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triple carrière de l'éloquence, de l'histoire et de la philosophie, avait, pour ainsi dire, exhumé du moyen âge l'histoire de notre civilisation: son œuvre, admirable de profondeur et de perspicacité, devint plus tard son titre d'admission dans notre Académie.

L'histoire contemporaine et nationale avait marqué ses succès par deux ouvrages célèbres : l'un, qui rappelle la sagacité politique et militaire de Polybe, procède par vastes développements, avec l'abondance d'un génie bienveillant avant tout, comme celui de Tite-Live, pour la gloire des grands hommes et pour les défenseurs de la liberté; l'autre, nerveux, serré, profond, sort de l'école des Thucydide et des Salluste. L'auteur de ce dernier ouvrage, conservateur, et, si je puis ainsi parler, vivificateur des plus riches trésors qu'ait pu réunir en trois siècles la diplomatie d'un grand État, a mis pendant quinze ans à profit ces archives mystérieuses, pour élucider tour à tour d'importantes questions de politique et d'histoire, traitées avec philosophie, c'est-à-dire avec indépendance et vérité.

Vous n'attendez pas de moi, messieurs, que je passe en revue l'immense liste des travaux par lesquels les nouveaux membres de l'Académie ont conquis leur admission, et les travaux non moins importants par lesquels ils l'ont une seconde fois méritée. Tous n'ont pas le privilège d'être déchus du pouvoir ou des emplois, pour qu'on les loue en liberté, sans redouter deux écueils: celui de rester au-dessous de leur mérite, et celui de paraître l'exagérer.

Mais ce que je puis, ce que je dois vous présenter, c'est le tableau des questions proposées et des prix remportés. Par les résultats d'une année, vous jugerez de ceux que l'Académie s'honore d'avoir obtenus depuis seize ans qu'elle fait appel aux concurrents de la France et de l'étranger.

En même temps vous jugerez, par nos programmes de 1846 et 1847 pour 1848, si nous pouvions, sans négliger les

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recherches qui dépendent des temps passés, ni les intérêts unîversels de la science, signaler davantage, et par des questions mieux appliquées à notre époque, à notre pays, les abîmes qui s'élargissaient de plus en plus devant les pas du pouvoir et de la société.

La première section de l'Académie, celle de philosophie, avait proposé l'examen critique de cette philosophie scolastique, si célèbre au moyen âge, et professée dans Paris avec tant d'éclat pendant plusieurs siècles : le prix est accordé sur ce sujet à M. Barthélemy Haureau.

La même section propose, pour l'année 1851, de rattacher, par une étude comparée, la philosophie de l'antiquité à celle des temps modernes.

La section de morale avait demandé, dès 1846, qu'on rerecherchât et qu'on exposât les conditions comparées de moralité chez les classes agricoles et les classes manufacturières; elle partage aujourd'hui la récompense promise, en accordant à M. Ernest Bertrand 1,000 fr., et 500 à M. Édouard Mer

cier.

La même section rappelle le prix offert, pour 1849, à la meilleure histoire des systèmes de la philosophie morale enseignée dans l'antiquité jusqu'à l'établissement du christianisme histoire qu'il faudra présenter dans ses rapports avec les sociétés au milieu desquelles ces systèmes ont pris nais

sance.

Ramenant ses regards des temps anciens au temps présent, l'Académie avait proposé pour prix à décerner en 1848 : Rechercher quelle influence le progrès et le goût du luxe exercent sur la moralité des peuples ?"

Une révolution a devancé la solution théorique de cette question, qui pèse plus que jamais sur le présent et sur l'avenir de la France. L'Académie la remet au concours pour 1849.

Aujourd'hui, pour venir en aide, sous les deux points de

vue de la morale et de l'intérêt public, au bien qu'on peut attendre des associations libres entre les ouvriers, les patrons et les capitalistes, l'Académie en fait l'objet d'une question de premier ordre.

La section de législation, de droit public et de jurisprudence, tournant ses regards vers un des plus grands intérêts sociaux audacieusement menacés, avait proposé dès 1846, et propose de nouveau pour 1849, d'expliquer l'origine des actions possessoires et de leur effet sur la défense et la protection de la propriété. Le prix de 1848 n'est point décerné; mais sa représentation monétaire est partagée entre deux mentions honorables méritées par les mémoires de MM. Alau-, zet et Pélignian.

La même section demande aujourd'hui, pour 1849, qu'on recherche l'origine et qu'on expose les principes de la juridiction ou de l'ordre judiciaire en France.

