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avec la plus grande rigueur les expressions d'un poëte on se fait un mérite de relever un mot superflu, un terme obscur, un tour équivoque; et celui qui démêle les fautes les plus légères est censé contribuer au perfectionnement de l'art.

Combien cette critique verbale n'est-elle pas plus utile appliquée au style des lois? Puis-je savoir autrement que par la valeur des mots ce que la loi me commande ou me défend? Est-ce perdre son temps que de montrer aux législateurs combien il est difficile de s'exprimer correctement, combien il leur importe de ne dire ni plus ni moins que ce qu'ils veulent, de produire une idée juste qui n'ait pas besoin de commentaire ?

Fût-on même déjà convaincu que cette déclaration renferme une doctrine erronée, on pourrait en lire la réfutation avec profit, comme un exercice de logique. Il y a bien de la différence entre sentir le faux et le démêler. On voit ici, ce me semble, en quoi consiste l'art de mettre dans son jour une fausseté captieuse. Il s'agit d'abord d'observer si une proposition qui paraît simple, n'en renferme pas plusieurs. C'est en les séparant, en les simplifiant qu'on se met sur la route pour réfuter ce qui doit l'être : car ce qui sauve ces propositions complexes, c'est un mélange de vrai qui fait passer le faux, ou une obscurité qui naît de la complication. Il faut voir si les mots principaux

ont été bien définis, s'ils ne sont pas employés dans un sens arbitraire ou qui les détourne de leur signification usitée car c'est là le grand secret pour tromper des lecteurs inattentifs, ou pour séduire ceux qui se croient plus fins quand ils affectent d'entendre les termes les plus ordinaires dans un sens mystérieux.

C'est ici un ouvrage de controverse; cependant il tourne plus à la paix qu'à la dispute, parce qu'il attaque un système dogmatique qui exclut tout raisonnement, et qu'il est fait pour ramener au principe de l'utilité générale, le seul sur lequel on puisse établir une manière de raisonner com

mune.

EXAMEN

DE LA DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN,

Décrétée par l'assemblée constituante, en 1789.

PREAMBULE.

«LES représentans du peuple français constitués en assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernemens, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin. que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et in

contestables, tournent toujours au maintien de la constitution et au bonheur de tous.

» En conséquence, l'assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivans de l'homme et du citoyen. »

OBSERVATIONS.

Le premier défaut de ce préambule est dans le titre. Des législateurs français devaient déclarer les droits des Français, mais les Français ne paraissent ni dans le frontispice de l'ouvrage ni dans l'ouvrage même. Ce qu'on déclare, ce sont les droits de l'homme et du citoyen. Par citoyens, nous devons entendre toutes les personnes engagées dans un corps politique; mais par hommes, en tant que distingués des citoyens, que devons-nous entendre? toutes les personnes qui ne sont pas encore membres d'une société politique, ceux qui sont encore dans l'état de nature, ceux qui existent comme ceux qui n'existent pas, ceux en un mot qui, par la supposition même, ne peuvent avoir aucune connaissance de cette déclaration faite pour eux.

On peut distinguer dans ce préambule deux parties: l'objet et les motifs.

L'objet, c'est d'exposer les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme; c'est-à-dire, des

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