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demeure longtemps enveloppée de préjugés, de prétentions et d'abus, qui en faussent les applications dans la procédure criminelle et dans la pénalité, jusqu'à ce qu'enfin les enseignements de la saine philosophie pénètrent dans les esprits du vulgaire, éclairent l'opinion publique et obligent la législation à se conformer aux règles de sa nature et à ne se pas détourner de sa fin. C'est la maturité de la civilisation.

On se gardera, particulièrement en ce qui concerne la vie primitive des nations, de s'arrêter à des spéculations abstraites et hypothétiques; on devra exposer un ensemble de faits puisés dans les récits de l'antiquité et dans les relations authentiques des voyageurs qui ont visité les peuples du nouveau monde.

Il est superflu de recommander l'étude de la législation des barbares et de celle du moyen âge, avant d'arriver au dernier terme de comparaison, savoir, l'époque où la raison publique fait prévaloir les vrais principes d'ordre social dans les lois et l'administration de la justice criminelle.

Les concurrents ne doivent pas s'y méprendre : l'Académie leur demande, non point une histoire des lois criminelles chez les différents peuples des temps anciens et des temps modernes, mais une définition nettement caractérisée et mise en lumière par d'éminents exemples, des phases successives de cette législation dans l'histoire de l'esprit humain.

Ce sera un ouvrage théorique par la généralité des considérations; historique par les procédés de la démonstration.

Il faut qu'un dessein de philosophie didactique préside à la composition, en trace le plan, et que tous les éléments en soient empruntés à l'histoire.

Le prix est de la somme de quinze cents francs.

Les mémoires, écrits en français ou en latin, devront être adressés, francs de port, au secrétariat de l'Institut, le 1er décembre 1849, terme de rigueur.

L'Académie rappelle qu'elle a proposé, pour l'année 1850, le sujet de prix suivant : « Rechercher quelle a été, en France, la condition des classes agricoles depuis le XIIIe siècle jusqu'à la révolution de 1789;

« Indiquer par quels états successifs elles ont passé, soit qu'elles fussent en plein servage, soit qu'elles eussent un certain degré de liberté, jusqu'à leur entier affranchissement;

« Montrer à quelles obligations successives elles ont été soumises, en marquant les différences qui se sont produites, à cet égard, dans les diverses parties de la France, et en se servant des écrits des jurisconsultes, des textes des coutumes anciennes et réformées, générales et locales, imprimées et manuscrites, de la législation royale et des écrits des historiens, ainsi que des titres et des baux anciens qui pourraient jeter quelque jour sur la question.

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Ce prix est de la somme de quinze cents francs.

Les mémoires, écrits en français ou en latin, devront être déposés au secrétariat de l'Institut, francs de port, le 1er décembre 1849, terme de rigueur.

PRIX QUINQUENNAL FONDÉ PAR FEU M. DE MOROGUES,

A décerner en 1850.

Feu M. le baron de Morogues a légué, par son testament en date du 25 octobre 1834, une somme de 10,000 fr., placée en rentes sur l'État, pour faire l'objet d'un prix à décerner, tous les cinq ans, alternativement par l'Académie des sciences morales et politiques, au meilleur ouvrage sur l'état du paupérisme en France, et le moyen d'y remédier, et par l'Académie des sciences physiques et mathématiques, à l'ou

vrage qui aura fait faire le plus de progrès à l'agriculture en France.

Une ordonnance royale, en date du 26 mars 1842, a autorisé l'Académie des sciences morales et politiques à accepter ce legs.

L'Académie annonce qu'elle décernera ce prix, en 1850, à l'ouvrage remplissant les conditions prescrites par le dona

teur.

Les ouvrages seront imprimés et écrits en français; ils devront être remis, francs de port, au secrétariat de l'Institut, le 1er novembre 1849, terme de rigueur.

CONDITIONS COMMUNES A CES CONCOURS.

L'Académie n'admet que les mémoires écrits en français ou en latin, et adressés, francs de port, au secrétariat de l'Institut.

Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans et sur le billet cacheté joint à l'ouvrage, et contenant le nom de l'auteur, qui ne devra pas se faire connaître, à peine d'être exclu du concours.

Les concurrents sont prévenus que l'Académie ne rendra aucun des ouvrages qui auront été envoyés au concours; mais les auteurs auront la liberté d'en faire prendre des copies au secrétariat de l'Institut.

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LA SCIENCE POLITIQUE

ET PARTICULIÈREMENT SUR LA POLITIQUE DE PLATON,
D'ARISTOTE ET DE MONTESQUIEU,

PAR

M. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE (1).

A deux mille ans de distance, les mêmes éloges à peu près et les mêmes critiques s'adressent à Montesquieu. La pensée qui se déroule dans l'Esprit des Lois est moins profonde que celle d'Aristote et surtout que celle de Platon. Montesquieu ne veut pas, comne eux, étudier la société et l'État dans leurs éléments essentiels et dans toutes leurs formes. Il recherche seulement ce qu'ont été les lois chez les divers peuples, sur les matières principales, et comment le principe des gouvernements a modifié ces lois, sujet immense encore qui pouvait embrasser indirectement toutes les questions de la politique, et qui s'étendait avec les événements eux-mêmes et les progrès de l'histoire universelle. Mais l'esprit qui anime Montesquieu est presque tout historique, et il a été d'autant moins complet qu'il a moins donné à la raison dans une science où la raison doit fournir toutes les théories ou juger tous les faits.

(I) Voir tome III, page 120, et tome IV, page 21 (2a série).

XIV.

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Ce n'est pas que Montesquieu ignore la vraie méthode cu qu'il la dédaigne. Il croit, très-sincèrement, être remonté « aux principes qu'il veut tirer, non de ses préjugés, mais de la nature des choses. Il sait que l'homme, cet être flexible, se pliant dans la société aux pensées et aux impressions des autres, est également capable de connaître sa propre nature lorsqu'on la lui montre, et d'en perdre jusqu'au sentiment quand on la lui dérobe.» Il voit donc très-clairement que c'est à la nature humaine bien connue qu'il faut demander le secret des lois qui doivent régir les sociétés, et même des lois qui les ont régies dans les conditions les plus différentes : c'est là la méthode platonicienne, et même, jusqu'à certain point, celle d'Aristote. Mais Montesquieu qui aperçoit la lumière ne la suit presque jamais, et, malgré toute sa sagacité, il n'a pu éviter, je ne dis pas des chutes, mais des fautes nombreuses de détail qui ont enlevé à son ouvrage une partie de sa grandeur et de son utilité. On a pu admirer à bon droit la définition gravée au frontispice du monument : « Les lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses.» Mais pourtant, comme il s'agit ici, non des lois de l'univers ni de celles de Dieu, mais des lois positives, c'est uniquement celles-là qu'il convenait de définir. Les autres ne tiendront pas la moindre place dans un ouvrage où les seules lois dont il est question sont ces conventions variables que fonde ou renverse la libre volonté des hommes. Ainsi Montesquieu débute par un défaut de méthode, et tout son premier livre, qui traite des lois en général, est « d'une métaphysique faible et obscure » comme le lui reprochent Voltaire, qui ne veut pas le suivre dans ce labyrinthe, et Helvétius, dont les critiques sont souvent beaucoup plus justes qu'on ne pouvait s'y attendre. Montesquieu est sans doute un esprit philosophique; mais certainement il n'avait point assez cultivé la philosophie elle-même. Entraîné par les études que lui inspirait son propre génie, et que lui

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