Il faut signaler à l'attention publique le sujet proposé dès 1847, et reproduit aujourd'hui pour l'année 1850.

« Retracer les phases diverses de l'organisation de la famille sur le sol de la France, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. »

Rappelons ici l'observation de l'Académie, adressée aux concurrents. Ce n'est pas seulement un monument d'érudition que l'Académie demande; elle désire, qu'après avoir exposé les faits, les concurrents en recherchent avec soin les causes et leur influence. Elle demande qu'on étudie la famille dans ses rapports avec la constitution de l'État et dans les progrès moraux, sociaux, industriels, qui peuvent être attribués aux diversités d'organisation qu'elle a présentées.

La section d'économie politique remet au concours une question capitale pour le crédit des institutions financières, crédit dont nous concevons, aujourd'hui plus que jamais l'importance !

L'Académie reproduit aussi le prix qu'elle avait proposé

sur l'ensemble des mesures économiques ordonnées par Colbert, sur l'esprit qui les a dictées et sur les conséquences qu'elles ont eues jusqu'à nos jours: sujet magnifique, où l'expérience est appelée au concours, afin qu'elle juge avec impartialité les actes et le génie d'un grand administrateur.

C'est ici qu'il faut placer deux prix quinquennaux. Le premier est fondé par M. Bigot de Morogues, pour récompenser le meilleur ouvrage sur l'état du paupérisme en France, et sur les moyens d'y remédier. Les deux ouvrages de MM. Barbeau et Robert Guyard ont paru dignes d'une mention honorable; le sujet est remis au concours pour l'année 1849. . Pour le second prix quinquennal, fondé par M. Félix Beauprès, le sujet suivant avait été proposé: « Faire l'examen raisonné du système d'éducation et d'instruction de Pestalozzi, considéré principalement dans ses rapports avec le bien-être et la moralité des classes pauvres. »

Sur le prix de 5,000 francs, 3,000 sont accordés à M. Rapet, sous-inspecteur des écoles primaires du département de la Seine, et 2,000 à M. Philibert Pompée, directeur de l'école primaire de Paris.

Enfin, la cinquième section, celle d'histoire générale et philosophique, avait proposé pour 1848, et continue pour 1849, cette grande question :

<< Montrer comment les progrès de la justice criminelle, dans la poursuite et la punition des attentats contre les personnes et contre les propriétés, suivent et marquent les âges de la civilisation, depuis l'état sauvage jusqu'à l'état des peuples les mieux policés. »

Rappelons, enfin, que la section d'histoire avait proposé, dès 1847, pour l'année 1850, l'histoire des classes agricoles depuis l'état de servage jusqu'à la liberté complète, avec leurs conditions si diverses dans nos différentes provinces: conditions qu'il faudra mettre en regard et des lois générales et des coutumes spéciales.

Tel est le tableau de l'appel fait aux philosophes, aux moralistes, aux jurisconsultes, aux économistes, aux historiens, dans les années 1847 et 1848, afin de répandre la lumière sur tant de questions d'une si haute importance pour le bon heur de la société et pour le progrès des sciences.

Il a fallu qu'on examinât et qu'on jugeât toutes les pièces nombreuses de ces concours, depuis février 1848, sans retarder les travaux propres aux membres de l'Académie, travaux poursuivis en présence des événements les plus graves, sans que rien ait pu ralentir le zèle, ni faire perdre à nos confrères le calme impassible et la dignité de leur mission scientifique. Permettez-moi quelques mots sur cette partie de leurs devoirs accomplis. Elle honore leur caractère encore plus que leur mérite.

Une grande et belle tâche doit être accomplie par quelquesuns de nos confrères, c'est d'exposer le tableau des sciences morales et politiques, depuis 1789 jusqu'au rétablissement de l'Académie pendant près d'un demi-siècle.

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De ces rapports historiques, un seul a jusqu'à ce jour été présenté c'est le tableau des Progrès du droit criminel, considéré dans ses relations avec la liberté, les mœurs et la civilisation. L'auteur de ce vaste travail en terminait la dernière partie au moment même où l'appelait l'œuvre préparatoire de la constitution de 1848. Nous le désignerons assez en disant qu'il défend aujourd'hui le palladium de la justice et de la liberté, l'inamovibilité de la magistrature, comme il la défendait en 1830.

D'autres travaux considérables ont occupé les séances de l'Académie depuis la renaissance de la République.

Un des savants magistrats de la cour de cassation (1) nous a lu ses recherches approfondies sur l'esprit démocratique dans notre Code civil. L'auteur fait servir la puissance de lo

(1) M. Troplong.

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