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trique dans toutes ses excursions, qui ne dévoilent que l'envie profonde d'attaquer le comité et un évêque que ses principes ont rendu odieux à ses confrères.

Ces excursions excitoient la plus vive fermentation. Il sembloit que cet orateur s'en applaudît. Une de ses propositions sur-tout révolta l'assemblée. Il disoit tenir du comité des finances, que la dette montoit à 7 milliards, et il fut. sur le champ démenti par tout le comité, qui déclara n'avoir point de lumières précises sur cet, objet.

Vérification faite du propos hasardé, il se trouva appartenir à un membre du comité des finances, qui n'y assistoitque depuis huit jours, et dont les sentimens bien connus sur la révolution, rendoient les assertions très-suspectes.

Après différens discours, dont l'objet principal étoit de rassurer les esprits 'alarmés sur cet énorme degré où l'abbé Maury portoit la dette nationale l'article suivant du projet a été adopté.

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Art. 1er. Tous les domaines nationaux, excepté les forêts, et ceux dont la jouissance aura été réservée au roi, pourront être aliénés en vertu du présent décret, et conformément à ses dispositions, l'assemblée nationale réservant aux assignats" monnoie leur hypothèque spéciale.

Une de ces accusations, qu'on rencontre fréquemment dans les révolutions, a donné naissance à un décret important pour l'indépendance des législateurs.

M. de Lautrec, député, étoit passé à Toulouse en allant prendre les eaux de Barrège. Là, il est accusé de méditer une contre-révolution. Deux soldats déposent à la municipalité, de séductions, d'offres d'argent, de projet de guerre civile. Sur ces dépositions, le député est arrêté; interrogé, il nie tout: et ayant déclaré sa qualité, on surseoit à l'instruction du procès.

Les premiers débats se sont d'abord portés sur la vérité et la gravité du délit. Ils ne sont remarquables que par un systême bisarre de M. Garat l'aîné, qui soutenoit que deux témoins déposant du même fait, ne devoient être considérés que comme un témoin unique, et conséquemment devoient être de peu de poids dans la balance de la justice.

La justification de M. Lautrec, par M. d'Ambly, a eu plus de succès; elle mérite d'être copiée par le ton de franchise et de loyauté antique qui la caractérise. C'est une ruine d'Italie qu'on rencontre dans un palais moderne.

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Je ne m'attendois pas, a dit ce vieux militaire, d'être obligé de justifier un ancien ami, avec lequel j'ai servi pen

dant long-temps, et qui a donné des preuves de loyauté en tant d'occasions. Oui, messieurs, il est incapable de sourde menées. Par qui est-il accusé? par deux hommes qui viennent le chercher dans un château; et c'est pour cela qu'on arrête un député, un vieux militaire, qui a servi cinquante, ans, et qui a quinze blessures sur le corps. On l'accuse d'avoir donné de l'argent. . . . En a-t-il d'abord? Lautrec offrir de l'argent à deux hommes qu'il ne connoît pas! leur faire encore des confidences! cela tombe-t-il sous les sens? Un écolier de huit ans ne se comporteroit pas ainsi; et l'on veut qu'un vieux militaire prenne de pareilles voies! Eh! pourquoi, messieurs? pour une contre-révolution qui est impossible. Je suis étonné que, dans une assemblée composée d'hommes d'esprit et de lumières comme celle-ci, on ait la foiblesse de le penser. On accuse Lautrec d'avoir conféré long-temps avec deux soldats. Vous connoissez Lautrec; il n'est pas long dans ses discours. Si un courier extraordinaire venoit vous apprendre que Lautrec est à la tête de douze ou quinze cents gentilshommes; je dirois : oui, cela se peut; mais des menées sourdes!... Lautrec!... il en est incapable!... (On a beaucoup applaudi à ce mouvement d'éloquence, qui peint si bien le caractère de l'accusé).

Souvenez-vous du moment où Lautrec partit d'ici; il vous dit: Messieurs, soyez tranquilles; je vais chez moi, et soyez sûrs que je dirai du bien même du côté gauche. (Ici le côté gauche a donné encore beaucoup d'applaudissemens à l'orateur)..... Je n'ai plus qu'un mot à dire, a ajouté M. d'Ambly; Lautrec est infirme; il ne peut pas marcher, vous le savez tous, il alloit aux eaux de Barèges, il en a besoin je vous le demande; je vous demande cette grace, de tout mon cœur; que Lautrec aille aux eaux, et je me constitue prisonnier à sa place.

On a admiré ce dévouement de l'amitié, digne des plus beaux jours de la chevalerie, et M. d'Ambly a été généralement applaudi.

La discussion a pris une autre tournure dans la séance suivante, où elle a été continuée. On a mis de côté toutes les réflexions sur le délit et sur la validité plus ou moins grande de preuves. M. Robespirre, prenant un vol plus élevée, a vu qu'ici le caractère de l'inviolabilité des députés étoit attaqué; il a vu dans cette atteinte l'exemple le plus dangereux; et pour empêcher que le pouvoir exécutif n'en abusât un jour, ou pour corrompre, ou pour effrayer un représentant incorruptible, il a proposé de décréter que l'assemblée nationale jugeât constamment s'il y a lieu à décréter un de ses membres, avant qu'il pût être poursuivi et jugé.

Ces réflexions n'avoient besoin que d'être présentées pour porter la conviction dans tous les esprits, et l'on a senti la nécessité d'opposer un frein aux entreprises futures du pouvoir exécutif, ou de son ministère public, qui seroit toujours à ses ordres.

Afin néanmoins de ne pas soustraire à l'instruction et à la peine les députés qui se rendroient coupables de quelques crimes, on a pris de sages précautions pour concilier l'intérêt de

la vindicte publique, avec l'indépendance des législateurs; et c'est dans cet esprit que le décret suivant a été rendu:

L'assemblée nationale se réservant de statuer en détail sur les moyens constitutionels d'assurer l'indépendance et la liberté des membres du corps législatif, déclare que, jusqu'à l'établissement de la loi sur les jurés en matière criminelle, les députés à l'assemblée nationale peuvent, dans les cas de flagrant délit, être arrêtés conformément aux ordonnances; qu'on peut même, excepté dans les cas indiqués par le décret du 23 juin, recevoir des plaintes et faire des informations contre eux; mais qu'ils ne peuvent être décrétés par aucun juge, avant que le corps législatif, sur le vû des informations et des pièces de conviction, ait décidé qu'il y a lieu à l'accusation; en conséquence, regardant comme non-avenu le décret prononcé le 17 de ce mois, contre M. de Lautrec, l'un de ses membres, lui enjoint de venir rendre compte de sa conduite à l'assemblée nationale, qui, après l'avoir entendu et avoir examiné l'instruction commencée, laquelle pourra être continuée, nonobstant la liberté rendue à M. de Lautrec, décidera s'il y a lieu à l'accusation, et dans le cas où l'accusation devroit être suivie, désignera le tris bunal.

Séance du samedi, 26 juin.

ON parla peu, on fit beaucoup. Jamais dans aucune séancé, on n'a tant décrété; et voilà le fruit des comités préparatoires: ils posent les

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