Page images
PDF
EPUB

citoyens sans armes, auxquels les Marseillais s'efforçaient de porter des secours! qu'importe que ceux-ci, dînant paisiblement aux Champs-Élysées, aient été insultés, provoqués, attaqués ! Cest alors que le roi, jouant le rôle de défenseur officieux des grenadiers des Filles - Saint - Thomas ( On applaudit dans une grande partie de la salle et dans les tribunes. ), s'efforce de poursuivre les Marseillais par-devant les tribunaux. Eh bien ! nous voulons qu'elle soit instruite cette terrible procédure, et en attendant que les tribunaux aient prononcé, nous resterons en otage à Paris; et comme nous avons autant de droit que les grenadiers des Filles-Saint-Thomas à garder l'assemblée nationale, nous demandons que votre garde de sûreté soit composée de trois cents hommes de chaque département. Au reste, nous sommes loin de nous plaindre de l'accueil que nous ont fait les citoyens de Paris; et si l'on en excepte les ci-devant gardes du roi, transformés en gardes nationaux, nous avons vu que nous n'avions ici que des frères. Nous vous prions de pourvoir à notre subsistance. (On applaudit.)

M. Bellegarde. Je demande l'impression et l'envoi aux quatrevingt-trois départemens.

M. Mazuryer. J'appuie la demande de l'impression, afin que Paris et la nation entière connaissent les circonstances de l'événement du 30 juillet dernier. Il s'agit de savoir si les Marseillais se sont rendus aux Champs-Élysées pour se rendre coupables de l'assassinat qu'on leur reproche, ou si les chevaliers de Coblentz y sont venus avec des intentions hostiles pour attaquer les volontaires de Marseille. Nous n'avons entendu encore que les plaintes amères des citoyens de la section des Filles-Saint-Thomas; nous n'avons encore entendu que la déclaration des gardes nationaux, alors en faction aux portes de la reine. Il importe que cette adresse soit imprimée pour que l'on connaisse la vérité ; car les déclarations qui ont été faites en faveur des Marseillais, entre autres la déclaration d'un membre de l'assemblée, ont été dénaturées par les journalistes, et notamment par le Moniteur, qui a fait

T. XVI.

20

une réticence infàme (1). Les journalistes, dont nous sommes entourés, presque tous vendus à la cour, n'ont point rendu compte de la déclaration énergique des Marseillais.

Il importe que tout le monde sache quels sont ceux qui ont attaqué, et ceux qui n'ont fait que se défendre; je demande que la pétition des Marseillais soit imprimée et répandue dans Paris seulement: il faut prouver combien il est dangereux de s'en rapporter avec tant de confiance à certains juges-de-paix qui se permettent d'instruire des procédures avec une partialité qu'on ne se serait pas même permise dans l'ancien régime.

M. Merlin. Les grenadiers des Filles-Saint-Thomas m'ont déjà rendu justice: j'étais présent à cette malheureuse affaire, et j'en ai sauvé plusieurs du carnage, entre autres, MM. Renaud de Saint-Jean-d'Angély, et Moreau de Saint-Méry; ainsi je ne dois pas leur paraître suspect. Je déclare donc que le narré fait par les Marseillais est exact dans tout son contenu.

L'assemblée décrète l'impression de la pétition des Marseillais. M. Laporte. La liste civile a payé le dîner des grenadiers des Filles-Saint-Thomas; ils ont invité un chasseur à aller avec eux, en lui disant qu'il ne lui coûterait rien.

M. Girardin. M. Duhamel n'a jamais été garde du roi. Ce malheureux jeune homme laisse une femme enceinte et deux enfans. Il me semble qu'il appartient aux amis de la liberté, de l'humanité, de regretter la perte de citoyens tels que M. Duhamel, qui, depuis le commencement de la révolution, n'a cessé de donner des preuves de civisme. (On murmure.) Je demande donc que la pétition ne soit imprimée qu'après avoir été examinée par vos co

(4) Note du rédacteur de la séance du 30 juillet au soir.-ERRATA. N. CCXIV, page 901, première colonne, opinion de M. Gaston, après ces mots : «< un homme qui avait l'air d'un fort à bras les provoque de nouveau,» lisez : et tire sur l'un d'eux un coup de pistolet dont l'amorce brûle sans que le coup parte.

Le tumulte de cette séance, le sentiment pénible dont il était impossible de se défendre au récit d'une scène aussi affligeante, suffiront peut-être pour excuser l'omission d'un fait échappé à la plupart des journalistes, même à MM. Condorcet et Brissot, que M Mazuyer ne soupçonne pas sans doute d'être aux gages de la liste civile. CHARLES HIS.

mités, et que le rapport en aura été fait; autrement ce serait préjuger la question.

N... M. Girardin, qui nous a tant parlé du civisme de M. Duhamel, ignore sans doute que ce même M. Duhamel entretenait des correspondances avec Coblentz ; qu'on lui a trouvé dans ses poches des papiers qui attestent la vérité de ce que j'avance. Un grenadier de la garde nationale parisienne m'a dit avoir pris connaissance de ces pièces; si l'assemblée l'exige, je le nommerai.

M. Girardin. J'ignorais en effet que M. Duhamel entretînt des correspondances avec Coblentz. Il suffit que M. Duhamel ait été indignement assassiné, pour que je sois sensible à son malheur. Je demande que le préopinant dépose sur le bureau, et signe les pièces qu'il dit avoir été trouvées sur M. Duhamel. L'assemblée passe à l'ordre du jour.

