Page images
PDF
EPUB

Juin 1792. «< constitution à laquelle il a attaché sa félicité, et <«< bientôt vous deviendrez le sujet de ses actions de « grâces.

« La conduite des prêtres en beaucoup d'endroits, « les prétextes que fournissait le fanatisme aux mé<«< contents, ont fait porter une loi sage contre les per<«<turbateurs que Votre Majesté lui donne sa sanction; <«< la tranquillité publique la réclame, et le salut des << prêtres la sollicite. Si cette loi n'est mise en vigueur, << les départements seront forcés de lui substituer, <«< comme ils font de toutes parts, des mesures vio<< lentes; et le peuple irrité y suppléera par des excès.

« Les tentatives de nos ennemis, les agitations qui << se sont manifestées dans la capitale, l'extrême in<«< quiétude qu'avait excitée la conduite de votre garde, << et qu'entretiennent encore les témoignages de satis« faction qu'on lui a fait donner par Votre Majesté, << par une proclamation vraiment impolitique dans la << circonstance; la situation de Paris, sa proximité des « frontières, ont fait sentir le besoin d'un camp dans « son voisinage. Cette mesure, dont la sagesse et l'ur«gence ont frappé tous les bons esprits, n'attend en<«< core que la sanction de Votre Majesté. Pourquoi faut-il << que des retards lui donnent l'air du regret, lorsque « la célérité lui gagnerait tous les cœurs? Déjà les ten<< tatives de l'état-major de la garde nationale parisienne <«< contre cette mesure ont fait soupçonner qu'il agis<< sait par une inspiration supérieure; déjà les décla<<mations de quelques démagogistes outrés réveillent << les soupçons de leurs rapports avec les intéressés au << renversement de la constitution; déjà l'opinion com

<<< promet les intentions de Votre Majesté; encore quel- Juin 1792. << que délai, et le peuple contristé verra dans son roi << l'ami et le complice des conspirateurs.

<«< Juste ciel! auriez-vous frappé d'aveuglement les puissances de la terre? et n'auront-elles jamais que <<< des conseils qui les entraînent à leur ruine?

« Je sais que le langage austère de la vérité est rare<«< ment accueilli près du trône; je sais aussi que c'est << parce qu'il ne s'y fait presque jamais entendre que << les révolutions deviennent nécessaires; je sais surtout « que je dois le tenir à Votre Majesté, non-seulement «< comme citoyen soumis aux lois, mais encore comme << ministre honoré de sa confiance, ou revêtu de fonc<«<tions qui la supposent or je ne connais rien qui puisse m'empêcher de remplir un devoir dont j'ai la << conscience.

« C'est dans le même esprit que je réitérerai mes <<< représentations à Votre Majesté sur l'obligation et « l'utilité d'exécuter la loi qui prescrit d'avoir un se«< crétaire au conseil. La seule existence de la loi parle « si puissamment, que l'exécution semblerait devoir << suivre sans retardement; mais il importe d'employer <<< tous les moyens de conserver aux délibérations la << gravité, la sagesse et la maturité nécessaires; et, << pour des ministres responsables, il faut un moyen << de constater leurs opinions si celui-là eût existé, je ne m'adresserais pas par écrit en ce moment à « Votre Majesté.

[ocr errors]

<< La vie n'est rien pour l'homme qui estime ses de<< voirs au-dessus de tout; mais, après les avoir remplis, « le bien auquel il soit encore sensible est celui de

Juin 1792 « prouver qu'il l'a fait avec fidélité, et cela même est

Résistance du roi.

renvoie le ministère

girondin.

<< une obligation pour l'homme public.

« Signé, ROLAND. »

Le roi écouta jusqu'au bout cet acte d'accusation;

:

Louis XVI, seulement, quand Roland eut achevé, Louis XVI lui dit « Il y a trois jours, monsieur, que vous m'avez << envoyé votre lettre; ainsi il était inutile de la lire au conseil, puisqu'elle devait rester un secret entre nous <<< deux. >>

