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Juillet 1792. « entière. Turenne n'a-t-il pas tenu quatre armées en « échec, sous le règne de Louis XIV, d'un tyran? Et l'on <«<oserait avancer que l'armée de François II, de Fré« déric Guillaume, avec l'armée des rebelles, met la <«< France en péril? Deux cent mille esclaves à nos << portes auraient arraché au législateur un appel à la << nation? Cela n'est pas possible. La France n'a que « deux ennemis dangereux, le roi et la Fayette; et en« core la Fayette ne le serait plus si le roi était abattu. «Que Louis XVI soit donc ou chassé pour jamais du « trône, ou du moins suspendu de ses fonctions pen« dant tout le cours de la guerre, et bientôt la guerre « aura cessé...1. »

Mesures révolution

naires.

Tandis que les publicistes républicains provoquaient ainsi la déchéance de Louis XVI, toutes les autorités civiles, obéissant au décret de l'assemblée, s'étaient placées en surveillance permanente; d'heure en heure on tirait aux Invalides le canon d'alarme; tous les citoyens en état de combattre étaient mis en activité de service; chacun était tenu de déclarer les armes et les munitions dont il était pourvu; on donnait des piques à ceux qu'on ne pouvait armer de fusils. Plus tard, des amphithéâtres ayant été dressés dans les rues pour recevoir les enrôlements volontaires, le décret du corps législatif fut proclamé dans les divers quartiers de Paris par des officiers municipaux, suivis d'un cortége belliqueux, et précédés de bannières tricolores2. Rien ne fut épargné de ce qui pouvait redoubler l'enthou

Les Révolutions de Paris, tome XIII, pages 60, 61.
Le dimanche 22 juillet 1792.

siasme, ou exalter l'amour de la patrie jusqu'au délire: Juillet 1792. les enrôlements furent nombreux.

malgré le roi, maintient

Péthion

Le roi, dédaignant de s'abaisser davantage pour re- L'assemblée, cueillir quelques débris de popularité, fit connaître par une proclamation qu'il confirmait la sentence rendue à la mairie. par le directoire de Paris pour suspendre Péthion de ses fonctions municipales. Le maire de Paris, après avoir fait distribuer à la porte des Jacobins une brochure intitulée Règle générale de ma conduite, espèce de factum rédigé dans le sens du parti populaire, osa en appeler à l'assemblée nationale elle-même de la décision prise contre lui par le pouvoir exécutif. Il se présenta à la barre, dans la séance du 12 juillet, et demanda qu'on lui fit justice. Le lendemain, sur le rapport présenté par Muraire au nom de la commission des Douze, et après une discussion qui fut très-orageuse, l'assemblée rendit un décret en vertu duquel la suspension prononcée contre le maire de Paris par le directoire, et confirmée par le roi, fut déclarée levée et de nul effet mais ce n'était pas le terme des humiliations que Péthion infligeait à Louis XVI.

:

populaire

Fête

La fédération du 14 juillet 1792, qui, dans l'espé- Triomphe rance des partis, devait servir de signal aux événe- de Péthion. ments les plus graves, n'eut d'autre résultat pour la du 14 juillet. France que de fournir au maire de Paris l'occasion du plus insolent des triomphes. Escorté d'une foule immense armée de piques, qui criait stupidement, Vive Péthion! et portait ces mêmes mots tracés à la craie sur tous les chapeaux, le maire se rendit au Champ de Mars, traînant en quelque sorte à sa suite le roi à demi prisonnier, le roi qu'il avait vaincu. Ve

