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peuvent être entourés de quelques faibles arbustes à la faveur desquels les amis sincères de la patrie voudraient les faire remarquer à l'humanité plaintive et désolée.

La Révolution doit avoir un terme 1. La mort et la destruc tion ne doivent pas rester ses éternelles compagnes. Fut-il jamais pour aucun peuple de la terre une plus belle épo que d'organisation sociale ? Les armées françaises victorieuses de tous les rois de l'Europe, les bornes de la République reculées jusqu'au Rhin; l'Espagne et l'Italie n'ayant plus, dans les Pyrénées et les Alpes, les limites tracées par la nature: quels triomphes! Faut-il, parce que nous sommes maitres de donner la paix au monde, conserver éternellement la guerre parmi nous?

Du Luxembourg, ce 25 brumaire, l'an III de la république, une et indivisible.

VILATE.

1 Ce n'était point là l'idée des Thermidoriens, dont plus d'un voulait continuer la Terreur. Parmi les vainqueurs il y avait deux partis : ceux qui voulaient enrayer seulement; ceux qui voulaient dételer. Barère, Vadier, Collot-d'Herbois et Billaud-Varennes devaient à leur tour être victimes de la réaction de prairial après avoir essayé de faire violence à la Convention. A ce moment-là seulement la Terreur s'arrête, et ne dure plus que pour les émigrés. Mais déjà Vilate avait xpié ses crimes, dont le plus grand aux yeux de ses ennemis, celui qui rendit ses juges implacables, et doit lui valoir l'indulgence de la postérité, était dans ces révélations et ces protestations de sa prison, tardives, mais encore courageuses, par lesquelles il croyait sauver sa vie, et n'a fait que réhabiliter, jusqu'à un certain point, sa mémoire.

V

LE IX THERMIDOR.

FRAGMENTS DES MÉMOIRES DE BARRAS.

17

Nous reproduisons, en les latssant sous la responsabilité de leur auteur, la Notice et quelques-unes des notes dont M. Arsène Houssaye a accompagne, dans la Revue du XIXe siècle, la première publication de ces fragments:

« La Révolution a eu trois Barras, comme elle a eu trois Lameth, deax Robespierre, deux Mirabeau. Un premier Barras a été coupé en morceaux; le deuxième fut condamné à mort; le troisième, Paul Barras, le plus célèbre, a traversé toute la Révolution, a parcouru l'Empire, et a fini sa carrière avec cell de la Restauration.

«En 1792 il arrive du département du Var au château des Tuileries, à tit de député de la Convention. La Convention le nomme son représentant auprè de l'armée d'Italie, où il se rencontre avec Napoléon Bonaparte. Napoléon prend Toulon. Barras est proconsul à Toulon et à Marseille. Revenu à Faris, la Terreur veut le dévorer. Robespierre va se défaire de Barras, parce qu'il veut se défaire de tous les proconsuls. Barras s'associe à Tallien, à Fouché, à Fréron, et c'est Robespierre qui tombe.

« Le lendemain du 9 thermidor, Barras est commandant de la force armée de Paris. Il dit à la tribune qu'il n'y a d'autre Convention que celle du 9 thermi

dor.

« Il est ensuite le grand nom du Directoire. Il avait fait l'éloge de Bonaparte et l'avait fait nommer général : après le 18 brumaire, Barras s'offre à Bona parte consul.

« Barrère a laissé ses Mémoires, que MM. Carnot et David d'Angers ont publiés en quatre volumes. Les Mémoires de Barras sont restés inédits entre les mains de M. Hortensius de Saint-Albin. Barras a joué avec Tallien le premier rôle le 9 thermidor. On pourrait réclamer une part d'action pour Mme Tallien, qui elle aussi jouait les premiers rôles dans cette tragédie héroïque. C'est donc une bonne fortune pour la Revue du XIXe siècle, que la publication de ces pages sur l'histoire de la chute de Robespierre, où nous trouvons les plus curieuses révélations.

