Page images
PDF
EPUB

Ou je suis un scélérat; et pourquoi me fait-on une pension pour vivre? ou je suis innocent

et pourquoi me tient-on loin de ma patrie? Sur la demande de ce respectable ecclésiastique, le comité des lettres de cachet est autorisé à prendre connoissance du sort de ces infortunés.

On attendoit depuis long-temps, avec impatience, le rapport du comité des pensions; ce rapport, qui devoit dévoiler les turpitudes, les profusions scandaleuses de l'ancien ministère, et les bassesses de ceux qui s'étoient enrichis des deniers publics; ce rapport qui devoit offrir les règles d'après lesquelles on devoit juger les pensions qui méritoient d'être conservées, et limiter dorénavant les dons de la nation, M. Camus l'a présenté, et on y a retrouvé l'inflexible austérité des censeurs de l'ancienne Rome, jointe à cet esprit d'équité qui doit diriger à l'avenir la générosité, et à cet esprit d'indulgence qui caractérise une nation bonne par éssence, et toujours prête à pardonner aux ennemis qu'elle a vaincus.

Le comité des pensions a tout embrassé dans son travail; et par la division de ses élémens, il est parvenu à abréger des recherches immenses, excessivement compliquées, et dont l'obscurité redoubloit encoré par les refus éternels des agens de l'administration à fournir des lumières

[ocr errors]

qui pussent éclairer au milieu des ténèbres.
Le premier rapport qu'il a présenté, concerne les
règles à suivre dans la réforme des pensions.

D'après quels principes les jugera-t-on ? Serace d'après ceux que l'assemblée nationale va consacrer? Mais des lois ne peuvent avoir un effet rétroactif.

Jugera-t-on d'après les lois qui existoient antérieurement à ces pensions? Il faudroit alors les appliquer avec la dernière rigueur. Si on l'exécutoit, l'économie pourroit produire d'immenses réductions.

les

D'abord on verroit tomber tous les dons qui n'ont d'autre titre que la concession, et le bon d'un ministre (1) ou d'un ordonnateur : car, à quelque point que fût porté le despotisme ministériel, il n'avoit encore été écrit dans aucun code ministres pouvoient faire des largesses du montant des contributions publiques : on savoit bien que souvent ils disposoient, par leur mauvaise administration, de la fortune publique; mais ils n'a

que

(1) Par exemple, dans le nombre des pensions accordées dans le département des finances, sous le ministère de M. de Calonne, on voit que le total des pensions s'est élevé à 1,273,359 liv.; sur ce total, le roi a donné 904,841 liv., et M. de Calonne, de son autorité privée, a donné 374,517 livres. Voyez 1er rapport.

voient pas encore le droit de transmettre seuls à leurs créatures le droit de se l'approprier.

Ensuite il faudroit rayer toute pension assise sur d'autres caisses que sur celle du trésor royal (1), d'après la disposition des lettres-patentes de 1778. C'est la multiplicité des caisses qui enfantoit les abus, et voilà pourquoi les ministres sévères ont voulu réunir les pensions dans une seule caisse.

Il faudroit anéantir toutes ces pensions qui ont été accordées pour des croupes et des intérêts dans les affaires, parce que ces croupes ayant été déclarées illégitimes, le trésor public n'a pas `dû être chargé du dédommagement de leur perte. Il faudroit anéantir celles pour prix d'aliénations, d'indemnité (2), de dédommagement, parce que ce n'est pas par des dons que l'état doit acquitter ses dettes, mais par des paiemens qui suivent la juste mesure de la créance : il faudroit

(1) Les pensions qui se paient ailleurs qu'au trésor royal, sont de 3,749,241 liv. Voyez ibid. pag. 48.

(2) Par exemple, on a payé, le 24 juillet 1785, 160,000 liv. à M. de Beaumarchais, pour de vieux parchemins qu'il a fait transporter à la bibliothèque du roi.On a donné à trois garçons de la chambre de la reine, 10,600 liv, pour indemnité du retour des bougies supprimées.

décharger le trésor public de toutes les pensions accordées en récompense de services rendus personnellement au roi et à sa maison, puisqu'il lui a été assigné des fonds pour payer et récompenser les services qu'on lui rend.`

Il n'y a peut-être pas une pension accordée depuis 1778, qui puisse supporter l'épreuve du rapprochement de ces règles; et si l'on remontoit aux pensions qui subsistoient avant la réduction des retenues établies en 1770 et en 1787 (1), alors disparoîtroient ces nombreux affranchissemens des retenues dont il a été indiqué des exemples; car de simples décisions, données dans le secret du cabinet, ne sont pas des dérogations. suffisantes à une loi publique.

Quel seroit le dernier terme de ces opérations longues et compliquées? Embarras insurmontable pour le comité qui s'est chargé de cette opération. L'intérêt général des créanciers pris en masse, s'oppose lui-même à un pareil mode de réforme. Car l'examen sévère qui seroit fait des pensions, réduiroit leur montant au-dessous de la

(1) Par exemple, M. Coster a, en 1789, été affranchi de retenue sur une pension de 15,000 liv. Dans une autre genre d'abus, on faisoit donner aux princes et aux ministres une indemnité de la capitation qu'ils payoient.

somme de 10 millions, qui est celle à laquelle le comité a proposé de les fixer; les pensionnaires auroient à partager entre eux moins de 10 millions; et comme ils auroient exigé qu'on ne les jugeât que d'après les anciennes lois, ils ne pourroient prétendre à aucun secours, à aucune grace, qui ne leur est pas accordée par ces lois

anciennes.

Veut-on considérer l'intérêt individuel des pensionnaires? Un grand nombre d'entr'eux seroient victimes de la forme d'examen qu'on auroit adoptée; ils pourroient avoir des titres légitimes à une pension, quoique celle qu'ils ont obtenue ne doive pas subsister. Leur pension seroit anéantie pour des défauts de forme, dont il seroit injuste de les rendre responsables, parce qu'elles ne leur étoient pas connues. Combien d'entr'eux souffriroient encore individuellement de la longueur d'un travail qui se feroit, mais qui ne se feroit que successivement, et par une espèce d'inquisition individuelle.

A l'égard de la réduction sur les pensions subsistantes, quelles étoient les bases pour l'établir? Si on la fixoit à la même quote que toutes les pensions, on seroit injuste envers le pensionnaire, auquel on ôteroit cent livres, par exemple, sur mille livres ; et trop facile envers lé pensionnaire,

« PreviousContinue »