Page images
PDF
EPUB

mens, aucuns raisonnemens; que parmi les dé tails, les uns étoient évidens, les autres pas assez prouvés, et qu'on ne devoit pas balancer à adopter la marche proposée par le comité. Cette marche consistoit à mander les vingt individus qui avoient signé la déclaration, et à les suspendre de leurs droits de citoyens actifs, jusqu'à ce qu'ils eussent satisfait à cette injonction ; et quant aux autres faits, à renvoyer, pour l'informa tion, devant le présidial de Nîmes.

On voit dans ces conclusions une timidité, une incertitude qui appartiennent à des temps de trou-. ble, lorsque les délits de lèse-nation ne sont pas bien marqués, et lorsqu'on se défie des tribunaux chargés de les juger. Renvoyer devant le présidial de Nîmes, c'étoit, ou assurer l'impunité, ou faire de cette ville un nouveau théâtre de sédition. Mais où recourir? Existoit-il un tribunal qui jouît de la confiance du publié ? Il falloit donc laisser ces délits impunis. Ils auroient bientôt été engloutis dans le torrent de la révolution Quoiqu'il en soit, ce procès n'a été décidé que postérieurement, et nous y reviendrons.

Séance du mercredi 16 juin.

ENCORE du sang ! Sans doute il y en auroit moins de versé, si l'on s'empressoit davantage d'éclairer le peuple ; et une nouvelle dénonciation faite aujourd'hui contre les ministres, en fournit la preuve. Le peuple des Le peuple des campagnes s'imagine que tout est aboli; impôts, dîmes, champarts, il ne veut rien payer. Deux huissiers veulent faire payer des droits de champart dans le département de Nemours ; le peuple s'attroupe, en pend un, assomme l'autre. Revenant ensuite à sa sensibilité, il détache le premier et le rappelle à la vie. La cause de cet attentat étoit dans l'ignorance des décrets qui ordonnent que, ces droits de champart seront payés jusqu'au rachat. Le ministre avoit été pressé plusieurs fois, par les députés de Nemours, de faire proclamer les décrets; il avoit toujours promis, et n'avoit jamais tenu parole.

Cette histoire, racontée par M. de Noailles, enflamme les esprits; on veut mander le ministre à la barre. Quelques motifs sur la nécessité d'altérer les décrets, refroidissent cette ferveur, et font ensuite oublier, et le délit, et la nécessité d'informer et d'entendre le ministre.

On

( ق )

On a repris la discussion du plan ecclésiastique. Le titre 3, qui concerne le traitement du clergé, devoit exciter des débats très-vifs ; c'est celui qui touchoit de plus près cet intérêt personnel, qui, bien plus que l'esprit de religion, a porté tant de chaleur dans tous les débats relatifs au clergé.

[ocr errors]

Quel doit être ce traitement ? Si l'on avoit voulu faire taire les passions, la solution de cette question n'étoit pas difficile à donner. La religion prêche aux hommes la simplicité; il falloit donc un traitement simple. Le christianisme a été prêché par le christ et ses apôtres, qui n'avoient rien, ne vouloient rien pour eux-mêmes, ne recevoient que pour donner aux pauvres. Les chefs de cette religion, qui se vantent d'avoir reçu leur mission directement des apôtres, qui reprochent tant aux ministres protestans de n'avoir pas cette mission directe, devroient donc suivre les traces des apôtres, ne pas prétendre à des revenus excessifs, et avoir la simplicité de ces ministres protestans. Enfin leur traitement est un impôt mis sur le peuple, et sur le peuple misérable, sur ce peuple déjà écrasé sous le fardeau d'autres impôts. Il falloit donc le borner le plus possible.

Tels avoient été les motifs qui avoient déter-

B

[ocr errors]
[ocr errors]

miné le comité à fixer le traitement des évêques dans les villes où la population est de 50,000 ames et au-dessus, à 20,000 liv., et les autres à 12,000 liv.

Quoiqu'il ne fût question que du sort des prêtres futurs, cependant comme la décision de cette question avoit une liaison secrette avec le traitement des prêtres actuels, les partisans du faste épiscopal et de la dignité de la religion, n'ont pas manqué de se récrier contre la modicité, l'indignité du traitement des hauts et puissans prélats.

Eh! qui pourroit désormais, s'ils étoient réduits à des revenus si médiocres, subvenir aux besoins des pauvres, de ces pauvres qui mourroient de faim, si à toute heure ils ne trouvoient des secours dans le sein consolateur de leur évêque?

Tel étoit le sophisme dont s'étayoit M. Cazalès pour défendre les prélats. Il oublioit que ces consolateurs des pauvres étoient les curés, les curés les plus pauvres, et souvent les curés congruistes, qui partageoient leur morceau de pain bis avec les malheureux, que les valets de l'évêque chassoient presque toujours d'une manière outrageante. Eh quoi ! avoit-on jamais vu ces magnifiques grilles de fer, ces portes dorées s'ou

vrir aux accens plaintifs du misérable? L'argent qui lui appartenoit n'étoit-il pas donné pour payer ces larges galons qui couvroient les habits des valets de monseigneur, et ces mêts recherchés, dont à peine on permettoit au pauvre de savourer la vapeur ?

[ocr errors]

Ah! si la charité étoit séparée de la religion, quel est l'homme sensible, disoit encore M. Cazalès, qui voudroit être ministre de cette religion? Eh quoi! outre le soulagement du pauvre, ne reste-t-il rien à faire dans le ministère sacré ? N'est-il pas principalement chargé de l'instruction du peuple ? N'est-ce pas le plus bel emploi que celui de précepteur du peuple?

L'argument décisif contre cette ferveur, si nouvelle dans nos prélats, pour secourir l'indigent, c'est que, sous une constitution libre, on doit tendre sans cesse à diminuer les pauvres, et qu'ils ne doivent être alimentés que par l'état et aux dépens de l'état. Car comment exposer des hommes à dépendre de la compassion plus ou moins grande d'autres hommes ? et comment laisser à quelques individus une influence aussi considérable; influence dont l'histoire prouve qu'ils ont abusé si cruellement ? Ouvrez l'histoire du Saint-Siège de Rome, et voyez combien d'abominations l'ont souillé, précisément

« PreviousContinue »