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opposé à une requête par l'administration (Conseil d'État, 27 mai 1881, Ville de Beauvais ; 26 décembre 1896, Battesti). 4o Enfin il ne saurait appartenir aux corps électifs, aux conseils généraux par exemple, sauf l'exception légale résultant de l'article 67 de la loi du 5 avril 1884, d'agir en annulation, pour excès de pouvoir, des décrets ou arrêtés préfectoraux supprimant une de leurs délibérations à moins qu'ils n'invoquent un vice de forme. Sans cela, en effet, le contrôle de telles délibérations serait réservé en fait, non plus à l'administration active, mais au Conseil d'État statuant au contentieux (Conseil d'État, 2 avril 1897, Conseil général des Côtes-duNord).

Mais, en revanche, un acte d'administration rentre-t-il dans la définition que nous avons donnée, il peut être de plano et omisso medio déféré au Conseil d'État pour excès de pouvoir. Peu importe l'autorité de qui il émane: Chef d'État, ministre, préfet, maire, conseil général, commission départementale, etc. C'est ainsi que les règlements simples du maire, du préfet et même du Chef de l'État, sont susceptibles du recours pour excès de pouvoir. Il faut observer seulement pour les actes discrétionnaires, de pure ou de haute administration, que, s'ils comportent le recours en règle générale, les motifs à invoquer seront forcément très restreints et se réduiront souvent au seul cas d'incompétence (Conseil d'État, 25 novembre 1892, Schwalbach).

107. 2o Qualité de la partie. Il faut à ce point de vue que la partie ait d'abord la capacité générale d'ester en justice d'après les règles du droit

commun, qu'il s'agisse d'ailleurs d'une personnalité privée ou d'une personne morale du droit privé ou public. Le recours pour excès de pouvoir a été déclaré recevable parfois de la part d'assemblées électives quand il s'agissait de défendre leurs prérogatives, de la part d'un Conseil municipal notamment (Conseil d'État, 8 août 1872, Laget).

Il faut encore et surtout que le réclamant justifie d'un intérêt direct et personnel à l'annulation de l'acte. Serait considéré comme insuffisant pour fonder le recours l'intérêt commun à tous les membres d'une collectivité, alors que celle-ci a des organes spéciaux pour la représenter. Ainsi la qualité de contribuable d'un département ou d'une commune ne suffit pas pour permettre d'attaquer une délibération du conseil général ou du conseil municipal dans l'intérêt des finances locales (Conseil d'État, 5 mars 1889, Védier; 10 février 1893, Bied Charreton; 10 mars 1893, Poisson). En un cas toutefois l'article 67 de la loi du 5 avril 1884 a fait brèche à la règle en autorisant toute partie intéressée, à recourir contre l'arrêté du préfet qui annule ou refuse d'annuler une délibération du conseil municipal déclarée annulable par l'article 64; le Conseil d'État range les simples contribuables parmi les intéressés ayant qualité pour agir,

1. Par exemple, le recours sera formé au nom d'une commune par le maire avec l'approbation du conseil municipal et, à défaut, par un contribuable dans les conditions de l'art. 123 de la loi du 5 avril 1884, c'est-à-dire après autorisation par le Conseil de préfecture (Conseil d'État, 4 mars 1887, Mainguet; 30 mai 1890, Simon).

(Conseil d'État, 22 janvier 1886, Castex), mais se refuse absolument à étendre l'exception. Il faut qu'il y ait eu atteinte aux intérêts personnels du réclamant un membre d'un conseil général n'est donc pas recevable à poursuivre l'annulation d'une délibération de ce conseil uniquement parce que ladite délibération aurait été prise en dehors des attributions de l'assemblée (Conseil d'État, 4 janvier 1895, Corps et autres; 26 mars 1897, Rochette).

