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aux Tuileries, au Palais-Royal, à la place de Grève, et surtout à la porte Saint-Antoine, près de la Bastille;

2o On y rédigeait les placards incendiaires qui s'affichaient dans les faubourgs;

3o On y déterminait les pétitions qui seraient portées dans les sociétés populaires de Paris.

Ce fut là que fut forgée la fameuse pétition qui devait signaler le 20 juin, et que se trama l'attentat dont elle devait être le prétexte. Elle paraît avoir été définitivement arrêtée le 15 juin.

Le 16, le conseil-général de la commune de Paris était assemblé. La composition en était fort mélangée. Des factieux qui s'entendaient avec les conciliabules des faubourgs SaintAntoine et Saint-Marceau, et qui même en faisaient habituellement partie, y jouaient un grand rôle : notamment un Polonais nommé Lazouski, capitaine des canonniers du bataillon de Saint-Marcel, les nommés Lebon, Lachapelle, Lejeune, de la section des Quinze-Vingts, Genti de Lyon, et Bertrand, de la section des Gobelins.

Ils annoncèrent au conseil-général que le mercredi suivant, 20 juin, les citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel présenteraient à l'assemblée nationale et au roi des pétitions relatives aux circonstances, et planteraient ensuite l'arbre de la liberté sur la terrasse des Feuillants, en mémoire de la séance du jeu de paume (1789). Ils demandèrent que le conseil-général autorisât ces pétitionnaires à se revétir des habits qu'ils portaient en 1789, et de leurs armes. Il faut remarquer que le 20 juin était le jour anniversaire du serment du jeu de paume, prêté par tous les patriotes de l'assemblée constituante.

Le conseil-général considérant que la loi interdit tout rassemblement armé, s'il ne fait partie de la force publique légalement requise, passe à l'ordre du jour.

Les pétitionnaires, en apprenant cette décision, déclarent hautement qu'elle ne les empêchera pas de se rassembler en

armes 1.

1 Procès-verbal de M. Borie, assemblée municipale du 22 juin.

Le 18 au soir, le maire de Paris, Péthion, m'adresse, en ma qualité de procureur général syndic du département de Paris, l'arrêté de la commune du 16.

Le 19, je le communique au directoire du département. Le directoire mande près de lui le maire et les administrateurs de police. Après qu'il les eut entendus, je requis, et le directoire ordonna, que le maire, la municipalité et le commandant général de la garde nationale prendraient, sans délai, toutes les mesures qui étaient en leur pouvoir pour empècher tout rassemblement contraire à la loi, contenir et réprimer les perturbateurs du repos public. L'arrêté recommanda de plus aux gardes nationales de se tenir prêtes à donner assistance si elles étaient requises. L'arrêté fut affiché. Le maire expédia aussitôt, sur le burcau même du directoire, des ordres au commandant et aux administrateurs de police pour l'exécution de l'arrêté.

Cependant les esprits s'échauffent dans les deux faubourgs. On se rassemble le soir à la section des Quinze-vingts et à celle des Enfants-Trouvés. Le capucin Chabot se rend à cette dernière assemblée, excite les esprits contre le roi, et finit par cette phrase: Mes enfants, l'assemblée nationale vous attend demain, sans faute, à bras ouverts.

Vers dix heures du soir, les commandants de bataillon arrivent chez le maire, ainsi que les quatre administrateurs de police. Santerre assure que rien au monde ne pourrait empêcher les gardes nationales et les citoyens de marcher le lendemain en armes, que les habitants des environs de Paris se réuniraient à eux, qu'ils s'en faisaient une fète, que toute représentation était inutile, et qu'à tout ce qu'on pouvait leur dire, ils répondaient : On ne doit pas agir avec nous autrement qu'avec les autres que l'assemblée a bien reçus.

Alexandre, commandant d'un bataillon du faubourg SaintMarcel, digne émule de Santerre, assure qu'il en est de même dans son faubourg.

Les autres commandants ne disaient pas précisément la même chose, mais ils n'affirmaient pas que leurs bataillons fussent dans des dispositions opposées.

A minuit les administrateurs de police écrivent au directoire de l'administration du département pour lui proposer de faire accompagner le rassemblement par la garde nationale régulièrement commandée.

Je convoque le directoire; il est rassemblé à 4 heures du matin. Il refuse la proposition des administrateurs de police. Je reçois durant la séance une lettre du maire qui insiste sur cette proposition.

Je réponds par P. S. au bas de l'arrêté du directoire : « Nous ne jugeons pas que votre lettre de 5 heures du matin doive nous faire changer d'avis. » Nous étions unanimes dans notre opinion.