Juillet 1782, naient ensuite les tables des Droits de l'homme, un modèle de la Bastille, la statue de la Liberté, le glaive de la loi posé sur un crêpe, des citoyens couronnés de pampres et d'épis de blé, la statue de la Loi, et des trophées d'armes et d'instruments aratoires. Il était cinq heures du soir quand le cortége, accompagné de la garde nationale, arriva sur l'esplanade du champ de Mars. Là, il y avait cinquante-quatre pièces de canon qu'on tirait sur le bord de l'eau, et, en outre, le pourtour des glacis était orné de quatre-vingt-trois tentes surmontées de bannières tricolores. En face de l'autel, du côté de la ville, sur le glacis, on avait dressé une grande tente pour l'assemblée législative, le roi et le tribunal de cassation; du côté opposé, une tente non moins grande pour les corps administratifs et municipaux, et pour les notables; dans l'enceinte du champ de Mars, quatre-vingt-trois mâts espacés portaient chacun le nom d'un département sur une banderole tricolore, surmontée du bonnet de la liberté; l'autel de la patrie avait la forme d'une colonne tronquée, garnie de guirlandes de chêne; en face de cet autel, du côté de l'eau, on avait élevé un grand arbre, aux branches duquel étaient suspendus des écussons, des casques, des cordons d'ordres supprimés, entrelacés avec des chaînes; au pied de cet arbre était dressé un bûcher couvert de tiares, de couronnes royales et féodales, de chaperons, de titres de noblesse et de papiers de chicane; du côté opposé était élevée une pyramide environnée de cyprès et de lauriers; sur l'une des faces on lisait: Aux citoyens morts pour la patrie aux frontières; et sur l'autre: Tremblez, tyrans! nous nous levons pour les venger.

Nouvelles humiliations du roi.

Le roi, bien qu'entouré d'une garde militaire et de Juillet 1792. ses fidèles Suisses, qui continrent les mouvements désordonnés de la multitude, parut à cette vaine cérémonie comme un captif soumis au joug; il était pâle et inquiet. La garde nationale gardait le silence, effrayée des événements qu'elle pouvait pressentir, et ne pouvait se résoudre à mêler ses acclamations à celles qui retentissaient en l'honneur de Péthion. Celui-ci jouissait de la faveur des masses, et se croyait avec orgueil l'homme nécessaire, le modérateur et le chef de la France. Ce jour-là, de maire de Paris il était devenu maire du palais; mais sa gloire ne fut pas de longue durée. Il eut son tour comme Necker, comme d'Espremenil, comme toutes les idoles du peuple et tous les rois des halles, que la multitude encense et soufflette selon ses caprices. Le malheureux Louis XVI consentit à monter sur l'autel de la patrie, et à renouveler des serments qu'au fond du cœur il en était venu à détester; mais un reste de dignité lui fit refuser de mettre lui-même le feu à l'arbre de la féodalité et du despotisme. Ce soin appartint à d'autres, qui au moins n'avaient rien à regretter dans ce passé qu'on livrait aux flammes, dans ces cendres qu'on jetait au vent. La reine et ses enfants assistaient à cette scène il est impossible de redire leurs angoisses. Quant aux troupes, heureuses d'avoir mis Louis XVI à couvert des atteintes de ses ennemis, elles crièrent : Vive le roi! Par un retour étrange de faveur ou de pitié, le peuple répéta lui-même ce cri de la vieille monarchie... Hélas! c'était pour la dernière fois qu'il consolait un peu la triste famille de Louis XVI.

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Juillet 1792.

Mesures militaires.

Le dévouement des troupes avait surpris et inquiété l'assemblée et les jacobins. L'assemblée, méconnaissant les dispositions formelles de la constitution, qui réservaient au pouvoir exécutif, et à lui seul, le commandement de l'armée, ordonna aux régiments présents à Paris de partir pour les frontières. M. d'Affry, commandant des Suisses, s'autorisa de ses capitulations qui mettaient ces étrangers au service du roi et non à celui d'une autorité élective, et il refusa généreusement de partir. L'assemblée obtint cependant, de gré ou de force, l'éloignement de deux bataillons suisses. Le roi, menacé par ces décrets, attentatoires de sa dignité et de ses droits, n'osait les paralyser de son velo. Dès ce moment, il était comme frappé d'atonie; il n'exerçait le pouvoir que pour souffrir, et non pour régner.

1

L'assemblée nationale entendit un rapport du député corse Pozzo di Borgo, à la suite duquel intervint un décret qui prescrivait au roi de donner une impulsion plus vive aux mesures de sûreté générale déjà adoptées; le lendemain, sur le rapport de Carnot, elle décida que le complet de l'armée de guerre serait porté à environ quatre cent cinquante mille hommes pour atteindre ce chiffre, il devait être fait appel aux volontaires nationaux, et des registres allaient être ouverts, Une à cet effet, dans chaque canton du royaume. En ce mopopulaire ment, une députation de fédérés fut admise à la barre : en accusation « Représentants, dit l'orateur, la nation est trahie!... << Nous ne sommes plus les dupes des intrigants et des << traîtres, et nous ne voulons point être esclaves. Nous

députation

demande

la mise

de

↑ Séance du 16 juillet.

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