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pouvoir pour être garant des lois absurdes, contradictoires et malfaisantes qu'il leur plaît d'appuyer par la sanction du serment.

Et comme il est prouvé que l'institution des lois irrévocables est une des plus funestes inventions du despotisme, il s'ensuit que l'application de la sanction religieuse à ces lois est un délit contre la religion; car le délit contre la religion consiste à employer cette force contre l'intérêt de l'humanité. *

Je passe maintenant à l'examen d'un cas particulier.

Parmi les statuts du premier parlement de Guillaume et Marie, il en est un intitulé Acte pour instituer le serment du couronnement.

La cérémonie est ainsi réglée. L'archevêque adresse au monarque certaines questions prescrites, et ses réponses également prescrites constituent son serment.

La troisième est dans cette teneur : « Voulez>> vous de tout votre pouvoir maintenir les lois de » Dieu, la vraie profession de l'Évangile et la religion protestante réformée, établie par la loi?

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* Les théologiens et les moralistes ont toujours rangé les sermens défendus sous trois classes: faux sermens, sermens téméraires, sermens criminels. Ceux dont il est question ici sont toujours téméraires et peuvent souvent devenir criminels.

*

>> Et voulez-vous conserver aux évêques et au clergé » de ce royaume et aux églises commises à leur » charge, tous les droits et priviléges qui leur ap» partiennent et leur appartiendront également à tous et à chacun ? »

Il est des personnes qui ont prétendu que, par cette clause du serment, le roi s'était mis dans l'impossibilité d'émanciper ses sujets catholiques qui composent plus des trois quarts du royaume d'Irlande, aussi-bien que de réformer l'établissement ecclésiastique protestant.

Si la cérémonie du serment pouvait avoir l'effet qu'on lui attribue, si en prononçant ces mots, je promets, je jure, un roi se mettait dans l'obligation d'exercer sa prérogative d'une manière absolument contraire au bien de ses peuples, en opposition avec tous leurs sentimens ;- ne craignons pas de le dire, un tel serment serait un crime. Si une cérémonie de cette nature est obligatoire

* On emploie le mot émanciper pour abréger; il emporte la suppression des lois pénales contre les catholiques, et leur admission à tous les mêmes droits civils et politiques que les protestans. Sous le règne actuel, les lois pénales ont été supprimées, sans que personne ait songé à objecter le serment du couronnement. Mais quand les catholiques ont réclamé l'admission à tous les droits, on a prétendu que ce serment y mettait un obstacle invincible. Cette objection n'a jamais été faite dans les deux chambres du parlement.

dans un cas, elle l'est également dans tout autre. Henri VIII, à son couronnement, ayant juré de maintenir la suprématie du pape, n'a jamais pu faire un seul acte légitime pour la réformation. La religion catholique doit être encore la religion nationale. La volonté de la nation n'a jamais pu légaliser le parjure de ce monarque.

Mais prêter au serment ce sens anarchique, supposer qu'il a été institué pour mettre le roi dans l'impuissance de consentir à une loi qui lui est présentée par les deux chambres du corps législatif, imaginer qu'on a voulu renfermer dans cette clause le germe d'une guerre civile, c'est raisonner contre l'évidence.

Il est évident que le parlement, en rédigeant ce serment, n'a pas voulu anéantir sa propre puissance, ni rendre le roi indépendant et le mettre dans l'obligation de maintenir des lois contre le vœu général. Il n'a voulu attacher cette obligation au monarque que dans sa capacité exécutive, et non dans sa capacité législative.

Si par la troisième clause, il est interdit au roi de consentir à un bill qui altérât la constitution ecclésiastique, il lui est donc interdit par la première de consentir à un bill quelconque car il jure solennellement; par cette première clause, «de › gouverner le peuple selon les statuts du parle» ment, selon les lois et les coutumes établies. »

Mais comment peut-il consentir à des lois nouvelles sans en altérer d'anciennes, sans abroger ou changer des coutumes?

Il est vrai que cette interprétation serait trop absurde pour en imposer à personne. Il est clair que l'objet n'était pas de restreindre le monarque dans son autorité législative, et par conséquent de paralyser celle des deux chambres, mais de le guider dans l'exercice de son pouvoir exécutif ; or, si c'est là l'intention manifeste de la première clause, peut-on en supposer une autre relativement à la troisième?

Mais voulez-vous forcer la conscience du souverain? Quel que soit le sens que vous donnez à cette clause, voulez-vous lui ôter le droit de l'entendre dans le sien? Exigez-vous de lui le sacrifice de son jugement, tandis que vous réclamez la liberté du vôtre?

Non; mais faut-il qu'en alléguant sa conscience, on obtienne un pouvoir absolu, et en particulier celui de maintenir des lois réputées pernicieuses?

Le serment, selon les termes dans lesquels il est conçu, est un frein ou une permission. Souvent c'est une permission sous l'apparence d'un frein : un frein dans la forme, une permission dans la réalité.

Ce sont des chaînes qu'on donne au pouvoir. Qui; mais des chaînes comme celles qui figurent

sur le théâtre, des chaînes qui font du bruit et qui ont de l'éclat, mais très-légères pour celui qui les porte. Ce sont des décorations plutôt que des gênes, puisque c'est lui-même qui a choisi les liens qu'il lui convient de porter.

Le roi s'engage à ne rien changer à l'ordre ecclésiastique. On paraît limiter son pouvoir; point du tout, on l'étend si on lui donne ainsi la faculté de se refuser au vou de la nation. Le pouvoir qu'il a perdu est précisément celui qu'il ne veut pas exercer, et la gêne apparente du serment est précisément un moyen de despotisme.

Si un roi d'Angleterre se croyait lié par son serment à refuser une loi qui serait jugée nécessaire par les deux chambres et par le vœu national, la constitution donne heureusement des moyens de sortir du labyrinthe. Il ne trouverait plus de ministres, ou ces ministres ne pourraient plus obtenir la majorité du parlement pour aucune mesure. Le roi serait réduit à céder ou à abdiquer.

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