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SÉANCE DU 30. M. Passy fait un rapport verbal sur l'ouvrage de M. Moreau de Jonnès, intitulé Statistique agricole de la France.-M. Blanqui rend compte de la mission dont l'Académie l'a chargé récemment, dans le but d'examiner la situation morale et économique des populations ouvrières dans les villes dé Lyon, Marseille, Rouen et Lille. M. Blanqui a exploré les trois premières villes et celles qui les environnent; il se propose très-prochainement de visiter Lille..

INTRODUCTION

A L'HISTOIRE

DE LA PHILOSOPHIE MORALE

AU XVIII SIÈCLE,

PAR M. COUSIN.

PROGRAMME.

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DEUXIÈME LECTURE (1).

Doctrine psychologique.

Retour sur la méthode. - Des trois problèmes de la philosophie et de leur ordre légitime. Nécessité de commencer toute étude philosophique par l'étude de l'homme. cessité de commencer l'étude de l'homme par celle de la pensée. Que la pensée suppose: 1o la conscience; 2o des objets de la pensée divers et successifs; 3° un sujet pensant, identique à lui-même, un, simple, spirituel. - Théorie des facultés de l'âme sensibilité, volonté, raison. Que ces trois facultés expliquent toutes les autres. - Leurs différences. ports. Unité de la vie psychologique.

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-

Leurs rap

Je vous ai présenté les résultats les plus généraux de la doctrine morale et politique dont vous m'avez demandé l'exposition régulière. Mais ces résultats n'ont de valeur scientifique que par leur rapport avec les principes dont ils dérivent et avec la méthode qui les autorise. Ce sont donc ces principes qu'il faut dégager; c'est, avant tout, cette méthode qu'il faut mettre en lumière.

(1) Voir tome III (2a série), p. 341,

XIV.

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Vous vous rappelez celle que nous avons constamment suivie. Pour connaître l'homme, nous l'avons étudié non pas tel qu'il fut ou tel qu'il peut être, mais tel qu'il est, tel qu'il se présente à nous dans sa condition présente. Aujourd'hui le théâtre va s'agrandir. Il ne s'agit plus seulement de l'homme et de la philosophie de l'homme, il s'agit de la philosophie en général. Mais si l'objet change, la méthode reste la même. Le cercle de nos études s'étend par degrés, selon les progrès du professeur et de l'auditoire. Chaque année nous faisons un pas; nous avançons ensemble; mais c'est toujours le même esprit qui nous guide.

L'étude de l'homme ou la psychologie n'épuise pas notre curiosité. L'homme n'est qu'une partie de l'Univers : c'est ce grand tout que la philosophie aspire à connaître; or, là aussi il y a trois questions à se proposer.

Relativement à l'Univers, on se peut demander ce qu'il est, c'est-à-dire quels sont ses phénomènes principaux et ses lois générales. On peut aussi se demander d'où il vient, s'il a un auteur, et quelle a pu être son origine. On peut enfin se demander où il va, quelle est sa raison et sa fin. Ce sont là précisément les trois questions que nous avions déjà instituées relativement à l'homme. Et comme dans l'étude de l'homme nous avons prouvé qu'il faut commencer par l'étude de son état actuel, de même ici nous pensons, et par les mêmes motifs, qu'il faut ajourner les questions de l'origine et de la fin de l'Univers, pour l'étudier tel qu'il est présentement. En effet, commencerez-vous par la question de la fin de l'Univers? Mais il est évident qu'elle suppose la connaissance de l'origine et surtout de l'état actuel de l'Univers; car il est impossible de connaître la destinée d'une chose qui elle-même nous est inconnue. Ou bien, débuterez-vous par rechercher l'origine de l'Univers? Même absurdité; car, comment trouver l'origine d'une chose de laquelle on ne sait pas quelle elle est? Ainsi revient toujours cette même conclusion: c'est dans l'é

tude de ce qui est actuellement qu'il faut placer le point de départ de toute recherche, sans se préoccuper de l'origine ou de la fin des choses.