Du reste, l'intérêt peut être personnel de façon à permettre le recours, fût-il commun à plusieurs, s'il ne se confond pas absolument avec l'intérêt collectif de la commune ou du département. Ainsi, des aubergistes voisins d'un champ de foire peuvent, à raison d'une perte éventuelle de clientèle, attaquer un arrêté déplaçant le dit champ (Conseil d'État, 29 juin 1894, Debrat). Un pourvoi a même été déclaré recevable de la part d'habitants d'une section de commune contre la décision changeant le chef-lieu de la commune (Conseil d'État, 13 juillet 1892, Samuel). Enfin, il n'est pas nécessaire qu'un intérêt pécuniaire soit invoqué, un simple intérêt moral suffit pourvu qu'il touche directement l'auteur du recours; c'est pourquoi un acte déjà exécuté par l'administration sera néanmoins susceptible d'être annulé à la requête des particuliers (Conseil d'État, 12 avril 1889, Évêque de Marseille).

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108. 3o Existence d'un recours parallèle. Le recours pour excès de pouvoir ne peut être intenté qu'à défaut d'une autre voie parallèle et directe d'ordre contentieux permettant à la partie de faire réformer ou annuler l'acte qui lui préjudi

cie. Il est donc subsidiaire et rappelle par là l'institution romaine de la restitutio in integrum.

On a contesté l'existence d'une fin de non-recevoir tirée de la présence d'un recours parallèle, en faisant remarquer qu'elle n'était pas consacrée par la loi et que d'ailleurs le recours pour excès de pouvoir ne faisait pas double emploi avec le recours contentieux ouvert devant une autre juridiction: en effet, nous le verrons bientôt, l'annulation d'un acte illégal prononcé par le Conseil d'État sur le recours pour excès de pouvoir profite à tous et a lieu erga omnes, tandis que la décision d'un tribunal judiciaire ou administratif n'opère qu'inter partes et pour l'instance en cours (C. civ., art. 1351). Le Conseil d'État s'est toujours refusé à entrer dans cette voie. Il se fût trouvé, en effet, investi par là même d'une juridiction presque universelle, susceptible de rappeler les évocations jadis reprochées au Conseil du Roi. Ses décisions eussent pu, en outre, être fréquemment en opposition avec celles du juge du fond sur la validité de l'acte attaqué et il faut restreindre autant que possible ces cas de conflit. Enfin, jamais l'auteur d'un recours, agissant dans son intérêt personnel, n'a

1. Dissertations de MM. Rozy et P. Collet, Revue critique de législation, années 1870, p. 97, et 1876, p. 225. Telle était l'opinion simplement formulée d'ailleurs par M. Dufour, t. I, nos 463 et 731. M. Ducrocq, t. II, n° 432 (7° édition), n'admet pas en la matière l'existence d'une fin de non-recevoir générale tirée de la possibilité d'un recours parallèle; il justifie la pratique du Conseil d'État rejetant en pareil cas le recours pour excès de pouvoir par la nécessité de maintenir aux particuliers, toutes les fois que la chose est possible, la garantie des deux degrés de juridiction.

droit à l'annulation d'un acte erga omnes, il lui suffit d'échapper lui-même à son application; il n'est donc pas lésé par la déclaration de non-recevabilité du recours pour excès de pouvoir du moment qu'il peut s'exonérer des conséquences de l'acte d'administration devant une autre juridiction.

En conséquence, la voie du recours pour excès de pouvoir est interdite toutes les fois que la partie peut attaquer l'acte devant une autre juridiction judiciaire ou administrative et cela se produit quand il s'agit d'un acte de gestion ou même d'un acte de puissance publique partie d'une opération administrative dont le contentieux est réservé à un tribunal administratif spécifié. Soit une décision réglant l'assiette des contributions directes ou la perception des taxes indirectes, la règle s'applique, car le contentieux est réservé tout entier aux conseils de préfecture dans le premier cas (Conseil d'État, 17 mai 1890, Lafosse), et aux tribunaux judiciaires dans le second Conseil d'État, 4 janv. 1878, Sougues). De même, la fin de non-recevoir est valablement opposée, en principe et sauf intérêt personnel distinct du résultat de l'élection, à qui attaque les arrêtés préfectoraux relatifs aux convocations d'électeurs ou les décisions du conseil général sur le sectionnement des communes, parce que le contentieux des élections municipales relève exclusivement du conseil de préfecture (Conseil d'État, 16 janvier 1885, Galbrun; 10 juin 1893, El. de Puech). Il en est encore ainsi vis-à-vis des arrêtés préfectoraux autorisant, en vertu de la loi du 28 juillet 1885, la pose sur des propriétés privées des lignes télégraphiques ou télé

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