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COMMENTAIRE

SUR LA

CONSTITUTION BELGE.

INDÉPENDANCE DE LA BELGIQUE.

(Décret constituant, du 8 novembre 1830. Bulletin officiel, no 41, p. 581.)

AU NOM DU PEUPLE BELGE,

Le congrès national de la Belgique proclame l'indépendance du peuple belge, sauf les relations du Luxembourg avec la confédération germanique.

Indépendance. Cette proclamation de l'indépendance du pays n'est qu'une simple constatation d'un fait déjà accompli et reconnu par un acte du pouvoir souverain, le 4 octo

bre 1830, époque à laquelle le gouvernement
provisoire cumulait tous les pouvoirs.
Sauf les relations. Voy. la note sur l'art. Ier
de la Constitution.

CLUSI

EXCLUSION DES NASSAU.

(Décret constituant, du 24 novembre 1830. Bulletin officiel, no 41, p. 586.)

Le congrès national déclare, que les membres de la famille d'OrangeNassau sont, à perpétuité, exclus de tout pouvoir en Belgique.

4. Exclus de tout pouvoir. Ainsi rien ne s'opposerait à ce que l'un ou l'autre des membres de cette famille habitât en Belgique, comme simple particulier, les domaines qui sont leur propriété privée.

2. Des doutes s'étant élevés sur la portée des décrets ci-dessus, le congrès déclara, par decret du 24 février 1834, que c'était comme corps constituant qu'il les avait portés.

CONSTITUTION DE LA BELGIQUE '.

(Décret du 7 février 1831. Bulletin officiel, no 14, p. 160.)

Le congrès national décrète :

TITRE PREMIER.

DU TERRITOIRE ET DE SES DIVISIONS.

Présentation et rapport par M. Raikem, 27 janvier 1831 (Union belge, no 102.) Discussion et adoption, 5 février 1831. (Union belge, no 111.)

ARTICLE PREMIER. La Belgique est divisée en provinces.

Ces provinces sont : Anvers, le Brabant, la Flandre occidentale, la Flandre orientale, le Hainaut, Liége, le Limbourg, le Luxembourg, Namur, sauf les relations du Luxembourg avec la confédération germanique.

Il appartient à la loi de diviser, s'il y a lieu, le territoire en un plus grand nombre de provinces.

Ces provinces. Ces provinces forment le territoire de la Belgique. La section centrale a pensé qu'on ne pouvait faire aucune distinction entre elles. C'est pourquoi, dans leur nomenclature, elle a suivi l'ordre alphabétique. (Rapport de la section centrale.)

Sauf les relations. En entrant dans la grande famille des nations, la Belgique a dû

accepter le droit public de l'Europe, tel que
l'ont fait les traités de 4844 et de 1845. Le
traité du 15 novembre 1834, modifié et défi-
nitivement arrêté le 19 avril 1839, ayant
reçu son exécution, a rendu cette restriction
sans aucun objet, puisque par ce traité la
forteresse de Luxembourg a été cédée à la
Hollande.

ART. 2. Les subdivisions des provinces ne peuvent être établies que par la loi.

Subdivisions des provinces. Il s'agit dans l'espèce des subdivisions sous le rapport administratif. La loi provinciale du 30 avril 1836 n'a de ce chef rien innové à la législation antérieure, et les subdivisions en districts,

adoptées par l'ancien gouvernement, ont été
maintenues, sauf qu'elles ont changé de nom,
et s'appellent aujourd'hui arrondissements.

