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jusqu'à la valeur de 50 livres sans appel, et jusqu'à la somme de 100 livres à charge d'appel; et dans ce dernier cas, ses jugemens devoient être provisoirement exécutés.

Quand on compare ce plan du comité avec l'institution des juges de paix de l'Angleterre, chez laquelle on vouloit prendre un modèle, on y trouve de prodigieuses différences, et elles ne sont pas toujours à l'avantage du plan françois.

Ce n'est pas que l'institution des juges de paix anglois soit entièrement exempte de défauts:: loin de là, elle en offre beaucoup. Par exem- › ple, le choix de ces juges est confié au roi seul; et ce qui paroîtra étrange, c'est que la couronne ne tient ce droit que d'un crime atroce.

Le peuple anglois élisoit, dans l'origine, ses juges de paix. Les francs tenanciers de chaque comté s'assembloient devant le shériff, et choi-: sissoient ses juges, de probioribus et potentioribus comitatus sui in custodes pacis. Cet ordre fut interverti par la reine Isabelle, femme d'Edouard II, lorsqu'elle le déposa, pour se livrer à ses amours, et régner sous le nom de son fils, Craignant que, cette déposition et le meurtre de ce prince infortuné, qui suivit bientôt, n'occasionnassent. des troubles, elle adressa des lettres à tous les

shériffs, et se défiant encore d'eux, elle se fit concéder par un parlement complaisant, le droit de nommer désormais ces shériffs, qui, depuis, s'intitulèrent juges de paix.

Le roi, qui les crée aujourd'hui, peut les déplacer à sa volonté. Ils sont donc entièrement subordonnés à la couronne.

Les fonctions principales de ces officiers, sont de prévenir les querelles, les tumultes; d'ordonner à ceux qui en excitent de donner des cautions; d'arrêter et d'emprisonner les criminels; de déterminer les felonies et autres délits de cette nature.

Ces fonctions s'étendent encore à d'autres points, et sont si nombreuses, qu'il faudroit un volume pour les réciter; et ce n'est pas le moindre défaut de cette institution.

On voit, par ce tableau, combien les fonctions des juges de paix anglois, diffèrent de celles que le comité impose aux juges de paix françois.

Les premiers ont pour objet principal d'entretenir la paix. Ce sont, à proprement parler, des juges de police, tandis que les autres ne sont que des juges contentieux pour une espèce d'affaire limitée. Aussi la dénomination qu'on leur applique, est-elle impropre; et certaine

ment

ment il falloit la rejetter, parce que la plupart des erreurs ne viennent que de la confusion des

mots.

La cumulation des pouvoirs dans la main des juges de paix, a été le premier article vivement débattu.

Suivant le systême des adversaires du comité, ces juges ne devoient être que des médiateurs des arbitres; on ne les instituoit que pour prévenir des procès, que pour appaiser des discussions, que pour arrêter le mal effroyable de la chicane. Il falloit donc borner leur ministère à ce point. Leur attribuer le contentieux, c'étoit mettre à portée des passions, des instrumens dangereux; c'étoit détruire le premier ministère, parce qu'on aimera mieux juger, que concilier ordonner, qu'inviter à la paix.

cœur ;

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Le nom seul de juge de paix, disoit M. Prugnon, a droit d'intéresser: ce mot fait bien au il fait adorer la justice, et si je voyois passer un de ces hommes destinés à faire le bonheur de ses concitoyens, je serois tenté de lui dire Je vous salue homme de paix. Mais faites-en un juge contentieux, et ce n'est plus un ami de la paix, c'est un juge, ce sera souvent un tyran.

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Ce n'étoient pas les seules objections qui s'op-.

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posoient à cet établissement. M. Pétion y voyoit la renaissance des justices seigneuriales, avec tout leur cortège dispendieux. Il voyoit pulluler encore une fois procureurs et huissiers dans ces villages, d'où l'on se proposoit de bannir la chicane. Il voyoit un pouvoir terrible, remis entre les mains d'un seul homme; celui de juger despotiquement jusqu'à la somme de 50 livres, et cette somme étoit souvent plus que la fortune de la plupart des paysans; il voyoit enfin dans ce tribunal campagnard, un troisième degré de jurisdiction, puisque de-là on pouvoit appeler au district; et c'étoit ressusciter les formes anciennes, c'étoit doubler le mal de la loi immorale des appels; c'étoit exposer les pauvres à une ruine sûre; c'étoit surcharger l'état de juges inutiles et très - coûteux.

En parcourant les débats sur un point aussi important, on ne voit pas qu'il y ait eu une réponse solide faite à ces objections; et l'assemblée, suivant les idées du comité, a décidé d'abord que les juges de paix auroient une jurisdistion contentieuse."

Deux points très-délicats se présentoient à la suite de cette décision.

Devoit-on accorder à ces juges le droit de jnger sans appel?

Devoient-ils avoir une compétence à la charge d'appel?

Le comité penchoit dans les deux cas pour l'affirmative, et fixoit le terme à 50 livres pour le premier, à 100 livres pour le second.

Ce second point offroit plus de difficultés à l'assemblée, cat on sentoit bien que c'étoit ériger un troisième degré, lorsqu'on avoit déterminé qu'il n'y en auroit que deux. On sentoit bien que les tribunaux de district n'étant pas éloignés des parties, il valoit mieux les forcer d'y commencer le procès au premier degré; mais ces motifs n'ont pas pesé contre l'influence du comité. Entraîné par lui, l'assemblée a décrété la double compétence, et s'est contentée de restreindre le terme sans appel à 40 livres.

Les autres questions que présentoit le titre de l'institution des juges de paix, n'ont pas fait naître tant de difficultés. Un moment, persuadée par M. Fréteau, l'assemblée pencha pour n'admetttre les juges de paix qu'à l'âge de quarante ans, mais M. Thouret la fit revenir trèsadroitement de cette opinion, qui auroit rendu les choix très-difficiles, en faisant observer qu'on se priveroit par-là de tous les hommes instruits depuis trente jusqu'à quarante ans. D'autres vouloient que les juges fussent pour

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