Mais je désire que ma pensée soit bien comprise. Les deux questions, que je soulève et que j'écarte tout ensemble, expriment un besoin profond et vrai de l'humanité; si ce besoin est vrai, il peut, il doit être satisfait : il ne peut pas nous avoir été donné comme un supplice sans terme. Mais ajourner une question, pour la mieux traiter quand son temps sera venu, n'est pas la détruire. Je suis très-convaincu qu'en Dieu seul peut se trouver le dernier mot de l'Univers, car l'Univers est l'œuvre de Dieu, et la raison ainsi que le principe de toute œuvre est dans la pensée de celui qui l'a faite. Il serait donc beau de suivre dans ses recherches l'ordre même de la création, de mettre Dieu à la tête de toutes choses, et de déduire de ses perfections infinies l'immense série des êtres créés, en reproduisant les lois qui président à l'action divine. C'est là l'ordre peut-être dans lequel le regard de Dieu embrasse le monde. C'est avec lui-même et dans ses desseins qu'il comprend et contemple son ouvrage. Mais il n'a pas été donné à l'homme de commencer par cette sublime synthèse. Dans la science humaine, Dieu n'est pas une conception de la raison, pure de toute expérience; Dieu, pour l'homme, c'est le Dieu de la nature et de l'humanité, car nous n'arrivons à Dieu que par l'humanité et par la nature, par une idée qui tombe sous notre conscience, ou par des phénomènes qui tombent sous nos sens. Pour achever la connaissance de l'Univers, il faudra finir par le considérer en Dieu; il ne faut pas commencer par là. Nous le verrons plus tard la philosophie religieuse comprend la philosophie morale en ce sens qu'elle en est la dernière explication, le couronnement suprême; mais par cela même elle n'en est pas le fondement. Commençons donc par étudier l'Univers tel qu'il est, sans chercher son auteur, son origine, ni sa fin. Étudions-le en lui-même dans ses phénomènes actuels,

:

dans les êtres qui le composent et dans les lois qui les régissent.

Telle est la sage et puissante méthode que les deux pères de la philosophie naturelle, Descartes et Newton, en cela disciples de Bacon, ont appliquée à l'étude du monde. Ces deux grands esprits, si profondément pénétrés de l'idée de Dieu, ont mieux aimé la tirer de l'étude du monde que de l'y transporter; ils ont eu la force de résister à l'attrait des causes finales pour se renfermer d'abord dans la recherche des faits et de leurs lois;. à ce point qu'ils ont été accusés d'avoir voulu se passer de Dieu (1), accusation insensée que leur métaphysique confond, mais qui est en quelque sorte le triomphe de leur méthode dans la philosophie naturelle. C'est à cette méthode que la physique moderne doit sa marche assurée et ses progrès toujours croissants. Abandonner aujourd'hui cette méthode, sous quelque prétexte que ce soit, ce serait rétrograder de trois siècles, et en revenir, comme l'a fait trop souvent de nos jours, en Allemagne, la philosophie de la nature (2), à la physique spéculative qui avait cours en Europe avant Bacon, Galilée, Descartes et Newton.

Nous voici donc en présence de l'Univers, et nous devons l'étudier par la seule méthode qui puisse nous le faire connaître, par l'observation. Mais cet Univers est vaste; et s'y borner, n'est pas déjà une petite prétention. Sur quel objet se portera d'abord l'observation? Ce n'est pas le hasard et un motif arbitraire, c'est une raison impérieuse et décisive qui doit déterminer notre choix. Par où donc faut-il commencer? Sera-ce par l'étude de la nature ou par celle de l'homme? car l'homme et la nature composent tout l'Univers.

(1) Voyez pour Descartes notre écrit Des Pensées de Pascal, p. 393, Fragments de philosophie cartésienne, p. 369, 11e série de nos cours, tome IV, leçon xix, p. 337.

(2) Sur la philosophie de la nature, voyez le Manuel de l'histoire de la philosophie, de Tenneman; traduction française, 2e édition, à la fin du second volume.

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