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CHAPITRE VI I.

Assemblée des Etats- Généraux. Doublement du
Tiers. Dispute des Ordres. Faute de la Cour. Ren-
voi de M. Necker. Rassemblement des Troupes.
Résistance des Etats, qui prennent le titre d'As-
'semblée Nationale. Serment du Jeu de Paume. Evé-
nemens des 12, 13 et 14 juillet. Prise de la Bastille.
Le Roi rappelle M. Necker, renvoie ses Troupes,
et se rend à Paris. Méfiance réciproque. Enthou-
siasme général pour la Liberté. Sacrifice fait par
la Noblesse, le 4 août. Bases de la Constitution.
Fautes du Gouvernement. Banquet des Gardes-du-
Corps. Evénemens des 5 et 6 octobre. Départ du duc
d'Orléans. Précis de la naissance et des progrès des
Jacobins. De la faction orléaniste. Division dans
l'Assemblée. Abolition des Ordres Nobiliaires et
Monastiques, des Parlemens, des Communautés.
Portrait de Mirabeau. Sa mort. Le Roi part pour
Montmédy. Il est arrêté à Varennes. On suspend
l'exercice de ses fonctions. Journée du Champ-de-
Mars. Premier effort du parti Républicain. Louis
XVIest remis en liberté. Il accepte la Constitution.
L'Assemblée Constituante termine ses travaux et
se sépare.

Au milieu de tous ces orages prêts à éclater, 1789. Louis XVI convoqua les états-généraux à

:

Versailles la première assemblée des nota- 1789. bles avoit soutenu les droits de la nation contre la cour; la seconde avoit défendu les priviléges des grands contre le peuple, et par cette conduite, elle avoit enflammé la haine des plébéïens, qui depuis se changea en fureur. Cependant la majorité du tiers, et la minorité des nobles, ayant décidé dans cette assemblée que le tiers-état auroit une double représentation, le frère du roi, LouisStanislas-Xavier, s'étoit rangé lui-même à cet avis, soutenu par Necker, ministre des finances.Cette détermination, que beaucoup de gens regardent comme l'unique cause de la révolution, étoit certainement très-importante; mais les effets en auroient été tous différens, si la majorité de la noblesse s'y étoit opposée avec moins d'aigreur, et si le roi, après avoir accordé ce point capital au peuple, avoit en retour exigé que tous les députés du tiers fussent propriétaires..

Mais l'aveuglement étoit général, et les passions ne permettoient pas à la raison de se faire entendre. On pouvoit encore prévenir tous les inconvéniens, en rassemblant promptement les états pour ne point laisser aux partis le temps de se former; on y apporta,

1789. conseils modérés excitoient la confiance de

la nation, et Necker, qui, dans ce moment, en étoit devenu l'idole.

Si ce parti dangereux eût été le fruit d'une détermination froide et ferme, on auroit peutêtre réussi, au prix de beaucoup de sang, à réprimer le mécontentement général qu'il causoit, et la révolte qu'il excitoit. Mais cette démarche, dictée par la peur, fut accompagnée de toutes les fautes qu'elle fait commettre. Le roi, qui devoit sentir le danger de la convocation des états si près de Paris, ne s'en éloigna pas; il n'alla point animer, par sa présence, l'armée qu'il appeloit à son secours. Ses ministres nouveaux, qui avoient irrité la capitale et l'assemblée, sans ménagement, s'exposèrent à leur courroux sans précaution; et le gouvernement fut aussi négligent pour sa défense, qu'il avoit été précipité ét imprévoyant dans son attaque.

La Fayette alors lut la déclaration des droits; déclaration à laquelle les ennemis de la révolution ont attribué tous leurs malheurs, et qu'ils ont été cependant forcés d'invoquer contre tous les démagogues; déclaration morale par ses principes, vague par sa rédaction, impolitique, mal interprétée par les factions,

et qu'on auroit dû accompagner d'une décla- 1789. ration des devoirs, si l'on avoit alors écouté d'autres conseils que celui de la crainte, qui portoit l'assemblée à appeler le peuple à sa défense contre les forces qui sembloient la menacer. Des deux côtés alors, une peur mutuelle entraîna dans de fausses mesures, dont rien ne put après empêcher les conséquences funestes. Mirabeau, dans un discours étincelant de beautés, et propre à exciter l'enthousiasme, demanda au monarque d'éloigner ses troupes et de ne point violer la liberté des états.

Ces démarches menaçantes et foibles du gouvernement, et ces résolutions énergiques de l'assemblée nationale, amenèrent enfin l'éruption de ce volcan qui renfermoit dans son sein tant d'élémens inflammables. Les murmures de l'immense population de la capitale se changèrent bientôt en déclamations. violentes, et son ressentiment en fureur: les gardes - françaises communiquant à chaque instant avec le peuple, et échauffés par les mécontens, avoient pris leur esprit et n'obéissoient plus à leurs chefs; les autorités militaires et civiles, sans force, voyoient la multitude applaudir avec enthousiasme aux discours que lui adressoient des hommes pas

1789. sionnés, dans tous les lieux publics; le parti, qui craignoit la vengeance de la cour, s'exagéroit ses dangers, et communiquoit ses craintes à toute la bourgeoisie; les bruits les moins vraisemblables, et par cela même les plus faits pour être adoptés par la populace,

se répandoient avec adresse et multiplioient les alarmes ; les habitans des faubourgs s'attendoient à chaque instant à voir leurs maisons renversées par l'artillerie et pillées par les hussards.

Chacun concouroit à rendre le trouble plus universel, le danger plus grand, et personne ne remplaçoit, par son crédit et ses ordres, les autorités annullées par les circonstances; une foule d'hommes sans aveu, dont l'œil sombre et l'aspect farouche annonçoient les intentions criminelles, attirés dans la capitale par la fermentation générale, par l'espoir de profiter des orages, et peut-être payés par des mains étrangères et perfides, augmentoient l'effroi du moment, et sembloient menacer les habitans de Paris de toutes les horreurs qu'éprouve une ville prise d'as

saut.

Au milieu de cette crise violente, on promène en triomphe les bustes de Necker et

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