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SOPHISMES ANARCHIQUES.

EXAMEN CRITIQUE

DE DIVERSES DÉCLARATIONS DES DROITS

DE L'HOMME ET DU CITOYEN.

AVERTISSEMENT. ·

REFUTER la déclaration des droits de l'homme, n'estce pas prendre une peine inutile? Cette déclaration, proclamée avec tant de pompe, reçue avec tant d'acclamation, traduite dans toutes les langues de l'Europe, mais secrètement méprisée par ceux même qui l'avaient faite ; contredite dans toutes leurs lois de détail, altérée par leurs successeurs, et rejetée du Code impérial, qu'est-elle maintenant qu'une page décriée d'une constitution qui n'existe plus? Je conviens que cette réfutation n'a plus l'intérêt polémique qu'elle aurait eu sous le règne de l'assemblée nationale. C'est un traité sur une maladie contagieuse dont on ne parle plus, et par conséquent un ouvrage sans attrait pour ceux qui ne savent s'occuper que des circonstances du moment. Mais l'examen d'une grande erreur renferme un intérêt qui subsiste toujours. Le germe de cette fausse théorie des 'droits de l'homme est dans les passions du cœur humain, toujours les mêmes, et qui n'attendent pour se reproduire que des circonstances semblables. Voyez ce qui s'est passé récemment dans l'Amérique Espagnole, dans la province des Ca

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racas aussitôt que l'insurrection a été en force, les insurgens ont fait une déclaration des droits, sinon dans les mêmes termes, au moins dans le même esprit que celle de l'assemblée nationale. Ainsi, quoique cette déclaration ait été retranchée du Code des lois françaises, elle conserve encore une place secrète dans le Code démocratique de l'opinion. J'ai vu, même en France, plusieurs personnes disposées à convenir qu'elle était dangereuse, sans cesser de croire qu'elle fût vraie; et l'on ne doit pas se dissimuler que son anéantissement n'ait été plutôt l'ouvrage de la force que celui de la conviction. Si l'on peut ôter cette arme aux enthousiastes politiques, il faut le faire pendant qu'ils sont faibles, car il est trop tard quand ils sont en force. C'est ainsi qu'on choisit le moment où les eaux sont basses pour rétablir les digues, après que la violence d'un torrent les a renversées.

D'ailleurs, cette déclaration renferme un extrait ou une essence des erreurs promulguées par les premiers écrivains du siècle. S'il fallait restituer à chacun ce qui lui appartient, on verrait dans cette compilation les membres épars de Mabli, de Rousseau, de Raynal, de Condorcet, de Diderot, de Price, de Priestley et de beaucoup d'autres. Mais ces faux principes, sanctionnés par l'assemblée nationale, ont un caractère

de solennité qui leur manque dans ces écrivains. Ce qui n'est chez eux que la théorie d'un individu; est ici un énoncé légal. Attaquer cette déclaration, c'est donc combattre ces erreurs rangées en phalange; c'est rencontrer tous les ennemis du bon principe dans un même camp, et leur livrer une bataille plus décisive. Ce vœu d'un empereur, de trouver tous ses adversaires sous une seule tête

pour l'abattre d'un même coup, se réalise jusqu'à un certain point dans ce travail de l'assemblée nationale.

Si l'on objectait contre cet écrit que la plupart des observations roulent sur des critiques verbales, je répondrais que dans un roman, dans un discours académique, les mots ne sont que des mots, et que les termes impropres sont sans conséquence; mais que dans les lois, et surtout dans des principes fondamentaux des lois, les mots sont des choses, et que des termes impropres, qui font naître des idées fausses, peuvent conduire à des calamités nationales. Je ne connais rien de plus juste que cette pensée d'un écrivain français, «que ce qu'il y avait eu d'absurde dans » la révolution a conduit à ce qu'il y avait eu » d'atroce.* >>>

On approuve la critique littéraire qui analyse
Garat, Défense de lui-même.

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