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il a été rejetté. L'on auroit certainement pu s'écarter ici sans danger de la rigueur des principes.

Séance du jeudi soir 17 juin.

La fameuse affaire de Nîmes étoit à l'ordre du jour, et cette pomme de discorde a rallumé de nouveau les combats entre les deux partis qui divisent l'assemblée. M. Alexandre Lameth a ouvert la discussion par un discours que l'énergie caractérise, et qui lui a attiré de justes applaudissemens. Nous en citerons quelques passages.

Vous vous rappellez, messieurs, la délibération des soidisant catholiques de Nîmes; vous savez quelle indignation elle a excitée par tout le royaume; vous savez avec quel empressement elle vous a été dénoncée par un grand nombre de municipalités: on n'auroit pas dû s'attendre, sans doute, qu'elle seroit suivie d'une seconde délibération, dictée par le même esprit, et encore moins que cette délibération, trouveroit des défenseurs au sein même de cette assemblée ; car qu'y demande-t-on? On vous y engage à rendre au roi Ja plénitude de l'autorité royale. Et qu'entendent-ils par la plénitude de l'autorité royale? Ils entendent le retour de l'ancien régime, le retour des anciens abus, la destruction de la constitution. Et quel moment choisissent-ils pour faire cette demande? Celui où l'assemblée nationale vient d'arracher cette même autorité aux mains des ministres, pour la remettre dans celles du monarque; le moment où, renfermant cette autorité dans de justes limites, en la rappellant

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à sa véritable institution, on la modifie de manière à assurer le bonheur du roi et celui du peuple! Que demandent-ils encore? La révision des décrets depuis la fin du mois de septembre.

Vous voyez, messieurs, l'intention coupable de cette demande; elle tend à faire croire que le roi et l'assemblée n'ont pas été libres à Paris depuis cette époque. Et dans quel moment cherchent-ils a répandre cette insinuation perfide? Celui où le roi donne de lui-même, du propre mouvement de son cœur, les témoignages les moins équivoques de son attachement à la constitution. Quoi! l'on vient de consumer un temps précieux que vous devez à l'établissement de la constitution, de cette constitution que vous eussiez été heureux de pouvoir placer sous les yeux des députés de toutes les parties du royaume, qui, au 14 juillet, viendront à la fédération nationale; on vient vous distraire de vos importans travaux, parce qu'une poignée de citoyens veut arrêter l'heureuse révolution qui s'opère parmi nous : pardon, messieurs, si j'ai dit des citoyens; non, ils ne méritent pas ce titre glorieux; non, ce ne sont pas des citoyens, ceux-là qui veulent opposer leur volonté particulière à la volonté générale, qui ne rougissent pas de préférer leur intérêt personnel à l'intérêt public; ceux-là qui ne tremblent pas d'exciter des troubles, de semer la discorde et la guerre parmi leurs frères. Je ne m'étendrai pas d'avantage sur la délibération prise par quelques citoyens de Nîmes; et c'est pour ne pas provoquer votre sévérité, que j'en cesse l'examen avec votre comité des recherches:j'invoque au contraire votre indulgence, en vous demandant de vous borner à les mander à la barre, de suspendre du droit de citoyens actifs, ceux qui ont signés les diverses délibérations, et d'ordonner au

surplus, d'informer sur les troubles et les meurtres qui ont eu lieu dans la ville de Nîmes : je demande que le projet de décret du comité des recherches soit adopté, et sans désemparer.

Ce n'étoit pas le jour, le mémorable jour de la constitution en assemblée nationale, que les ennemis de la patrie auroient dû trouver des défenseurs. Cependant ils en ont trouvé un dans la personne de M. Malouet, dont on n'est pas surpris de trouver le nom parmi eux. M. Malouet ne voyoit dans les assemblées de Nîmes que l'exercice du droit de citoyen de s'assembler; il ne voyoit, dans leur délibération, que le droit de donner son opinion; il ne voyoit, dans le desir de faire rendre au roi son autorité, que le desir de l'ordre ; et il s'étonnoit qu'on pût travestir ces sentimens en crimes. M. Malouet, qui dénoncé les écrits et les journaux consacrés à la liberté, à la révolution, est plus indulgent pour ceux qui peuvent la traverser; il ne veut point pour eux de poursuite, point de peine, point de proscription. M. Barnave, en répondant à ces objections, a prouvé la nécessité de punir des hommes qui étoient dans un état d'insurrection; et il a fait voir combien ici la peine étoit modérée. Le projet du comité a été décrété. Nous en avons dit la substance ci-devant. On mande à la barre

les citoyens qui ont signé la déclaration; on les suspend, par provision, de leurs droits de citoyens actifs, et on charge le présidial de Nîmes de poursuivre les autres délits.

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Cette séance étoit destinée aux incidens les plus extraordinaires. Le premier avoit rapport la révolution d'Avignon et du comtat Venaissin.

Des lettres à M. Bouche annoncent les scènes de sang qui venoient de s'y passer. Avignon, le refuge d'une foule d'aristocrates françois, étoit un foyer ardent de conspirateurs. Le peuple, d'un autre côté, honteux de la servitude sous laquelle il vivoit, brûloit d'essayer ses forces. Deux partis déchiroient donc cette ville. Les nobles, ou aristocrates, croyoient avoir bien pris leurs mesures pour écraser leurs adversaires. Munis d'armes, réunis, sûrs d'une partie de la garde avignonoise qu'ils avoient séduite, ils comp toient sur une victoire complette. Mais nos conspirateurs d'aujourd'hui ne ressemblent pas à ceux qui déchiroient l'Italie du temps des Guelphes et des Gibelins; vaniteux, peu discrets, leur vi sage trahit leurs projets, annonce leurs espé rances. D'autres indiscrétions les décèlent ; on trouve pendu à une enseigne un manequin, représentant un officier municipal avec les couleurs françoises. Cette folie ruine le projet des

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aristocrates. Le peuple s'irrite, prend les armes.
Les aristocrates voyent bien qu'il n'y a pas un
moment à perdre, se rassemblent à l'hôtel-de-
ville, et commencent le carnage. Mais ils n'ont
pas long-temps l'avantage. Forcés dans leurs re-
traites, on arrête les principaux chefs; quatre
sont sur le champ exécutés ; d'autres l'auroient
été, si les François d'Orange, de Carpentras et
d'autres villes, volant au secours des habitans
d'Avignon, n'eussent pas arrêté le cours de ces
proscriptions. Le peuple arrache ensuite les armes
du pape, y substitue celles de la France, et ne
veut plus d'autre constitution que la constitution
françoise.

Il semble que les ennemis de la liberté soient
presque tous frappés de vertiges; l'autre fait
annoncé à l'assemblée en offre la preuve. M. de
Mirabeau le jeune avoit été à Perpignan, sous
prétexte d'y appaiser des divisions dans son ré-
giment. On lui porta les drapeaux. Il lui prit
fantaisie, la nuit, d'enlever à ces drapeaux les
cravattes, qui étoient aux couleurs nationales; et
après cette glorieuse expédition, il fuit. Le fen-
demain, grand tumulte; le maire, chez lequel
logeoit l'ennemi des cravattes, est accusé de les
avoir pris. On l'arrête; il proteste de son inno-
cence. On court après le colonel. Il est atteint,

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