Page images
PDF
EPUB

Une lettre du commandant général de la garde nationale parisienne, offre à l'assemblée l'hommage de la garde nationale, et l'assure qu'elle veillera au maintien des propriétés et à la sûreté des personnes.

M. Lamarque. Depuis le commencement de la session le pouvoir exécutif nous trahit; c'est une vérité sentie par tous les membres de l'assemblée. (Quelques murmures et des applaudissemens.) Il cherche tous les moyens de nous avilir pour nous faire perdre la confiance de la nation; et nous l'aurions bientôt perdue, si nous avions perdu celle de la capitale. Pour perdre la confiance de la nation, il ne nous faudrait qu'un petit nombre de décrets contradictoires avec l'opinion publique. ( Les tribunes et une partie de l'assemblée applaudissent.) A cet égard, je n'ai nulle crainte; și l'assemblée n'est pas infaillible, elle est incorruptible. Mais un grand danger environne la chose publique. Le pouvoir exécutif, après avoir insinué qu'on ne doit pas compter sur l'assemblée, jettera dans la foule quelques-uns de ces hommes qui sont toujours à ses ordres, pour agiter le peuple déjà trop indigné des trahisons dont il est la victime. Quand le trouble sera bien excité, ce même pouvoir exécutif, au lieu de faire marcher la vraie garde nationale, rassemblera autour de lui les chevaliers du poignard, les correspóndans de Coblentz, tous ces hommes affreux qui brûlent de rougir leurs armes atroces du sang du peuple. On corrompra l'armée, on fera agiter simultanément les ennemis étrangers; c'est à vous de prévenir ou d'arrêter ces désordres, et cette situation avilissante dont nous sommes menacés. Parmi les moyens d'y réussir, je regarde comme indispensables les mesures suivantes que je propose à l'assemblée de renvoyer à l'examen

de sa commission:

[ocr errors]
[ocr errors]

1o L'assemblée sera en séance permanente jusqu'à ce que la grande question de la déchéance ait été décidée.

[ocr errors]

2o Tous les citoyens qui ne sont point domiciliés à Paris depuis un an, les fédérés exceptés ( On rit et on murmure.), seront tenus d'exhiber, devant les juges de paix ou autres, officiers de police, des certificats de civisme de leurs municipalités fantsq

[ocr errors]

de quoi ils seront tenus de se retirer dans le lieu de leur domicile.

3o Ceux qui refuseront de satisfaire aux dispositions de l'article précédent, seront arrêtés comme suspects de trahison, et détenus jusqu'à la fin de la guerre.

4o Les municipalités seront autorisées à prohiber les journaux connus pour prêcher l'incivisme (Plusieurs voix: Et l'insurrection), à la charge d'en donner avis à l'assemblée nationale et au pouvoir exécutif.

5° Il sera nommé par l'assemblée quatre commissaires chargés d'extraire des procès-verbaux de ses séances, toutes les réquisitions faites depuis le commencement de la guerre au pouvoir exécutif, pour le complétement et l'approvisionnement des armées, les réponses des ministres, et leurs promesses. Les commissaires seront chargés de tirer un résultat et de le présenter à l'assemblée.

6° L'assemblée ayant jugé avantageux l'envoi des commissaires à Soissons, décrète que ces mêmes commissaires, auxquels il en sera joint quatre autres élus de la même manière, c'est-à-dire å haute voix, seront envoyés aux armées du Nord et du Rhin, pour rendre compte à l'assemblée de leur position. (Quelques applaudissemens.)

Ces propositions sont renvoyées à la commission extraordinaire.

M. Lamarque. Je dois annoncer que je suis informé que les cidevant gardes du roi qu'on retenait à Paris avec 40 sous par jour, ont encore reçu aujourd'hui une augmentation.

M. le président. Il y a au bureau de MM. les secrétaires plusieurs lettres de différens membres de l'assemblée. On va en donner connaissance.

Plusieurs voix. Oui, la lecture.

Un de MM. les secrétaires lit les lettres suivantes :

Paris, ce 9 août 1792.

Monsieur le président, sortant hier de l'assemblée par la porte du Manège, j'ai été poursuivi jusqu'à l'entrée de la rue du

.

Dauphin. Une femme, armée d'un couteau, a voulu m'en frapper. J'ai été assez heureux pour le faire tomber d'un coup de canne. Alors un individu, en habit de garde national, m'a pris au collet; ce n'est qu'avec beaucoup de peine et en me débattant que je me suis arraché à sa fureur. Je suis un représentant du peuple français. Je sortais de mon poste. J'ai eu, sur plusieurs de mes collègues, l'avantage de savoir me taire. Je suis et je serai toujours un homme du peuple. Mais je demande qu'on m'assure l'inviolabilité de mon caractère et la liberté de mes opinions. >

Signé MÉZIÈRES, du département de l'Aube.