Une partie des provinces de Limbourg et
de Luxembourg ayant été cédée à la Hollande

1 Un arrêté du gouvernement provisoire du 6 octobre 1830, nomma une commission chargée de rédiger un projet de constitution. Son travail fut publié le 28 du même mois dans le n° 11 de l'Union belge, journal alors officiel. Un autre projet fut rédigé par MM. Forgeur, Barbanson, Fleussu et Liedts. (Union belge, no 40.) — La rédaction sur Jaquelle la discussion s'est établie diffère de ces projets; elle a été arrêtée sur les observations des sections, par la section centrale, au nom de laquelle ses diverses parties ont été présentées par elle à cette fin. Voy., sur les travaux de la section centrale, l'Union betge, no 45. — La discussion fut terminée le 7 février 1831. La Constitution fut adoptée et solennellement sanctionnée le même jour, quoique non exécutoire. (Décret du 11 février 1831, no 43.) Elle ne fut déclarée exécutoire qu'à dater du jour de l'entrée en fonctions du régent (26 février 1831), dans toutes celles de ses dispositions non contraires au décret de nomination. (Décret du 24 fevrier 1831, no 50.) Extension d'exécution par Le décret du 21 juillet 1831, no 188 Publiée de nouveau au Bulletin officiel avec les art. 60 et 61 complétés par l'insertion du nom du roi Léopold. (Arrêté du 1er septembre 1831, no 215.)

1

par le traité du 13 novembre 1831, les parties de ces provinces que la Belgique a conservées, forment aujourd'hui l'une trois, l'autre cinq

arrondissements administratifs. Voy., à ce sujet, pour ce qui concerne le Limbourg, l'arrêté royal du 5 juin 1839.

ART. 3. Les limites de l'État, des provinces et des communes ne peuvent être changées ou rectifiées qu'en vertu d'une loi.

Limites de l'État. Les limites actuelles de l'État sont fixées par le traité du 15 novem

bre 4834, qui a été rendu définitif le 49 avril

1839. (Bull. offic., no 27, p. 230, année 1839.)

TITRE II.

DES BELGES ET DE LEURS DROITS.

Présentation et rapport par M. Ch. de Brouckere, 9 décembre 1830. (Union belge, no 55.)

ART. 4. La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile.

La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits '.

Loi civile. Voy. art. 9, 40, 17, 18, 19, 20 et 24 du Code civ. V. aussi la loi du 22 septembre 1835, qui affranchit des formalités prescrites par l'art. 24 du Code civil, les Belges qui, ayant perdu cette qualité en restant au service militaire étranger, sont rentrés dans le pays à l'époque de la révolution, c'est-àdire en 4830.

Outre cette qualité. 4. La section centrale croit qu'il y aurait quelque chose de bizarre, d'absurde même, à vouloir proposer d'admettre à l'exercice des droits politiques celui qui n'aurait pas la jouissance des droits civils; en conséquence, et après de longs débats, elle a décidé, à une forte majorité, qu'elle s'en rapporterait au Code civil, pour régler la manière d'acquérir, de conserver et de perdre la qualité de Belge, en abandonnant à la Constitution même de prescrire les conditions nécessaires à l'exercice des droits politiques. (Rapport de la section centrale, art. 56, 58 et 133 de la présente Constitution. Loi électorale du 3 mars 1831, n° 60.)

2. On ne peut être citoyen de deux États à la fois. (Arrêt de la cour de Bruxelles du

3 janvier 4822: Jurisprudence de la cour de Bruxelles, an 4822, t, I, p. 4.)

3. « Il est généralement reconnu et admis que lorsqu'un nouveau système de législation a succédé à un ancien, dont il diffère essentiellement dans ses bases et ses principes, les lois introduites pour l'exécution de cet ancien système, tombent avec lui, et on ne peut plus en invoquer les règles pour l'exécution d'une nouvelle législation toute différente. Ce principe est d'une vérité encore plus sensible en matière de constitution et de droit politique. C'est dans la Constitution belge et dans les lois faites spécialement pour l'exécution des principes que cette constitution a posés, que l'on doit puiser les règles concernant l'exercice des droits politiques. Aucune disposition de la Constitution ni des lois organiques qui en sont la conséquence, n'ayant renouvelé la distinction ci-devant faite entre le domicile réel et le domicile politique, ce dernier se confond entièrement aujourd'hui avec le domicile réel. » (Arrêt de la cour de cassation de Belgique, chambre civile, en date du 18 juillet 1834.)

4. Voy. l'art. 47.

Discussion et adoption le 20 décembre 1830. (Union belge, no 65.)

