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néreux étrangers est aussi-tôt accordée. Le président leur a fait une réponse spirituelle, en leur disant que l'assemblée ne demandoit rien autre chose d'eux, sinon qu'ils rendissent compte à leurs monarques du grand exemple que donnoit Louis XVI.

Il eût été plus d'un homme libre de répondre: Allez, dites à vos concitoyens ce que vous avez vus, dites-leur qu'hier nous étions esclaves, qu'aujourd'hui nous sommes libres, parce que nous voulons l'être. Qu'ils veuillent fortement, et leurs chaînes tomberont.

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Eh! quoi, s'est aussi-tôt écrié M. Alexandre Lameth dans un saint enthousiasme, vous allez recevoir des députés d'Alsace et de FrancheComté, souffrirez-vous qu'ils voyent dans les places publiques les figures de leurs ancêtres enchaînés aux pieds des statues de nos rois? Je demande que ces symboles de la servitude, les inscriptions de la vanité qui les accompagnent, soient effacées.

que

'J'adhère à cette motion, a dit M. Gourdan, député de Franche-Comté; depuis long-temps elle étoit écrite dans mon cœur et dans celui de mes compatriotes, qui tous abhorrent l'escla

vage.

Je propose, a dit M. de Volney, de substi

tuer à ces emblêmes les plus belles actions de ce prince, non ses actions guerrières, mais celles qui ont le plus concouru au bonheur de l'humanité ».

Une idée noble en amène une autre. « C'est aujourd'hui, s'est écrié M. Lambel, le tombeau de la vanité; je demande la suppression de tous les titres de ducs, comtes, vicomtes, marquis ».

M. de la Fayette s'est levé pour appuyer la motion avec M. Charles de Lameth, qui, montant en même-temps à la tribune, a pris la parole, et a dit : « J'appuye la motion, et je demande la suppression du titre de monseigneur, donné aux évêques. On pourra désormais reconnoître à la signature, ceux qui adoptent la constitution ».

M. de la Fayette a dit ensuite : « Je ne disputerai jamais sur la parole; j'espère ne pas avoir besoin de disputer ici sur la constitution. La motion qui vous a été faite est une suite tellement nécessaire de la constitution, qu'il est impossible qu'elle fasse aucune difficulté; je me contente de m'y joindre de tout mon cœur ».

Ces motions devoient naturellement enflammer de colère ceux qui tiennent encore à la funeste inégalité; aussi M. de Foucaud s'y est-il vivement opposé : il a demandé comment on récompenseroit

récompenseroit le mérite, et ce que l'on feroit pour exemple, pour un homme dont il a cité la famille dans le Périgord, et dont le titre de noblesse, accordé par Henri II, porte: un tel, fait noble et comte, pour avoir sauvé l'état tel jour.

«On supprimera fait noble et comte, a répondu M. de la Fayette, et l'on dira seulement qu'il a sauvé l'état un tel jour ».

M. Goupille de Préfeld a lu un projet, portant qu'on laisseroit seulement aux frères du roi et aux princes du sang, le titre de monseigneur. M. de la Fayette s'est élevé encore contre cette faveur, en disant, que dans un pays libre, il n'y avoit que des citoyens et des officiers publics; que personne n'étoit plus persuadé que lui de la nécessité de donner beaucoup d'éclat et d'énergie à la grande magistrature héréditaire exércée par le roi; mais qu'il ne concevoit pas sous quel prétexte, ses frères, ou des princes du sang, pourroient prétendre à la distinction que le préopinant leur réservoit; qu'il ne voyoit en eux que des citoyens actifs, lorsque, d'ailleurs, ils rempliroient les conditions prescrites par la constitution.

M. de Faucigny a représenté que cette ques-` tion étoit constitutionelle, et il a demandé le renyoi à lundi.

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Ces questions, a dit M. de Noailles, dérivent de votre constitution, et ne peuvent vous arrêter long-temps.

« On ne dit point le duc Fox, le comte Was hington, le marquis Franklin ; mais Charles Fox, Georges Washington, Benjamin Franklin: et ces hommes sont grands aux yeux du monde. Je demande que l'encens soit réservé à la Divinité, et qu'il n'y ait plus de livrée ».

M. de Saint-Fargeau a dit : « Je ne viens point ici faire le sacrifice des titres des ci-devant comtés et marquisats dont je possède les terres; je ne les ai jamais portés; je demande seulement que chacun ne prenne que le nom de sa famille. Il n'y a plus de seigneurs de terre; en conséquence je signe ma motion, Michel le Pelletier.

Il étoit difficile de croire que ce débordement de patriotisme, ne seroit pas attaqué par M. l'abbé Maury. Aussi a-t-il essayé de renverser toutes ccs. motions. « On propose, a-t-il dit, de dé truire les emblêmes de la servitude consacrées sur la place des Victoires, et les inscriptions fastueuses qui se lisent autour du piédestal. On en fait un crime à Louis XIV; mais ce n'est pas lui qui a ordonné ce monument. Il doit son existence à la basse adulation d'un de ses cour tisans, du maréchal de la Feuillade. Pourquoi

ne porte-t-on pas ses regards sur la statue de Henri IV, chargée d'une inscription en l'honneur du cardinal de Richelieu? sur la statue de Louis XIII, qui paroît plutôt élevée en l'honneur de ce ministre ? Ne voit-on pas aussi des esclaves aux pieds de Henri IV? Je pense que, bien loin de les enlever, il faut les y conserver soigneusement, pour montrer aux siècle futurs jusqu'où la flatterie a osé se porter. Quoiqu'on en dise, Louis XIV a aggrandi la nation. S'il n'avoit pas dans le génie autant de grandeur que dans le caractère, il n'en méritoit pas moins le nom de grand. On propose d'élever une statue au restaurateur de la liberté. Hohorez vos rois, en dirigeant vers un but moral les monumens que vous éleverez à leur gloire; mais ne dé gradez pas leurs prédécesseurs aux yeux des peuples.

Quant aux titres, déjà du temps de M. la Rochefoucault, on ne reconnoissoit plus les hommes au nom, ni les femmes 'au visage; mais pour ce qui regarde la noblesse, la détruire, c'est détruire la monarchie: sans noblesse, plus' de monarchie, a dit Montesquieu. Les Romains avoient des ordres de chevaliers et de sénateurs, et les Romains se connoissoient en liberté.

La livrée remonte au temps des armoiries?

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