« C'était prévenir tout excès et tout écart, » disait Péthion. « C'était légitimer un rassemblement illégal et tout ce qui << pouvait s'ensuivre, » répondait le directoire.

Nous renouvelons au commandant de la garde nationale les ordres de surveillance déjà donnés. Nous prévenons le ministre des propositions de la municipalité et de notre réponse soins inutiles.

Plusieurs sections prenaient des délibérations opposées aux nôtres, et autorisaient les commandants de bataillon à conduire l'attroupement

CHAPITRE III.

Le 20 juin, de cinq heures du matin à une heure après-midi. L'attroupement commence à se former vers cinq heures du matin.

Des commissaires de la municipalité, envoyés au-devant du rassemblement du faubourg Saint-Marcel, font d'inutiles représentations aux chefs. Il en est de même au faubourg Saint-Antoine, où l'on charge un mai sur une voiture, dans l'intention de le planter sur la terrasse des Tuileries. L'on se met en marche. Le directoire du département est rassemblé à quatre heures du matin, donne des ordres au commandant-général de la garde nationale, et se rend à l'assemblée. Je porte la parole en son nom. - Mon discours, par lequel je mets sur le compte de l'assemblée les événements qui pourront avoir lieu, et en décharge l'administration du département.

A cinq heures du matin, invalides, gardes nationaux, piquiers, hommes sans armes, femmes, enfants, tout se réunit. Des commissaires sont envoyés par le maire, vers 8 heures du matin, au faubourg Saint-Marcel. « Ils rencontrent vers l'hôpital une troupe considérable d'hommes armés et non « armés, dont un grand nombre étaient en uniforme. Les « grenadiers, les fusiliers, les chasseurs, étaient au centre << avec leurs drapeaux. Tous étaient précédés de deux pièces « de canon. Saisissant un moment de halte, disent les com«missaires, nous avons rappelé la loi, rapporté l'arrêté du « département, nous avons invoqué la confiance et l'attache«ment qu'on nous témoignait. Ils ont répondu qu'ils ne << voulaient point faire de mal; que plusieurs autres avaient * été reçus avec leurs armes à l'assemblée nationale, et bien * reçus. Et après quelque temps, ils ont unanimement crié : En avant! et se sont remis en marche. En ce moment on « annonça que la municipalité de Gentilly arrivait, et de<«< mandait la permission de se placer à côté des drapeaux. » Mème résistance, mèmes motifs furent opposés dans le

mème moment à M. Perron, administrateur de police, qui s'était rendu près du bataillon des Gobelins. On ne voulait, disait-on, faire de mal à personne, mais on gardait les armes dans la crainte d'être maltraité.

Au faubourg Saint-Antoine, le mouvement était plus nettement caractérisé. Une partie du bataillon de la section des Quinze-vingts était en armes; un mai était chargé sur une voiture, dans le lieu des séances de la section. Santerre et d'autres officiers reçurent les commissaires de la municipalité, et répondirent, comme les autres, que déjà plusieurs députations armées avaient été bien reçues par le corps législatif, et que le directoire du département ne les avait point empêchées.

Des canonniers, des grenadiers, des commissaires de la section et le commissaire de police, revêtu de son chaperon, vinrent se joindre aux habitants du faubourg. Étaient-ils des modérateurs qui s'introduisaient entre des hommes exaltés? Étaient-ils une sauvegarde et une garantie contre les dangers de l'illégalité?

Cependant, à cinq heures du matin, Santerre n'avait pas réuni plus de quinze cents personnes; mais sa troupe se grossit considérablement dans le trajet du faubourg au passage des Feuillants. Cependant il n'osa forcer la porte pour aller planter le mai sur la terrasse des Feuillants, comme on en avait le projet. Il le fit planter dans la cour des Capucins, voisine des Feuillants.

Je viens de rapporter les faits qui ont précédé le rassemblement : nous l'avons laissé en marche et s'avançant vers l'assemblée nationale. Avant d'aller plus loin, il est malheureusement nécessaire de reprendre les actes du conseil général et du directoire du département et les miens.

Le 19 juin, après que le maire, présent à la séance du directoire, eut donné des ordres conformes à l'arrêté rédigé en sa présence, j'en adressai une expédition au ministre de l'intérieur; le ministre l'adressa sur-le-champ à l'assemblée nationale, le président l'annonça. Plusieurs orateurs voulurent en empêcher la lecture, alléguant que l'entendre sans

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