ART. 5. La naturalisation est accordée par le pouvoir législatif. La grande naturalisation seule assimile l'étranger au Belge, pour l'exercice des droits politiques.

Naturalisation. 4. On a proposé d'ajouter que la naturalisation serait gratuite; la section centrale n'a pas adopté cet amendement; elle croit qu'il faut abandonner les conditions secondaires à la législature. (Rapport de la section centrale.) Par la loi du 15 février 1844,

la naturalisation ordinaire a été assujettie à un droit de 500 francs, et la grande naturalisation, à un droit de 4,000 francs. Voy. la loi sur la naturalisation du 27 septembre 1835.

2. Voy. l'art. 133, ci-après.

ART. 6. Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres.

Les Belges sont égaux devant la loi ; sculs ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers '.

I. Un principe qui ne doit pas seulement trouver sa place dans les lois secondaires, mais bien dans la Constitution même, c'est celui de l'égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois publics.

Rien ne blesse et ne décourage plus, en effet, les citoyens, que le privilége et la partialité dans la distribution de ces sortes de faveurs: et le seul moyen de n'appeler à soi que des homines dignes et capables est de ne mettre les emplois qu'à l'enchère des talents et des vertus. » (MACAREL, Éléments de droit politique, p. 79.)

II. D'ordres. Cette disposition a réduit la noblesse à des qualifications, à des titres sans importance; elle a abrogé la distinction féodale des trois ordres : l'ordre équestre, l'ordre des villes, et l'ordre des campagnes, qui avait été rétablie par le gouvernement précédent. - Voy. la discussion sur la loi établissant l'ordre de Léopold. (Moniteur belge, 5 juillet 1832.)

Égaux devant la loi. 1. L'égalité c'est le droit égal pour tous d'obtenir justice et protection devant la loi, c'est le droit pour tous de parvenir aux fonctions publiques, aux grades militaires; c'est l'absence de tout privilége fondé sur de prétendues différences, entre diverses classes d'hommes, qui tous naissent égaux en droits. Il y a égalité, quand il n'y a d'autres causes de préférence que les vertus, les talents, la position honorablement acquise. Si des conditions spéciales sont exigées par la loi, qui fait jouir les citoyens de certains avantages, l'égalité alors, c'est l'espoir

de s'élever par son travail, de conquérir le droit par de nobles efforts.

Les étrangers jouissent aussi de cette égalité, sauf les exceptions qui tiennent à leur extranéité. Voy. l'art. 427.

2. La Constitution, en statuant, par son art. 6, que les Belges sont égaux devant la loi, a eu en vue de proscrire la distinction des ordres, en garantissant à tout Belge la jouissance de ses droits civils et politiques. Entendre ces termes dans un sens absolu, ce serait s'élever contre le vœu de la Constitution même, qui, tout en assurant aux Belges l'égalité devant la loi, a laissé à la loi même le soin des juridictions exceptionnelles, et a reconnu soit celle des tribunaux de commerce, soit celle des tribunaux militaires, enfin celle de la cour de cassation en cas d'accusation des ministres. Cette vérité prend encore un degré d'évidence de plus, par la considération que notre législation actuelle, et notamment la loi sur la presse, organique en son objet, de la Constitution méme, abandonne les délits politiques et de la presse à la décision d'un jury sans appel. » (Arrêt de la cour de Bruxelles, 4er ch., en date du 44 janvier 1832.)

3. « Cest dans ses rapports avec la distinction d'ordres qui existait autrefois et qui aurait pu se reproduire, que l'art. 6 s'occupe de l'égalité des Belges, ou, en d'autres termes, l'égalité devant la loi ne signifie là autre chose si ce n'est que la loi, dans ce qu'elle prescrit, ne peut s'adresser qu'aux Belges, et qu'uniquement comme Belges, sans acception de

1 Discussion et adoption du 21 décembre 1830. (Union belge, no €6.)

2 Les notes qui se trouvent placées sous le chiffre romain I, contiennent la partie dogmatique de notre commentaire; celles insérées sous le chiffre romain II, renferment l'explication du texte des articles de la Constitution.

personnes, sans égard aux titres ou rangs dont ils peuvent jouir.» (Arrêt de la cour de Bruxelles, 3e chambre, en date du 9 février 4833.)

