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« impossible de la conserver si je vous avais toujours présent « à ma pensée en vous écrivant. Dorénavant je ne vous adres<< serai des Notes que telles que je les ferais pour moi; vous «saurez qu'elles sont pour vous, et vous resterez maître de « n'en prendre que la part qui vous conviendra.

« J'ai l'honneur, etc. »

Cette forme ôtait tout ce qu'il y aurait eu d'inconvenance à l'égard du premier consul et de gêne pour moi, si j'avais adressé mes réflexions directement à sa personne.

Je revins d'Angleterre aussitôt que je m'ennuyai d'y être. Je vis le premier consul qui me reçut avec aménité. Les sujets de conversation ne nous manquaient pas; cependant elle finit par languir, il y avait même des intervalles de silence; mais l'étiquette ne me permettait pas de me retirer sans être congédié. Je ne savais pas encore qu'il était dans ses habitudes de croire qu'on ne pouvait l'approcher sans lui demander quelque chose. Je ne voulais de lui que la sécurité que me promettait sa bienveillance avouée, et je repris mes travaux accoutumés. Il choisit cette fois M. de Lavalette pour intermédiaire, afin que ma correspondance continuât en France telle qu'elle s'était établie à Londres. En refusant, il aurait fallu renoncer en même temps à écrire pour le public, la censure s'établissant chaque jour plus tracassière sous le ministère de la police, avec lequel je ne voulais avoir aucun rapport. J'acceptai et je fis bien, puisque ce fut M. Fouché qui, deux fois, paya de sa place la fantaisie de lutter contre un correspondant de l'empereur, qui avait été assez prévoyant pour obtenir la parole du maître de n'être jamais sacrifié, même quand il aurait tort.

FIN.

CAUSES SECRÈTES

DE

LA RÉVOLUTION

DU 9 AU 10 THERMIDOR.

PAR VILATE,

EX-JURE AU TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE DE PARIS
DÉTENU A LA FORCE.

La censure des écrits et la tyrannie de l'opinion furent, dans tous les temps, les symptômes qui annoncèrent la perte de la liberté; et le droit indéfini de penser, d'écrire et de croire ce qu'on veut, est le signe auquel on va reconnaître qu'il existe une représentation populaire.

(Discours de Barère,)

AVERTISSEMENT.

Voilà l'ouvrage annoncé dans ma lettre à Tallien. Je n'ai pu le donner plus tôt au public à cause d'une mala die. J'ai dit la vérité. Je m'attends à toutes les persécu tions; n'importe : j'ai fait mon devoir. Les âmes honnêtes ne me feront pas le reproche d'abuser de la confiance en révélant des choses utiles. J'ai été arrêté par les hommes à qui j'ai arraché le dernier lambeau du masque imposteur J'ai dû me défendre.

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CAUSES SECRÈTES

DE

LA RÉVOLUTION

DU 9 AU 10 THERMIDOR.

Je dois au peuple ma justification; elie dérive des causes secrètes des 9 et 10 thermidor.

J'ai été juré au tribunal révolutionnaire de Paris, et je suis entré dans l'intimité des hommes qui, depuis le 31 mai 1793, ont joué les premiers rôles sur le théâtre sanglant de la révolution.

L'enthousiasme du beau et de la vertu, aliment ordinaire d'un cœur neuf et sensible, enflammé par l'espoir de la régénération d'un grand peuple, annoncée et promise avec tout l'éclat, tout le prestige de l'amour de l'humanité, m'avait lancé dans la carrière révolutionnaire1, et porté à figurer, sans m'en apercevoir, dans ces scènes tragiques décorées des noms de vertu, de patriotisme. Hélas! je serais devenu un nouveau Séide, si la connaissance des intrigues et des passions ne m'eût dessillé les yeux, et n'eût fait disparaître mes illusions. J'ai eu le courage d'inspirer des défiances; les Mahomet, les Omar redoutant ma langue véridique et babillarde, m'ont précipité, quelques jours avant leur chute

1 Ce n'est pas d'aujourd'hui comme on le voit, que suivant le mot de Rabagas, la révolution « est une carrière ». Ce n'est pas non plus d'aujourd'hui que l'exemple de Vilate apprend où elle mène. (L.)

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