Gironde faisait scission avec l'opinion républicaine, et cherchait des prétextes pour retarder, à son profit, la ruine entière du trône, les députés assis sur les hauts gradins, ceux qu'on appelait les montagnards, donnaient des marques visibles de colère et d'impatience. Les membres assis aux bas-côtés de l'assemblée applaudissaient énergiquement; et beaucoup de feuillants, soit ironie, soit dernière espérance, mêlaient leurs acclamations à celles des partisans de la Gironde. Les tribunes, généralement dominées par l'influence jacobine, interrompirent souvent l'orateur par des cris injurieux, l'appelant homme à double face, scélérat, et enfin Barnave! Ce dernier nom était alors, grâce à la fureur des temps, l'équivalent du mot de traître, et la plus violente injure qu'un républicain pût jeter à la face de son ennemi. Au sortir de la séance, Brissot fut accueilli par des menaces et des huées. Cependant, comme la majorité de l'assemblée votait encore avec la Gironde, le discours de Brissot eut les honneurs de l'impression, et ses conclusions furent décrétées; elles consistaient à obtenir qu'une commission extraordinaire serait chargée: 1° d'examiner quels étaient les actes qui pouvaient entraîner la déchéance; 2° de dire si le roi s'en était rendu coupable; 3° de faire une adresse au peuple pour le prévenir contre les mesures inconstitutionnelles et impolitiques qu'on pourrait lui proposer. On sent tout ce que ces conclusions renfermaient de grave; on voit surtout qu'elles mettaient éventuellement aux mains de la Gironde une arme à deux tran

« PreviousContinue »