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che, les citoyens égarés ont ouvert les yeux et les traîtres ont fui. Nous avons trouvé Robespierre aîné armé d'un couteau que ce brave gendarme lui a arraché. Il a aussi frappé Couthon qui était aussi armé d'un couteau (1). Saint-Just et Lebas sont pris; Dumas et quinze ou vingt autres conspirateurs sont renfermés dans une chambre de la Maison commune qui est bien gardée.

Nous avons chargé trois citoyens, l'un, d'amener ici les conspirateurs; l'autre, de veiller à la caisse; le troisième, de faire des recherches dans la Maison commune pour découvrir les autres conspirateurs qui pourraient s'y être cachés. Il est vraisemblable qu'Henriot s'est échappé, car des citoyens m'ont dit l'avoir vu fuir; mais, comme ils ne connaissaient pas votre décret, ils ne lui ont pas courn sus. Enfin, citoyens, la liberté triomphe, et les conspirateurs vont bientôt paraître à votre barre. (Non! non! s'écrie-t-on de toutes parts.)

Voici un portefeuille et des papiers saisis sur Robespierre. Voici aussi une lettre trouvée sur Couthon, et signée Robespierre et SaintJust; elle est conçue en ces termes :

<< Couthon, tous les patriotes sont proscrits; le peuple entier s'est << levé ce serait le trahir que de ne pas te rendre à la Commune « où nous sommes. >>

Je demande que le président donne l'accolade à ce brave gendarme.

Le président la lui donne au milieu des applaudissements.

Le président. Je dois dire à la Convention ce que ce brave gendarme vient de me dire : « Je n'aime pas le sang; cependant j'aurais désiré verser le sang des Prussiens et des Autrichiens mais je ne

:

que les canonniers qui nous étaient opposés s'étaient déjà réunis à nous avant d'avoir aperçu la colonne du commandant Martin qui venait les prendre en flanc, et que cette colonne ne suivit même pas la direction que je lui avais tracée. Au surplus, il n'est pas bien étonnant que Léonard Bourdon se soit trompé sur ce point, non plus que sur plusieurs autres qu'il a avancés dans son rapport; car il était encore au pont Notre-Dame lorsque j'avais déjà pénétré dans la Commune avec les grenadiers des Gravilliers et frappé Robespierre. (Note de l'auteur.)

(1) Robespierre n'était point armé d'un couteau: il était sans aucune arme dans la position que j'ai décrite dans ce Précis, au moment où je le frappai. Quant à Couthon, je ne puis pas affirmer positivement s'il avait ou non un couteau à la main, parce que je ne fis point attention à lui lorsque j'entrai dans le secrétariat, et qu'ensuite je le frappai dans l'obscurité; mais je crois bien qu'il n'en avait pas. (Note de l'auteur.)

regrette point de ne pas être à l'armée, car j'ai aujourd'hui versé le sang des traîtres (1). Ce citoyen se nomme Charles-André Méda (2).

La Convention décrète qu'il sera fait mention honorable du dévouement civique de ce citoyen, et charge le comité de salut public de lui donner de l'avancement.

N° II.

Extrait du procès-verbal de la Convention nationale, des 9 et 10 thermidor, an II de la république francaise.

Séance du 9 thermidor an II.

L'ON des représentants nommés pour diriger la force armée rend compte à la Convention que les conspirateurs, forcés dans la Maison commune, sont tués ou pris. Il demande, et la Convention nationale permet que le citoyen Charles-André Méda, gendarme national, qui l'a toujours accompagné pendant sa mission, monte avec lui à la tribune. Il raconte que ce citoyen a été un des premiers à frapper les conspirateurs, et que néanmoins, humain par caractère, il disait après : « Je n'aime pas le sang. J'aurais désiré n'avoir à verser que celui des Prussiens et des Autrichiens; mais je ne regrette pas celui que je viens de répandre : c'était celui des traîtres. >>

La Convention nationale décrète que mention honorable sera faite

(1) Voir ci-après ces paroles telles que Méda les a prononcées, non pas à la Convention comme le représentant Charlier, qui présidait en ce moment cette assemblée, voulut le lui faire croire, on ne sait pourquoi, mais à la Commune en présence de Léonard Bonrdon et des grenadiers des Gravilliers, lorsqu'il eut frappé Robespierre et Couthon. (Note de l'éditeur.)

(2) Il y a Médal au Moniteur par suite d'une erreur typographique; mais dans presque tous les autres journaux du temps, et surtout dans les procès.verbaux de la Convention, l'auteur de ce Précis est bien désigné sous le nom de Charles-André Méda. (Note de l'éditeur.)

au procès-verbal des actions et discours de ce bon citoyen dont le nom est proclamé dans son sein, et charge le comité de salut public de lui donner de l'avancement.

La Convention nationale décrète qu'un pistolet trouvé à la Maison commune sera remis au brave Méda (1).

Séance du 10 thermidor an II.

(Suite de la Séance permanente du 9.)

La Convention nationale, sur le rapport qui lui est fait, par un de ses membres, de la conduite du citoyen Charles-André Méda, gendarme national, décrète que mention en sera faite au procès-verbal, que son nom sera proclamé au sein de la Convention nationale, et renvoie au comité de salut public, qui demeure chargé de l'avancement de ce bon citoyen.

Visé par l'inspecteur :

Signé : S. E. MONNEL.

(1) Ce pistolet était celui avec lequel Méda avait frappé Robespierre, et qu'il avait jeté pour prendre le second pistolet armé qui lui restait lorsqu'il voulut poursuivre Henriot qu'on lui disait avoir vu se sauver par un escalier dérobé.

Si les écrivains qui ont parlé du 9 thermidor eussent eu connaissance de ce fait, qui n'est consigné ni au Moniteur ni dans aucun des autres journaux du temps, mais seulement dans les procès-verbaux de la Convention, il est à croire qu'ils n'eussent pas nié, comme quelques-uns d'entre eux l'ont fait, l'action hardie de Méda; car enfin, puisque ce pistolet, trouvé près de Robespierre et déposé sur le bureau de la Convention, fut reconnu pour être un des deux pistolets de calibre appartenant à Méda, et lui fut en conséquence rendu publiquement, il faut bien croire qu'il était à lui. Cependant on pourrait peut-être soutenir, en déscspoir de cause, que Robespierre pouvait avoir aussi des pistolets de calibre semblables à ceux de Méda; mais alors il faudrait nous expliquer comment Robespierre avait pu tenir caché sur lui un pistolet de cette force, depuis le matin qu'il était sorti de chez lui pour n'y plus rentrer, sans que personne s'en fût aperçu à la Convention où on l'arrêta avec beaucoup de violence, et où on lui mit plusieurs fois la main sur le corps pour l'empêcher de monter à la tribune: assurément une pareille supposition est inadmissible. (Note de l'éditeur.)

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Collationné à l'original par nous, secrétaires de la Convention nationale, à Paris, ce 10 thermidor, an II de la République française, une et indivisible.

Signé : LEVASSEUR, de la Meurthe; BORIE et PORTIEZ, de l'Oise, secrétaires.

Collationné et trouvé conforme aux originaux déposés aux archives de la République française, registre A. II, No 184, par moi, garde des archives, en foi de quoi j'ai signé et fait apposer le sceau desdites archives. A Paris, le 28 fructidor, an X de la République française.

Pour l'archiviste, absent, en mission. Signé: SARTHE, secrétaire général des archives.

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