La séance est levée à onze heures.

Un grand nombre de citoyens de la section des Quatre-Nations se précipitent à la barre.

M. Duhem. Je demande que les députés reprennent leurs places, et qu'on écoute les pétitionnaires.

N... Comme une grande partie des députés s'est déjà retirée, et qu'il n'y a pas de président dans la salle, je demande qu'on aille dans les comités pour en chercher un.

Les citoyens des deux sexes entrent en foule dans la salle en criant: Vengeance! vengeance! on empoisonne nos frères !

N... Comme on ne trouve pas de président dans le comité, je demande que M. Dussaulx, président d'âge, occupe le fauteuil. M. Lasource. Les citoyens qui sont dans l'enceinte de la salle doivent rester calmes. (Les citoyens s'asseyent et font un grand silence.) Citoyens, tous les membres qui sont ici partagent votre indignation; ils demandent vengeance, comme vous, de l'attentat abominable commis contre nos malheureux frères qui volent à la défense de la patrie. Mais prenez garde, citoyens, les ennemis du bien public vous agitent; plusieurs de vous se sont même permis contre les députés des propos peu mesurés. Pensez donc

qu'ici sont ceux qui veulent vous sauver; soyez persuadés que nous sommes prêts à mourir ici avec vous. Nous vous invitons à attendre dans le calme qu'un président soit arrivé, afin que nous puissions rouvrir légalement la séance.

M. Vergniaud arrive et occupe le fauteuil.

M. le président aux citoyens à la barre. L'assemblée est prête à entendre votre pétition.

Un des citoyens à la barre. Législateurs, ce n'est point une pétition que nous venons vous faire; nous sommes des citoyens qui venons, le cœur navré de douleur, vous dénoncer un crime atroce, horrible, l'empoisonnement de nos défenseurs, de nos frères, de nos pères, de nos enfans, de nos amis; les uns sont morts, les autres sont dans les hôpitaux, malades. Pouvez-vous ne pas frémir d'indignation. Ce ne sont point des plaintes, ce sont des cris, des hurlemens que nous poussons vers vous. Si du moins ces malheureux étaient morts pour la patrie, nous dirions, comme les Spartiates: la patrie est sauvée. Mais en se sacrifiant pour nous tous, pour prix de leur patriotisme, ils meurent par le poison! Qu'ils se déclarent donc, ces lâches homicides, et nous les combattrons. Ah! si nous n'avions pas eu tant de patience, si dès le commencement de la révolution nous les eussions exterminés jusqu'au dernier, la révolution serait achevée, et la patrie ne serait pas en danger.

Mais vous, représentans du peuple, vous en qui seuls nous pouvons encore avoir confiance, nous abandonnerez-vous ? ( L'assemblée entière: Non, non.) Si nous ne comptions pas sur vous, je ne vous réponds pas des excès où notre désespoir pourrait nous porter, nous péririons dans les horreurs de la guerre civile, pourvu qu'en mourrant nous entraînions avec nous quelques-uns des lâches qui nous assassinent... C'est donc à vous que nous demandons vengeance, et nous l'attendons de vous. ( Toute l'assemblée: Oui, oui, vous l'aurez.)

M. le président. Citoyens, l'assemblée partage votre douleur. Les expressions de votre désespoir ont été jusqu'à son cœur. Elle a envoyé des commissaires dont le patriotisme est connu ;

ils nous feront connaître les attentats que vous nous dénoncez. Comme l'assemblée n'est pas assez nombreuse pour délibérer, en ce moment, elle renvoie la délibération sur l'objet de votre dénonciation.

[ocr errors]

M. Thuriot. Le crime est atroce, il faut que la vengeance soit prompte ; je demande que l'on envoie sur le champ un courrier aux trois commissaires pour avoir une connaissance précise de ce fait.

L'on décide qu'on enverra un courrier sur le champ avec une lettre du président.

M. le président invite les citoyens à se retirer paisiblement. — Ils se retirent. Il est minuit.

SÉANCE DU VENDREDI 3 AOUT.

[On lit une lettre des trois commissaires de l'assemblée nationale, envoyés au camp de Soissons; elle contient les détails sui

vans:

‹ En arrivant à Soissons, notre première démarche a été de nous rendre à la municipalité. Instruits que dans une cuite de pain de munition il s'était trouvé du verre écrasé, nous nous sommes transportés au magasin à farine et à l'endroit où on manipule le pain de munition, afin de prendre toutes les informations nécessaires pour découvrir la cause de cet événement. Après les recherches que nous avons faites, conjointement avec des députés de la municipalité, des gardes nationaux et des citoyens, nous nous sommes convaincus qu'il n'y avait pas de dessein prémédité de malveillance. Le pain a été fait dans les bas côtés de l'église Saint-Jean, dont les murs et les vitraux sont dans un état de dégradation qui paraît avoir été la seule cause de cet événement, la commotion de la manipulation du pain ayant fait tomber quelques parties de vitraux. Nous pouvons donc vous assurer qu'il n'y a pas eu dans ce fait de crime médité, mais une grande négligence, et que ce n'est pas la seule que nous avons à vous dénoncer. Au reste, cet événement n'a eu aucune suite fàcheuse.

« PreviousContinue »