• Monsieur le président, je sortais hier avec M. Lacuée. Arrivé à la porte de la rue Saint-Honoré, je me suis vu environné d'une multitude d'hommes 'en uniforme national avec des bonnets rouges sur la tête. Là j'ai entendu distinctement délibérer qu'on me mettrait à la lanterne. (Il s'élève de longs murmures d'indignation.) Alors j'ai réclamé mon inviolabilité et mis en évidence mon cordon de député. On m'a répondu que c'était pour cela qu'il fallait me pendre. En cet instant un homme en veste m'a pris par derrière et m'a soulevé. (Un mouvement d'horreur se manifeste dans l'assemblée.) Alors est survenu un grenadier du bataillon de Sainte-Opportune, nommé Lavilette, qui, le sabre à la main, et secondé de quelques-uns de ses braves camarades, m'a dégagé, m'a conduit au département, d'où un détachement m'a ramené chez moi. Je supprime toute réflexion. Je ne puis plus assister aux séances de l'assemblée. J'instruirai mes commettans de ma conduite. Signé, REGNAULT-BEAUCARON. >

[ocr errors]

Monsieur le président, après le décret rendu hier sur l'accusation de M. La Fayette, lorsque nous sortions de la salle, les citoyens qui occupent la tribune de l'extrémité gauche répandirent un torrent d'injures et nous menacèrent des gestes les plus affreux. M. Dumoslard et moi nous nous tenions par le bras, dans la cour du Manége. Ils reconnurent M, Dumoslard pour un des orateurs qui avaient parlé en faveur de M. La Fayette. Alors il devint l'objet particulier de leurs insultes. Après avoir répété plusieurs fois :

[ocr errors]
[ocr errors]

ce sont des gueux, des coquins, des traîtres payés par la liste civile, il faut les pendre, il faut les tuer, ils ramassèrent dins la rue Saint-Honoré, du mortier, des moellons, de la boue, et nous les lancèrent. Un grand nombre de citoyens sortant de leurs boutiques, s'écriaient : « Comment peut-on insulter ainsi des députés? sauvez-vous, sauvez-vous! » Un tel parti n'eût fait qu'accroître le danger. Nous arrivâmes au corps de garde du Palais-Royal; un fédéré nous y suivit. Là, l'œil étincelant de rage, frappant en forcené sur une table, il dit à M. Dumoslard que s'il avait le malheur de remettre les pieds dans l'assemblée, il lui couperait la tête d'un coup de sabre... (Il part un applaudissement de la tribune située à l'extrémité gauche du président. L'assemblée tout entière est dans la plus tumultueuse agitation.)

[ocr errors]

Plusieurs membres se précipitent dans le milieu de la salle, en proposant un comité général.

M. Larivière. Je demande la parole sur cette proposition.

M. Lacroix. Avant de rien décider, je demande que la lecture des lettres soit continuée.

M. le président. On m'instruit qu'il y a autour de la salle un grand nombre de citoyens armés, et que la garde n'est pas suffisante pour les contenir. (Le tumulte recommence.)

M. Galon. Je viens de sortir du côté de la cour du Manége, il n'y a point de rassemblement armé.

Quatre officiers municipaux entrent à la barre, et assurent qu'il n'y a personne en armes.

Ils sont admis aux honneurs de la séance.

M. Gossuin. Je demande la punition de la personne qui a répandu un bruit si calomnieux; que M. le président la désigne. M. le président. On demande que je nomme les personnes qui m'ont instruit du prétendu rassemblement. Ce sont deux députés. Plusieurs voix. Nommez-les.

Un membre se lève, et dit qu'il n'a point parlé de rassemblement, mais qu'il a vu dans les corridors des hommes armés de sabres.

On demande que ce membre soit envoyé à l'Abbaye pour avoir voulu jeter le trouble dans l'assemblée.

M. Merlin. Comme c'est le président qui a dit que la garde n'était pas suffisante, et que c'est lui qui par-là a causé le trouble, je demande qu'il soit lui-même envoyé à l'Abbaye. (De longs murmures éclatent dans plusieurs parties de la salle.)

M. le président. Un citoyen m'ayant annoncé, il y a une heure, qu'il n'y avait pas assez de garde pour contenir les troubles, je n'ai pas jugé ce rapport suffisant pour en occuper l'assemblée. Mais deux députés m'ont dit que l'assemblée n'était pas libre, qu'il y avait autour de la salle des hommes armés. Quinze personnes l'ont entendu comme moi. J'ai dû en instruire l'assemblée. J'ai fait venir le commandant du poste, je lui ai demandé si la garde était suffisante, il m'a répondu qu'oui. J'ai rempli mon devoir. (Plusieurs voix : Oui, oui.) Il est douloureux pour un président d'entendre demander qu'il soit envoyé à l'Abbaye pour avoir fait son devoir.

On réclame l'ordre du jour.

[ocr errors]

Après quelques débats, l'assemblée passe à l'ordre du jour. -M. le secrétaire reprend la lecture de la troisième lettre, interrompue au moment où elle annonce qu'un fédéré qui a suivi M. Dumoslard au corps de garde du Palais-Royal, lui a dit, en frappant sur un table comme un forcené, que s'il avait le malheur de retourner à l'assemblée, il lui couperait la tête d'un coup de sabre. Sept à huit de mes collègues peuvent attester la vérité de ces faits dont ils ont été témoins comme moi. Nous attendions dans le corps de garde une force suffisante pour protéger notre retraite. Cette force n'arrivant pas, et le corps de garde allant être forcé, nous avons pris le parti de sauter par une fenêtre de derrière. Sans doute nous devons mourir à notre poste; mais il serait aussi inutile que contraire à notre devoir de nous laisser égorger à la porte de l'assemblée par les émissaires d'une faction dont nos décrets déconcertent quelquefois les proSigné, FROUDIÈRES.

jets.

« PreviousContinue »