Admissibles aux emplois. 1. Le mot emplois ne s'étend pas indistinctement à tous les citoyens salariés par l'État. Ainsi les commis des ministères et des gouvernements provinciaux, ainsi que les sténographes des chambres peuvent ne pas être Belges. A mérite égal, sans doute, le regnicole doit être préféré à l'étranger. Mais, a dit M. Lebeau, gardonsnous bien de céder à de vaines craintes et surtout n'adoptons pas cet esprit de nationalite jalouse qu'affectait la Hollande, grâce auquel notre pays fut privé d'un des plus savants jurisconsultes dont s'honorât la science du droit. J'ai nommé M. Daniels, ce magistrat honorable qui fut abreuvé de dégoûts par le ministre Van Maanen, et qui, ne voulant pas abdiquer sa qualité primitive,

fut porter ailleurs le tribut de ses talents et de ses hautes lumières. Voilà un exemple de ce patriotisme étroit qu'on voudrait nous faire adopter, mais que nous saurons répudier: Nous avons besoin des étrangers, il faut les encourager à venir chez nous, au lieu de les repousser. Sans doute si nous comptions une population de trente millions d'habitants, je concevrais les motifs de cette nationalité étroite, mais je ne conçois pas qu'on ose dire que, dans les arts et les sciences, les Belges peuvent se suffire à eux-mêmes.

2. Le décret du 44 avril 1834 et la loi du 22 septembre suivant, ont, par dérogation à l'art. 6 de la Constitution, autorisé le gouvernement à employer jusqu'à la paix des officiers étrangers. C'est que le pays se trouvait alors dans des circonstances graves, et que la défense du territoire exigeait, par exception, l'admission d'étrangers dans les emplois militaires.

ART. 7. La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

« I. La sûreté des personnes est un des droits absolus que l'homme tient de la nature.

Le premier bienfait de la société est de pourvoir à notre sûreté, en réprimant les atteintes qu'y porteraient nos ennemis particuliers.

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Mais il est évident que ce bienfait n'est possible que parce que la personne de chaque sujet demeure soumise à l'action de l'autorité publique, dans le cas d'attentat à la sûreté d'autrui, et, plus généralement, dans le cas d'un crime ou d'un délit prévu par les lois. Un sujet n'a donc pas droit de se plaindre, s'il n'a été arrêté que pour être mis aussitôt en jugement; si l'on a vérifié, avec une exactitude impartiale, le fait dont il était accusé; si une loi, antérieure à ce fait, et en vigueur quand il a eu lieu, l'a caractérisé délit ou crime, et en a déterminé la peine. Loin que ces mesures offensent la sûreté personnelle, on voit bien qu'elles sont immédiatement nécessaires pour l'établir.

» Tout système politique qui permet d'arrêter, d'exiler, de bannir, de mettre à mort sans jugement, porte en soi le germe des révolutions, et tôt ou tard il les enfante.

» Ce système est donc à la fois nuisible aux particuliers, à la société, à l'autorité. Ainsi, il faut qu'aucun sujet ne puisse être arrêté ni troublé dans la propriété de sa personne, si ce n'est pour être traduit en justice, ou si ce n'est en exécution d'un jugement. (MACAREL, Éléments de droit politique, p. 29, et 30.)

D

II. Dans les cas prévus par la loi. Voy. le Code d'instruction crim.

Flagrant délit. Voy. les art. 40, 44 et 47 du même Code.

Au plus tard dans les vingt-quatre heures. La section centrale a admis à l'unanimité le délai de vingt-quatre heures, parce qu'elle a compris que souvent un coupable échapperait, si la formalite devait être remplie au moment même de l'arrestation.

ART. 8. Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

La loi lui assigne. Dans aucun cas, le consentement des parties ne pourrait déroger aux

règles des juridictions qui sont d'ordre public. Ces mots, que la loi lui assigne, ne doivent

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