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titulé Considérations sur les moyens d'améliorer l'état de la Corse.

SEANCE DU 25. M. d'Audiffret écrit à l'Académie pour être porté sur la liste des candidats à la place d'académicien libre, vacante par suite du décès de M. Dutens. M. Giraud continue et

achève la lecture du mémoire de M. Arrighi. MM. Troplong et

Portalis présentent quelques observations à la suite de cette lecture.

N

RAPPORT

SUR LA

SITUATION DES CLASSES OUVRIÈRES

EN 1848

PAR M. BLANQUI.

En présence des conséquences formidables du mouvement révolutionnaire qui s'est opéré au commencement de cette année, le chef du pouvoir exécutif a demandé à l'Académie des sciences morales et politiques son concours en faveur du rétablissement de l'ordre moral profondément troublé dans notre pays. L'Académie a répondu à cet appel par des publications déjà appréciées de l'Europe entière, et elle a chargé l'un de ses membres de parcourir les principales régions manufacturières de la France, pour y constater la situation exacte des classes ouvrières. Je viens vous apporter aujourd'hui les résultats de cette longue et sérieuse exploration, qui embrasse nos principaux foyers d'industrie, au nord et au midi, et je crois me conformer fidèlement à l'esprit du programme que vous avez tracé, en vous exposant sur toutes

XIV.

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choses la vérité sans réticence et sans préoccupation économique ou politique.

Jamais, en effet, la vérité n'eut plus besoin d'être connue et proclamée dans les questions sociales. Il s'est répandu depuis quelque temps sur ces hautes questions des illusions si étranges qu'il faut beaucoup de courage pour les dissiper, et pour remettre en honneur les vérités les plus élémentaires. C'est par la seule évidence des faits qu'on peut espérer de convaincre désormais la foule des hommes aveuglés par l'esprit de secte ou par l'esprit de parti et jetés hors des voies de la raison par cette fascination irrésistible qu'exercent toujours sur les masses les grands bouleversements politiques. Comment empêcher les populations de croire qu'on peut changer du jour au lendemain les lois éternelles qui régissent l'ordre social, quand il suffit d'une poignée d'hommes déterminés pour renverser une constitution en quelques heures? Ces terribles coups de main, quant ils réussissent, exaltent l'orgueil naturel de l'homme au lieu de le confondre, et il se croit tout permis à condition de tout oser.

C'est au trouble jeté dans les esprits par ces grandes commotions qu'il faut attribuer le désarroi des opinions et des doctrines sociales au temps où nous vivons. Pour comble de malheur, au lieu de se borner à un petit nombre d'hommes voués par état aux études ou aux contemplations économiques, le désordre a gagné les classes laborieuses et leur a fait croire qu'il existait des spécifiques pour toutes les maladies inhérentes aux sociétés humaines. Ces maladies ellesmêmes, nées des développements rapides et déréglés de la croissance manufacturière dans les pays les plus avancés de l'Europe, ont été présentées comme l'œuvre systématique des grands entrepreneurs d'industrie, qui n'en souffrent pas moins que leurs ouvriers. Personne, sans doute, n'a osé encore se mettre en révolte ouverte contre la Providence, mais s'il s'est trouvé des écrivains passionnés qui ont exagéré la

peinture de nos infirmités sociales et qui en ont rejeté toute la responsabilité sur les institutions politiques. C'est ainsi que nous avons vu, depuis quelques années, les gouverne ments, les plus solides en apparence, mis en coupe réglée et renversés à des époques périodiques sans qu'on ait fait disparaître un seul des maux que leur chute devait expier on réparer. Loin de là, la plupart de ces maux se sont aggravés avec une intensité nouvelle, et ils semblent menacer de ruine la société tout entière.

C'est que leurs causes générales et essentielles n'appartiennent pas exclusivement, selon l'erreur commune, à l'ordre politique. L'expérience a prouvé en tout pays qu'il ne suffisait pas de renverser des gouvernements pour détruire des abus, et que la richesse publique obéissait à des lois tout à fait indépendantes de la constitution politique des Etats. La politique n'exerce qu'une action secondaire sur la marche naturelle de la production, soumise à des lois providentielles dont les sociétés ne s'affranchissent jamais impunément.

Par quelle fatalité donc notre pays, si favorisé du ciel entre tous les autres, est-il devenu, dans ces derniers temps, le foyer de tant de théories subversives qui menacent de nous replonger dans les ténèbres de la barbarie? Comment la contrée la plus heureuse de l'Europe a-t-elle pu se méconnaître et se calomnier au point de tenter sur elle-même les expériences hasardeuses qu'elle a été un moment obligée de subir, et que des novateurs implacables poursuivent avec acharnement? Pourquoi enfin entendons-nous répéter de toutes parts que la révolution politique, dont le terrible contre-coup agite encore l'Europe, n'est que le prélude d'une révolution plus profonde, destinée à ébranler la société jusque dans ses fondements? Nos pères n'auraient-ils rien conquis pour nous depuis 1789? Nos savants n'ont-ils rien découvert, nos ingénieurs rien appliqué, nos ouvriers rien gagné en talent, en aisance, en dignité, depuis le commencement de ce siècle?

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e serait commettre une grave erreur que de confondre ans le même examen ce qui est relatif aux ouvriers des villes et à ceux des campagnes, aux ouvriers enrégimentés des grandes usines et aux artisans des corps de métiers.

La misère pèse d'un poids très-inégal sur ces membres divers de la famille industrielle. Il existe une différence énorme entre le paysan qui travaille libre au grand air, et maître de la cabane qui l'a vu naître, et l'ouvrier de manufacture attelé aux rouages de sa mécanique, locataire souvent insolvable d'un réduit chétif et malsain. Il ne faut pas confondre non plus ces habiles travailleurs du Jura et de la Picardie, culti vateurs pendant l'été, horlogers ou serruriers pendant l'hiver, avec les habitants étiolés des caves de Lille, entassés

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