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COURIER DE PROVENCE.

No. CLX I.

Discussion relative au commerce de l'Inde.

A

LES philosophes qui observent la marche de l'esprit humain dans cette révolution, remarquent que l'esprit du commerce est celui qui se prête le moins aux sacrifices. Il veut bien être débarrassé de ses fers, mais il ne veut pas en délivrer ceux qu'il met lui-même. Ainsi l'armateur du Havre veut bien l'abolition de la compagnie du Sénégal; mais il veut avoir le droit de mettre lui-même des menottes à l'Africain. Ainsi les commerçans veulent la destruction de la compagnie des Indes; mais, afin de vexer à leur tour le public, ils veulent concentrer le commerce de l'Inde dans une seule place, où ils feront la loi.

Cet esprit d'avidité, qui dirige et déshonore le commerce en général, s'est fait sur-tout remarquer dans la discussion sur les retours de l'Inde, et sur la manière de les régler; il s'est même glissé dans le comité, et il en a dicté la plupart des articles. Il est nécessaire d'en rapporter les principaux, afin de pouvoir entendre

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la discussion, et lire avec fruit le discours de M. Mirabeau l'aîné, que nous imprimons en entier, parce qu'il nous paroît réunir les raisonnemens les plus frappans qu'on ait allégués contre le monopole qu'on veut accorder au l'Orient.

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de

Ce rapport, fait par M. Fontenay, au nom du comité de commerce et d'agriculture, présente quatre points principaux: 1°. l'armement et le retour; 2°. les marchandises prohibées, ou qui ne doivent être reçues qu'en entrepôt; 3°. les droits qu'acquitteront les marchandises qui pourront être importées; 4°. enfin quelques dispositions relatives à l'association connue sous le nom de compagnie des Indes.

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Bonne-Espérance, la liberté de faire ses armemens dans tous les ports ouverts à notre commerce avec nos colonies d'Amérique. On accorde la franchise des droits d'entrée sur quelques objets tirés de l'étranger, et qui font ordinairement partie des cargaisons. La restitution de ces droits, au moment de l'embarquement, peut avoir moins d'inconvéniens que leur exemption à l'entrée du royaume. On accorde aux cuivres de fabrica

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tion nationale, lorsqu'ils seront expédiés pour l'Inde, une prime équivalente aux droits que les cuivres bruts paient à l'entrée du royaume.

Des retours.

On propose d'ordonner provisoirement que les retours continueroient d'être faits au port de l'Orient.

Cette disposition, dit le comité, qui ne peut être gênante que pour les armateurs, leur est néanmoins convenable, en ce que, pour la réunion des acheteurs, elle leur procure une vente assurée. Elle est sur-tout convenable aux acheteurs, à qui la réunion des retours dans un seul port donne les moyens de completter leurs assortimens, de régler les prix d'après la proportion connue entre la demande et les quantités mises en vente. Un motif plus déterminant, c'est l'impossibilité d'assurer, par un autre moyen, lat perception des droits, de ces droits qui sont la sauve-garde de nos manufactures.

Il seroit dangereux que les retours pussent se faire à Marseille à cause de la franchise de son port. La plupart des autres ports du royaume offrent au versement frauduleux des marchandises les plus grandes facilités. Les vaisseaux destinés pour Nantes et Bordeaux ont à parcourir

un trajet considérable de rivières. Le grand nombre de bâtimens qui se trouvent dans ces ports. force les employés d'y partager leur surveillance.

Le port de l'Orient a des avantages qui lui sont propres les vaisseaux qui se présentent pour y entrer, sout apperçus à plusieurs lieues en mer. Ils doivent passer sous l'isle de Croix, résidence d'un poste d'employés chargés de les signaler, et de se rendre immédiatement à bord pour empêcher les versemens. La surveillance des em ployés n'est pas partagée dans ce port, et les récensemens dans les magasins y sont faciles. Enfin, cette ville offre un mouillage sûr, des magasins vastes et à l'abri des incendies et des personnes habituées au bénéficiement des marchandises de l'Inde. A ces raisons on joint l'opinion des députés extraordinaires du commerce et des manufactures, qui ont été consultés, et qui, s'ils n'avoient pas pensé que cette disposition fût utile, ne l'auroient pas adoptée.

Des marchandises prohibées.

Le comité proscrit les étoffes de soie, les, toiles peintes et imprimées, la porcelaine dorée, et de couleur. Il ne conserve que les guinées

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bleues, et les toiles rayées et à carreaux, qui sont destinées pour le commerce d'Afrique. Relativement aux droits que les marchandises paieront, on les divise en sept classes, qu'il est inutile de détailler ici. Nous citerons seulement la première et la cinquième.

1o. Aucun sur les matières premières importées.

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5o. Marchandises blanches, droits doublés. -Les détails sont trop longs pour les répéter. Par exemple, on paieroit 80 livres du quintal de basin.

Le comité propose de rendre communs, pour tous les retours de l'Inde, les magasins de l'Orient, et que les retours de la ci-devant compagnie soient assujettis aux mêmes droits; qu'elle cesse de percevoir les droits qui lui étoient accordés sur les toiles peintes, toiles de coton étrangères.

Messieurs Nérac et Rodérer ont précédé M. Mirabeau l'aîné dans la discussion de ce plan.

M. Nérac y voyoit un moyen infaillible de paralyser une des branches les plus lucratives du commerce; il le porte à 60 millions; il se fait par la réexportation des marchandises de l'Inde et l'exportation première des nôtres. La consi

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