Le lendemain, Dumouriez fut mandé au château'. Il trouva le roi dans sa chambre, et la reine auprès de lui. Ce fut Marie-Antoinette qui prit la parole: <«< Croyez-vous, monsieur, dit-elle, que le roi doive supporter plus longtemps les menaces et les insolences de Roland, et les fourberies de Servan et de Clavière? - Non, madame, répondit Dumouriez; j'en suis indigné. J'admire la patience du roi, et j'ose le supplier de changer entièrement son ministère : qu'il nous renvoie sur-le-champ tous les six, et qu'il choisisse des hommes qui ne soient d'aucun parti. - Ce n'est pas là mon intention, dit le roi. Je veux que vous restiez, ainsi que Lacoste et le bonhomme Duranthon. Rendez-moi le service de me débarrasser de ces trois factieux insolents, car ma patience est à bout. La chose est dangereuse, sire; mais je l'exécuterai. Je vais vous proposer des conditions. »

Dumouriez exigea que Louis XVI, pour balancer la popularité des trois ministres disgraciés, consentît à sanctionner les deux décrets qui prescrivaient la for

Mémoires de Dumouriez, tom. II, liv. IV, chap. vii.

mation du camp de vingt mille hommes et la déporta- Juin 1792. tion des prêtres réfractaires. Dumouriez parlait avec une déplorable bonne foi, traitant de vains scrupules les remords de conscience et les craintes religieuses qui retenaient Louis XVI: il parvint d'abord à obtenir du roi qu'il donnerait son assentiment à celui des décrets qui ne mettait en péril que sa personne; quand on en vint au décret rendu contre le clergé, Louis XVI persista à le repousser. Dumouriez lui rappela alors que ce n'était là qu'une conséquence de la loi à laquelle il avait autrefois consenti en sanctionnant la constitution civile du clergé. « J'ai fait une grande faute, lui dit Louis XVI, et je me la reproche. » Mais il fut un moment ébranlé par les instances de son ministre, et, s'il faut en croire Dumouriez, par les instances de la reine : dans cet instant de faiblesse, il promit à Dumouriez de sanctionner le fatal décret.

Roland, Clavière et Servan reçurent l'ordre de se démettre de leurs fonctions: Dumouriez réunit provisoirement dans sa main le portefeuille de la guerre et celui des affaires étrangères; Mourgues fut nommé ministre de l'intérieur, Beaulieu eut le département des finances. La Gironde était exclue du pouvoir.

Elle ne devait pas tarder à prendre sa revanche; les ministres renvoyés lui en fournirent promptement l'occasion. Ils se présentèrent à l'assemblée nationale pour lui rendre compte des motifs de leur disgrâce, et la majorité les couvrit d'applaudissements. Roland donna lecture de sa lettre au roi, et à chaque phrase il excita dans l'assemblée un frénétique enthousiasme : un décret ordonna que cette lettre serait imprimée, et

RÉVOL. FRANÇ.

ASS. LEGISLAT.

13

Juin 1792 envoyée aux quatre-vingt-trois départements. Les transports soulevés par cet incident duraient encore, lorsque Dumouriez entra dans la salle et fut accueilli

par
des huées et des menaces. En présence du danger
sérieux auquel il se vit exposé, et ayant en face de lui
des ennemis dont un seul caprice pouvait le traduire
devant la haute cour d'Orléans, il demeura ferme, du
moins en apparence, et comprima les fureurs de la
majorité à force d'indifférence et de courage. L'as-
semblée se borna à déclarer que les trois ministres dé-
chus emportaient avec eux la confiance de la nation :
c'était par cette formule que la constituante avait na-
guère suspendu l'exil de Necker et préludé à la chute
de la Bastille. Pour Dumouriez, il donna, comme mi-
nistre de la guerre, lecture de divers rapports militaires,
dont l'un annonçait la mort du général Gouvion: «<ll
<«< est heureux, ajouta-t-il, d'être mort en combattant
<< nos ennemis, et de ne pas être témoin de nos dis-
« cordes. J'envie son sort. » Cet hommage, qui ren-
fermait une leçon, calma un moment les passions de
l'assemblée.

Le soir même de cette journée où Dumouriez fit preuve de tant de fermeté ', le roi tint conseil avec ses nouveaux ministres. Alors Louis XVI déclara nettement qu'il consentirait à donner sa sanction au décret relatif au camp des vingt mille patriotes, mais qu'il la refuserait au décret contre le clergé. Les ministres essayèrent vainement de combattre cette résolution le roi se retira. Le lendemain, de nouvelles in

:

14 juin.

« PreviousContinue »