« Nous devons ces fragments à M. Hortensius de Saint-Albin, qui nous promet de publicr bientôt ces célèbres Mémoires qu'on croyait égarés à Frohsdorff. A. Houssaye. »

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LE IX THERMIDOR.

FRAGMENTS DES MÉMOIRES DE BARRAS.

Fouché a revendiqué la gloire d'avoir porté les coups les plus mortels à Robespierre; le fait est que, pour se dérober à sa colère, et, s'il l'eût pu, à sa mémoire implacable, Fouché ne paraissait plus à la Convention nationale et ne couchait plus chez lui. Seulement, le soir, sous divers déguisements, il faisait sa ronde chez les collègues qui étaient occupés à préparer l'attaque contre Robespierre.

Le moment de la crise approchait. Le 8 thermidor, Robespierre, dans le nuage des idées contraires qui l'assiégeaient, crut devoir prononcer à la Convention un discours aussi long que vague, mystérieux et menaçant.

Écouté dans un profond silence, il n'obtint pas l'approbation de l'assemblée. Plus confiant dans les Jacobins, et bien assuré d'y avoir raison, il se rendit le soir à ce théâtre de ses triomphes ordinaires et non contestés, et il y fit entendre de nouveau le langage que la Convention avait désapprouvé. Deux députés présents et des citoyens dirent que Robespierre était un dominateur, qui voulait élever autel contre autel, et renverser ce qu'il y avait de plus sacré. Ces députés et ces citoyens furent insultés par le peuple des jacobins. Collot et Billaud, qui avaient cru pouvoir soutenir le combat même dans l'arène qui appartenait exclusivement à Robespierre, firent un reproche à ce dernier de ce qu'il n'avait pas communiqué son discours au comité de salut public, où il ne siégeait plus depuis près de deux mois. Ces réflexions parurent plus qu'impertinentes envers les hauts personnages; eller

soulevèrent les jacobins; le bruit fut extrême, et les deux députés, poursuivis par les huées, abandonnèrent la tribune, où Couthon monta aussitôt pour faire l'éloge du discours attaqué et de son auteur. Il dénonça la conspiration du comité de salut public contre la liberté ; il considéra comme opinion politique du gouvernement l'opinion qui émanait des jacobins.

La société, violemment agitée, mit à la porte le député Brival. Plusieurs membres de la Convention nationale furent en même temps forcés de s'esquiver. Le comité de sûreté générale avait demandé copie du discours de Robespierre; elle lui fut refusée; le tumulte ne faisait que s'augmenter, et promettait déjà d'être bien autrement sérieux pour le lendemain.

Le 9 thermidor, Vadier ouvrit l'attaque dans la Convention, de la manière la plus singulière; il accusa Robespierre de s'ètre opposé aux mesures que les comités avaient voulu prendre contre les conspirateurs; Cambon se réunit à Vadier. « Robespierre, dit-il, ne s'était-il pas opposé au décret sur les rentiers? >>

Barrère attendait, pour prendre un parti, qu'il pût le faire sans danger, quand on vit arriver le collègue SaintJust d'un air profond et concentré. Il parut à la tribune, et commença ce discours par la paraphrase éloquente de celui de Robespierre, qui la veille avait causé tant d'agitation.

Tallien l'interrompit : « Il faut déchirer le rideau qui couvre tant de crimes, » s'écria-t-il courageusement1.

Robespierre se croyait encore maître absolu de la tribune dont il disposait depuis si longtemps d'une manière exclusive. Quel est son étonnement, lorsqu'il s'y présente à son tour, de n'y pouvoir obtenir la parole !

1 Tallien amoureux, Tallien qui allait mourir deux fois, puisqu'il aimait passionnément celle qu'il a épousée depuis et qui était déjà marquée pour l'é chafaud, fut, il faut le reconnaître, celui qui joua le plus résolument sa tête au 9 thermidor. — (A. H.)

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