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phoniques; c'est aux conseils de préfecture que la question doit être soumise (Conseil d'État, 22 février 1895, Dubourg; voir aussi, en matière de travaux publics, Conseil d'État, 22 janvier 1897, Compagnie des omnibus). La règle s'appliquerait même quand le tribunal devant connaître du contentieux de pleine juridiction dans l'hypothèse serait le Conseil d'État (Conseil d'État, 20 mars 1891, Pierret).

Mais pour que la fin de non-recevoir soit opposable, il faut d'abord que la partie ait à exercer un autre recours contentieux, le recours hiérarchique au supérieur de l'auteur de l'acte incriminé n'entrave nullement l'exercice du recours pour excès de pouvoir. Il faut de plus que ce recours parallèle soit direct et constitue une action de façon que la partie puisse attaquer l'administration. Il ne suffirait pas que ladite partie pût, au moyen d'une exception, se soustraire aux poursuites à fins pénales fondées sur l'acte administratif. Soit donc un règlement de police illégal fait par un préfet ou par un maire : les particuliers ont sans doute le droit d'y contrevenir et d'exciper ensuite de son illégalité devant le juge de simple police s'il y a poursuite; mais, après hésitations, le Conseil d'État a fini, depuis 1870, par admettre le recours direct pour excès de pouvoir contre le règlement; s'il juge cet acte illégal, il l'annule erga omnes (Conseil d'État, 29 novembre 1872, Baillergeau; 16 juin 1893, Codevelle).

109.4° Formes et délais. - Est irrecevable le recours pour excès de forme non introduit suivant les formes et dans les délais légaux.

(No 268.)

L'instance, nous le savons, peut être

DROIT ADMINISTRATIF. - SUPPLÉMENT.

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portée devant le Conseil d'État, soit après épuisement du recours hiérarchique, soit de plano et omisso medio, l'auteur de l'acte attaqué occupât-il l'un des plus bas degrés de la hiérarchie administrative (Conseil d'État, 13 avril 1882, Bansais). Jusqu'en 1864, il fallait observer les formes employées d'ordinaire devant cette haute juridiction, notamment user du ministère d'un avocat au Conseil. Mais le décret du 2 novembre 1864, rendu à une époque où l'administration supérieure favorisait les recours pour excès de pouvoir, les dispense de tous autres frais que les droits de timbre et d'enregistrement. Il y a même exemption complète et s'étendant à ces derniers droits quand le recours est dirigé contre une décision de la commission départementale sur les matières énumérées aux art. 86 et 87 de la loi du 10 août 1871 ou contre un décret ou arrêté portant déclaration d'utilité publique à fin d'expropriation (L. 10 août 1871, art. 88 et 3 mai 1841, art. 58). Ces deux dispositions sont d'ailleurs exceptionnelles et doivent à ce titre être entendues restrictivement (Conseil d'État, 17 mars 1895, Commune de Mollifao).

(No 267.) - Faute d'un texte spécial fixant un délai pour l'exercice de l'action, la jurisprudence a fait ici, contrairement à l'opinion première de M. Dufour, application de l'art. 11 du décret du 22 juillet 1806. Le recours doit être formé en principe dans les trois mois de la notification ou de la publication légale

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1. La jurisprudence admet, du moins quand il s'agit d'une administration publique, des équivalents à la notification

de l'acte attaqué suivant que la décision attaquée est individuelle ou règlementaire (Conseil d'Etat, 20 mars 1862, Ville de Chalons; 17 juillet 1896 Héroult 1); la déchéance résultant de l'inobservation du délai est d'ordre public, elle peut donc être prononcée d'office. Le délai a été exceptionnellement réduit à deux mois, par l'art. 88 de la loi du 10 août 1871, pour les décisions des commissions départementales portant sur les matières visées aux art. 86 et 87. Dans tous les cas, il se calcule de quantième à quantième, les dies a quo et ad quem n'étant pas comptés.

La décision incriminée peut devenir définitive et inattaquable avant l'expiration du délai de trois mois. Cela se produit quand elle a été suivie d'actes de gestion faisant corps avec elle et attribuant à des tiers des droits irrévocables auxquels son infirmation porterait atteinte. Tel l'acte déclaratif de l'utilité publique quand le jugement d'expropriation a été prononcé (Conseil d'État, 16 décembre 1892, Grados). Tel encore l'acte de tutelle autorisant une commune ou un établissement public à conclure une vente ou un marché quand ce contrat a été passé (Conseil d'État, 2 décembre 1892, Jullien).

