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du due d'Orléans; tout-à-coup un même es- 1789. prit semble s'emparer de tous les citoyens; la résistance à la cour, et la compression des brigands devient leur double but, le mot de liberté est leur cri unanime. Les électeurs, dont les fonctions avoient cessé, se rassemblent à l'hôtel-de-ville, remplacent les autorités civiles, et veillent à la sûreté publique : par-tout on prend les armes, on chasse, on incarcère ces brigands qui infestoient toutes les rues; une partie du peuple armée se porte en foule aux Invalides et y prend des armes, sans que les troupes lui opposent aucun obstacle. Deux régimens seuls voulurent charger et furent repoussés à coups de pierres; d'un autre côté, une masse immense, sans artillerie, sans chef, sans précaution, se précipite sur la Bastille, en enfonce les portes, s'en empare et en égorge le gouverneur. Après cette victoire rapide, l'enthousiasme succède au tumulte, la ville se partage en sections; le peuple, dont la fougue n'étoit pas calmée, se livre encore à des excès coupables; beaucoup de particuliers sont insultés et arrêtés, plusieurs sont sauvés par les électeurs et par la Fayette; mais quelques victimes périssent assassinées et ensanglantent ces journées.

1789. Enfin, la garde nationale est créée, le commandement en est confié, par l'élection du peuple, au général la Fayette, célèbre dès sa jeunesse, par ses combats pour la liberté américaine, et qui s'étoit un des premiers prononcé pour la révolution. Dès ce moment les esprits s'appaisent, la tranquillité succède à l'épouvante, et l'ordre à la confusion. Pendant ces événemens, la cour restoit incertaine et inactive; le maréchal de Broglie, si vigilant autrefois lorsqu'il s'illustroit à la tête de nos armées, ne paroissoit pas devant celle qu'il avoit rassemblée; les ministres endormis par l'habitude de la puissance, considéroient cette grande insurrection comme une émeute passagère, et ne vouloient pas ajouter foi aux nouvelles qu'on leur apportoit.

Lorsqu'enfin ils apprirent positivement la révolution qui s'étoit faite à Paris, leur consternation fut aussi profonde que leur confiance avoit été aveugle. Pris au dépourvu, sans plan, sans argent, sans crédit, ils n'entrevirent aucune ressource, ils n'osèrent même pas instruire le roi de la prise de la Bastille. Le 14 juillet à onze heures du soir, ce prince fignoroit encore. La Rochefoucault - Liancourt, ne pouvant les décider à lui rendre

compte de cette révolution, entra, la nuit, 1789. dans l'appartement de Louis XVI, le réveilla, et l'informa de tout ce qui venoit de se passer dans la capitale consulté par lui sur ce qu'il y avoit à faire, la Rochefoucault lui conseilla de calmer l'agitation des esprits, de paroître à l'assemblée nationale, de rappeler Necker, et d'éloigner ses troupes. Le lendemain, le roi ébranlé par ses exhortations, et apprenant par tous les membres de son conseil, ainsi que par quelques colonels qui étoient à Versailles, qu'on ne pouvoit plus compter sur l'obéissance du soldat, résolut de céder au vou populaire; il vint à l'assemblée et l'informa du renvoi de ses ministres, de l'éloignement des troupes, et du rappel de Necker. La reine et Louis-Stanislas Xavier avoient été de cet avis. Le comte d'Artois, qui s'y étoit opposé, et le prince de Condé, craignant le ressentiment d'une multitude aigrie par le duc d'Orléans, leur ennemi, quittèrent la France pour fuir des dangers, réels en partie, mais qu'on grossissoit à leurs yeux pour les éloigner.

Le roi se vit alors sans cour, sans conseil, et tellement isolé, que le baron de Besenwald, officier-général suisse, fut obligé,

1789. dans les premiers momens, de lui servir de secrétaire pour écrire quelques lettres pres→ santes, et que Liancourt, au défaut de ministre, contre-signa des lettres de grâce pour sauver la vie à un homme condamné à mort.

Enfin le monarque vint à Paris, à l'hôtelde-ville, recevoir du maire la cocarde nationale des révolutionnaires, et cette marche se fit au milieu d'une innombrable haie d'hommes armés, dont le silence à son arrivée, et les acclamations à son retour, ne prouvoient que trop évidemment les dispositions, la méfiance et les sentimens.

Les sacrifices que la force fait à l'opinion, excitent l'enthousiasme et la reconnoissance; ceux que la crainte arrache à la foiblesse, augmentent les méfiances et enlèvent la considération; aussi, la tranquillité qui suivit cette démarche du roi, ne fut qu'apparente. L'union du monarque et de l'assemblée n'eut point de solidité; les vainqueurs ne crurent point leur triomphe complet, et les vaincus ne songèrent qu'à recouvrer le pouvoir qu'ils avoient perdu.

Cependant l'explosion qui s'étoit faite à Paris, se répéta rapidement sur toute la surface du royaume; comme la guerre du

tiers-état contre la cour et les deux ordres 1789. supérieurs, occupoit tous les esprits et enflammoit toutes les passions, la commotion fut par-tout la même ; par-tout on séduisit les troupes, on brûla les barrières, on craignit les brigands, on vida les prisons, on menaça les châteaux, on insulta les privilégiés; par-tout enfin, pour suivre l'exemple de la capitale, on organisa la garde nationale; mais cette mesure qui, sous le commandement de la Fayette, fit jouir pendant deux années Paris d'une tranquillité étonnante au sein d'une si grande fermentation, n'empêcha pas que dans plusieurs provinces la licence et les passions ne commissent trop de désordres, et n'immolassent trop de victimes au nom de la justice et de la liberté. Ce tableau rapide et vrai suffit pour donner une idée de la révolution du mois de juillet 1789, dont les détails appartiennent à d'autres hommes et à d'autres temps.

. Dès

que ces grands événemens furent connus en Europe, ils agitèrent les esprits et partagèrent les opinions; les plébéïens, les hommes lettrés, et parmi la jeune noblesse, tous les partisans des idées philosophiques, se livrèrent à l'enthousiasme, et concurent l'es

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