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ceptation de la charte constitutionnelle, ex- 1791. citèrent en France une joie universelle; tout ce qui n'étoit pas aigri comme les ordres privilégiés, ou clairvoyant comme les politiques, c'est-à-dire l'immense majorité de la population française, crut la liberté assurée, l'égalité garantie, la tranquillité solide et la révolution terminée. Cet esprit public, qu'on éteignit ensuite dans des flots de sang, jeta, pendant quelques momens, un assez vif éclat pour arrêter les rois de l'Europe qui se liguoient contre la France, et pour suspendre leurs coups.

Il est temps d'examiner l'influence de tous ces orages, sur la conduite de la Prusse et des autres puissances monarchiques ; de rendre compte des événemens qui s'étoient passés en Europe depuis 89 jusqu'en 91, et de peindre le changement total que les progrès de la révolution opérèrent dans le système politique des rois.

CHAPITRE VI I I.

Succès des Impériaux. Efforts des Rois de Prusse et d'Angleterre, pour arrêter leurs progrès. Défaite et victoire de Gustave. Mort de Joseph II. Son portrait. Révolution de Brabant. Révolution de Liége. Traité de Frédéric - Guillaume avec la Porte et la Pologne. Il marche à la téte de son armée en Silésie. Danger de l'Autriche. Influence de la Révolution de France sur la politique de Frédéric - Guillaume. Habile prudence de Léopold. Congrès de Reichenbach. Fautes des Polonois. Efforts infructueux de M. Pitt pour décider les Anglais à combattre la Russie. Paix de Varela, entre Catherine et Gustave. Léopold, Empereur. Constitution de Pologne. Léopold soumet le Brabant. Conférences de Padoue ou de Mantoue. Conférences de Pilnitz. L'acceptation de la Constitution suspend l'exécution des mesures prises dans ces conférences.

1790. TANDIS

ANDIS que la France étoit livrée à tous les orages qu'excitoient dans son sein tant de passions opposées, l'impératrice de Russie, sans être détournée de ses projets par la diversion des Suédois, continuoit à battre les

Turcs, et ses armées faisoient des progrès 1790. rapides sur le territoire ottoman. Potemkin, après avoir enlevé Akermann Palanka Katchybey, formoit le siége de Bender, dont il s'empara peu de temps après. Suwarow et Cobourg réunis, battirent complètement l'armée du grand visir, et la Porte effrayée, consentit à ouvrir des conférences à Foczany, pour mettre un terme à cette guerre désas

treuse.

Les rois de Prusse et d'Angleterre, pour empêcher cette paix, voulurent former une ligue puissante qui ranimât le courage des Turcs, et rendît inutiles les efforts de leurs ennemis. Jamais les négociations n'avoient été plus actives; jusqu'alors on n'avoit fait qu'intriguer, on se disposa sérieusement à combattre. L'Angleterre promit aux Suédois une armée navale et de l'argent; les Polonois s'allièrent avec la Porte, et FrédéricGuillaume qui vouloit se mettre à la tête de cette ligue formidable, rassembla des troupes, fit acheter quatorze mille chevaux, et pressa vivement les Polonois d'achever leur nouvelle constitution, qu'il approuvoit alors, et qu'il renversa deux ans après. Il écrivit au roi de Pologne pour hâter la conclusion de son

1790. alliance avec lui. L'année précédente, lorsque le ministre de France en Russie, avoit averti les cours de Versailles et de Madrid des projets du cabinet prussien sur Dantzick et Thorn, le roi de Prusse s'étoit plaint d'être ainsi calomnié; mais alors, en négociant avec Stanislas-Auguste, il demanda ouvertement la cession de ces deux villes, et cette demande, qui indigna les Polonois, et qui commença à désiller leurs yeux, suspendit quelque temps la conclusion de l'alliance. Frédéric-Guillaume I ne voulant pas que cette discussion fît échouer le plan qu'il avoit formé, se désista pour le moment de ses prétentions, et conclut son traité avec la Pologne: en même-temps il fomentoit des troubles en Hongrie, soutenoit l'insurrection brabançonne, permettoit même au général Schonfeld de commander l'armée insurgée, et protégeoit le peuple liégeois, révolté contre l'évêque, quoiqu'il fût chargé comme directeur du cercle, d'exécuter le décret de la chambre de Wetzlaer contre les rebelles.

Voyez Pièces justificatives:

Lettre du roi de Pologne au roi de Prusse, 17 mars 1790; Lettre de Frédéric - Guillaume au roi de Pologne, II août 1790.

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A cette époque, c'est-à-dire au mois de 1790. janvier 1790, l'empereur Joseph II mourut. Les voyages et les fatigues militaires avoient altéré son tempérament; le travail 'avoit épuisé ses forces; le chagrin enflamma son sang et hâta la fin de ses jours. Son caractère offroit un singulier mélange de qualités qui lui donnèrent quelque gloire, et de défauts qui la ternirent. Simple dans ses mœurs, dur pour lui-même, indulgent pour les autres, affable pour tous ses sujets constamment occupé des devoirs de son rang, infatigable pour le travail, supportant la critique sans humeur, méprisant la mollesse, bravant les dangers, il s'intéressoit à tous les arts et favorisoit tous les talens.

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Instruit dans l'art militaire par Laudon et Lascy, formé à la politique par Kaunitz, versé dans la littérature ancienne et moderne, le commerçant, le soldat, le savant, trouvoient également sa conversation intéressante et instructive. Aucun préjugé n'enchaînoit son esprit, et tout sembloit, sous un tel prince, promettre à ses peuples un règne glorieux; mais de graves défauts anéantirent ces brillantes espérances.

Ambitieux sans génie, entreprenant sans

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