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<< Cayenne assistera à votre enterrement. »> << Je vais, lui « répondit Lavilleheurnois, vous faire à mon tour une his«toire Un jour, Charles-Quint étant à Gènes, et voulant «< honorer André Doria, s'embarqua dans un canot, et fit << ramer vers la galère amirale. Il y monte, et dit au général surpris André, je viens dîner avec toi. Sacrée majesté, « répondit Doria, vous serez reçu du mieux qu'il me sera << possible; mais je n'ai pas un fauteuil, pas même un ta<< bouret, et nous dînons assis sur les bancs des forçats. Le << monarque s'y asseyant, lui dit : Un siége où l'empereur se << place devient aussitôt un trône impérial. Mon lit, continua « Lavilleheurnois, a été occupé par un insigne scélérat; << quand j'y couche, c'est le lit d'un homme de bien. »>

...Nous voilà à la Guyane! On a eu le pouvoir de nous y déporter sans jugement, sans accusation. On s'est affranchi de ces formes que le gouvernement le plus absolu n'omettrait envers aucun coupable. Nous ne connaissons que par le fait la peine qui nous est infligée, et elle change au caprice de l'agent. Le décret ne lui avait pas même été adressé officiellement; mais il le trouva dans une gazette, avec plusieurs pièces relatives au 18 fructidor. Il fit copier cinq ou six feuilles de ce journal, et les fit imprimer et publier. Les colons recurent sous cette forme les nouvelles les plus fausses à notre sujet.

1er frimaire an VI (22 novembre 1797). Il m'est impossible d'écrire cette date, sous la zone torride, sans être frappé de l'inconséquence de cette application de toutes les lois de la métropole à un climat qui les repousse. Les frimas, les neiges, les pluies, la fenaison, la moisson, la vendange servent aujourd'hui à désigner, en France, les mois de l'année; ici, le soleil brûlera la Guyane en frimaire et en nivôse.

A notre arrivée, l'agent du Directoire se proposa d'abord de nous donner pour demeure ou l'habitation de l État, qui est à un quart de lieue de Cayenne, ou celle de Beauregard, qui en est éloignée de deux lieues. Celle-ci avait appartenu aux jésuites.

Nous n'avions pu prévoir qu'il nous serait interdit d'habiter le lieu de la colonie qu'il nous plairait de choisir. Mais, puisque notre détention continuait, nous eussions préféré l'une ou l'autre de ces deux habitations. Nous apprîmes avec peine qu'on avait alarmé l'agent sur notre voisinage, et qu'il venait d'arrêter qu'on nous transférerait à Sinnamari, un des lieux les plus malsains de la colonie. On nous faisait subir ainsi une déportation nouvelle, en aggravant le poids de la première; plusieurs la regardèrent comme un arrêt de mort, et voulurent y résister. Murinais adressa à l'agent des réclamations pressantes. Tronson lui écrivit une lettre qui fut mutile....

FIN DU PREMIER VOLUME.

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