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M. l'abbé Maury s'est sur-tout attaché à faire voir qu'on avoit enveloppé toujours l'article des dépenses extraordinaires, qu'on ne l'avoit jamais présenté que partiellement, qu'il y avoit à cet égard dans le mémoire de M. Necker une reticence de plus de 600 millions.

Cette assertion de M. l'abbé Maury a excité la surprise, sans attirer la confiance. On ne pou voit se persuader qu'une pareille faute fût échappée à M. Necker. On concluoit seulement de la dénonciation et de l'articulation des faits, qu'il y avoit prodigieusement de ténèbres dans les finances, puisqu'un homme éclairé, comme l'abbé Maury, avoit cru y appercevoir une pareille

erreur.

Frappée de la nécessité de vérifier tous ces faits et l'état de sur-finances, l'assemblée alloit décréter le projet de M. Camus, lorsque lui-même il a demandé le renvoi au comité des finances pour y être combiné de nouveau, et le rapporter à la séance de lundi prochain. Ce rapport a été exé cuté, et le décret a été rendu ainsi qu'il suit: nous le transcrirons ici, afin de ne point troubler l'ensemble de cette discussion.

L'assemblée nationale décrète, 1°. que le premier ministre remettra, d'ici au 15 juillet prochain, le compte des recettes et des dépenses, depuis le 1er mai 1789, jusqu'au ret mai 1790.

2o. Qu'il sera fourni, dans la huitaine, un état des dépenses auxquelles sont destinés les 30 millions décrétés, et les autres revenus du trésor public.

3o. Il sera remis un état semblable de mois en mois. jusqu'à la nouvelle organisation du trésor public; en conséquence, lorsqu'il sera fait une demande de fonds, il y sera joint un état des dépenses qui les nécessitent.

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4o. Il sera remis tous les mois un relevé des registres et bordereaux du grand comptant.

5°. Le comité des finances fera imprimer le rapport sommaire qui lui sera fourni..

La séance du 19 juin, où se passa ce débat intéressant, fut encore employée à des réductions sur les dépenses dans les finances: c'étoient les écuries d'Augias qu'on nétoyoit. Elles attendoient depuis long-temps cette purification; jamais la main d'un homme, d'un roi même, n'avoit pu l'accomplir.

Là fut rapporté le décret dont nous avons parlé ci-devant, relatif au traitement des administrateurs généraux, fixé à 700,000 liv. Là on tenta d'émouvoir partie de l'assemblée nationale en faveur de ces Crésus qu'on peignoit comme réduits à la mendicité; comme si ces vampires n'avoient pas eu le temps de se rassasier du sang humain. Là l'inflexible Fréteau soutint qu'il n'y avoit au cune raison pour élever leur traitement au-dessus de celui des régisseurs généraux; que plus

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ils avoient touché ci-devant, moins ils devroient toucher. Là il cita la générosité de MM. Gueniot, Laborde, père et fils, d'Auch, qui of froient de continuer leurs services au salaire fixé - pour les régisseurs. L'assemblée décréta donc que ce traitement ne seroit que de 460,000 liv.

Les abus dans le service des postes furent en.suite exposés aux yeux de l'assemblée ; on y rendit compte d'une foule de déprédations, services inutiles, honteux, dangereux, excessivement payés sous le titre d'intendans des postes ; dépenses de travail secret, frais de comptabilité, bureau de contentieux des postes, bureaux de conseil, places d'inspecteur général, etc.

Il est un de ces articles qu'on ne peut nommer sans frémir. Celui du service secret des postes. Le croiroit-on ? La nation payoit 300,000 livres pour violer la foi publique, pour le décachete.ment des lettres; et cette infidélité n'avoit d'autre objet que de pénétrer les secrets des familles, les haines contre les ministres, qui ensuite dé. cernoient des lettres de cachet contre leurs victimes. Ainsi, dans un gouvernement despotiqué, le crime conduit au crime. Toutes ces horreurs ont été et seront sans doute à jamais proscrites par le décret qui supprime le salaire. Mais l'as1 semblée nationale n'a pas achevé son travail sur

ce point. L'administration des postes aux lettres est une chose si importante, qu'elle s'en occupera sans doute, pour la soustraire entièrement à l'influence du pouvoir exécutif.

Cette séance a offert trois ou quatre traits patriotiques qui méritent d'être racontés.

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M. Oudon a fait hommage à l'assemblée des deux bustes de Franklin et de Washington.

Puissent le désintéressement du dernier, et la modestie du premier, être imités par tous nos législateurs ! puissentils, comme Washington, être inflexibles sur les principes, ne se laisser jamais enivrer par le subtil poison de la cour! puissent-ils être enfin toujours, comme lui, au chemin de l'honneur !

Le don de 3,000 liv., fait par un habitant du canton de Berne, comme son hommage à la constitution françoise, fait l'éloge de l'un et de l'autre.

le

On en doit aussi à la république de Genève, qui, dans la disette de grains éprouvée par pays de Gex, lui en a fourni 800 quintaux, à - la seule condition de la restitution en nature. M. Necker, qui s'est, empressé de communiquer à l'assemblée ce trait de générosité, n'a pas manqué de lui rappeller son décret rigoureux, par lequel elle a rejetté l'offrande patriotique de cette république. Mais le but de cette offrande étoit

visible;

visible; mais elle avoit pour objet d'amener la` garantie d'une constitution infâme; mais cette offrande étoit le vœu de quelques partisans de cette constitution, qui tendoient un piège à l'assemblée. Elle a dû la rejetter, comme elle a dû accepter les secours en grain, comme elle devra retirer la garantie à Genève, parce que l'assemblée doit être noble, parce qu'elle doit tout faire pour l'intérêt des François, parce qu'elle doit être juste.

Séance du samedi soir 19 juin.

CETTE séance à jamais mémorable fera le pendant de la fameuse nuit du 4 août; elle a consommé la destruction de la noblesse. Les patriotes s'étonnoient que, la déclaration des droits ayant si formellement prononcé l'égalité des droits et l'extinction de tous titres de noblesse, il y eût encore des hommes qui ne rougissent pas de porter les noms de duc, de marquis, de comte. Ils s'étonnoient qu'aucun des nobles enrégimentés dans le parti patriote, n'eût fait l'effort courageux d'abjurer tout titre, effacer ses armes et ses indécentes livrées; foiblesse qui prouve combien l'homme tient à la vanité et aux distinctions; combien plus facile il est de convertir.

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