Une difficulté spéciale se soulève quant au délai du recours pour excès de pouvoir s'il a été précédé

régulière : il suffit que l'administration soit mise en possession de la décision (Conseil d'État, 20 juillet 1894, Commune de Proviseux).

1. Ce délai s'augmente du délai des distances prévu par le décret du 22 juillet 1806, art. 6. Le projet de loi de 1894 sur le Conseil d'État le réduit toujours à deux mois, ce qui serait vraiment bien bref pour une action toute nouvelle à intenter.

d'un recours hiérarchique au ministre, chose possible, nous l'avons dit. Il n'y a pas de délai pour agir devant le supérieur hiérarchique : par exemple une décision préfectorale est très valablement soumise au ministre plus de trois mois, plus d'une année même, après sa notification. Dans le cas où le ministre ainsi saisi confirme la décision du préfet, peut-on attaquer l'arrêté ministériel dans les trois mois devant le Conseil d'État et en obtenir l'annulation de façon à faire tomber l'arrêté préfectoral déjà ancien? La jurisprudence avait d'abord répondu affirmativement (Conseil d'État, 9 février 1865, d'Andigné de Resteau; 2 février 1877, Commune de Sotteville), et cette opinion est encore soutenue aujourd'hui par MM. Aucoc et Ducrocq'. Mais deux arrêts de principe (Conseil d'État, 13 avril 1882, Bansais; 14 janvier 1887, Union des gaz), suivis de beaucoup d'autres (Conseil d'État, 14 mars 1890, Ville de Constantine, etc.), ont fait prévaloir la doctrine contraire. Le recours pour excès de pouvoir, fût-il formé dans les trois mois de la décision ministérielle, n'est recevable, quand cette décision est purement et simplement confirmative, que si le ministre a été lui-même saisi dans le délai de trois mois. A l'inverse, quand le supérieur hiérarchique, le préfet par exemple, a été saisi dans les trois mois d'un recours gracieux contre un arrêté municipal, le même arrêté peut être déféré au Con

1. Aucoc, Gazette des Tribunaux, 24 décembre 1886, et Revue critique de législation, nouvelle série, 1887, t. XVI, p. 63. Ducrocq, op. cit., t. II, no 433.

seil d'État pendant trois mois après l'expiration de ce premier délai trimestriel, bien que le préfet n'ait pas encore statué (Conseil d'État, 25 juillet 1890, Auscher); et il en est de même, alors que, faute d'obtenir réponse du préfet, le particulier a soumis la question au ministre qui n'a pas davantage répondu (Conseil d'État, 7 février 1896, Duchein). 110. (No 266.) B. Cas d'excès de pouvoir.

Le seul cas d'excès de pouvoir prévu par la loi des 7-14 octobre 1790 était l'incompétence. Le Conseil d'État a successivement élargi cette cause unique d'annulation et il admet aujourd'hui quatre cas d'ouverture au recours : l'incompétence, le vice de formes, le détournement de pouvoir, la violation de la loi et des droits acquis.

Il y a incompétence

111. -1° Incompétence. toutes les fois qu'un acte est fait par une personne n'ayant aucune aptitude légale à l'accomplir. Ce peut être une usurpation de pouvoir consistant à prendre une décision alors qu'on n'est investi d'aucune autorité, ou constituant une intrusion sur le domaine législatif ou judiciaire de la part d'un agent administratif. Ce peut être une confusion d'attributions, une autorité administrative empiétant sur les attributions d'une autre, qu'elle lui soit d'ailleurs supérieure ou inférieure, ou qu'elle soit son égale.

Au cas d'usurpation de pouvoir, l'acte est inexistant; aussi le Conseil d'État n'en prononce-t-il pas l'annulation et se contente-t-il de le déclarer dénué de toute force exécutoire (Conseil d'État, 24 juin 1881, Ev. de Coutances). Quand il y a simplement confusion d'attributions, l'annulation est prononcée par

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