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lui être fait conjointement avec le Viguier Royal en la forme prefcrite par les Ordonnances.

ce

L'Abbé de Saint-Martin de Canigon, qui fe prétend en poffeffion de la Jurifdiction quafi-Epifcopale fur un territoire limité, fit auffi revendiquer l'Accufé par fon Promoteur qui fit la matiere d'une conteftation qui fut portée au Confeil Supérieur de Rouffillon. Les Promoteurs des Abbayes d'Arles & de Saint - Michel, fituées dans la même Province, qui fe prétendent également exemptes & en poffeffion de la Jurifdiction quafi-Epifcopale dans un territoire particulier, formerent leur intervention & adhererent aux conclufions duPromoteur de l'Abbaye de Saint-Martin.

.

La caufe portée à l'Audience, les Promoteurs des Abbayes de Saint-Martin d'Arles & de Saint-Michel fondoient leurs prétentions fur leur exemption de la Jurifdiction ordinaire, & principalement fur la poffeffion ils prétendoient être d'exercer les droits Epifcopaux fur un territoire particulier. Le Promoteur de l'Abbaye de Saint-Martin rapportoit même quelques actes poffeffoires. Sur ce prétexte il foutenoit que l'Abbé ayant la Jurifdiction ordinaire dans le territoire exempt, toit à fon Official à connoître de tous les délits qui y étoient commis.

c'é

Le Promoteur du Diocèse d'Elne fondoit fa demande fur deux moyens principaux. Il oppofoit d'abord à l'Abbé de SaintMartin qu'il ne rapportoit aucun titre pour établir fon prétendu territoire Epifcopal; que quand même il rapporteroit des preuyes d'une poffeffion paifible & immémoriale, elles ne feroient pas fuffifantes pour opérer la prescription, parce que la Jurifdiction eft imprefcriptible, & que la poffeffion fans titre ne pourroit être regardée que comme une ufurpation; ainfi, qu'il étoit néceffaire qu'il rapportât un titre qui ne pouvoit même être légitime, s'il n'étoit revêtu des formalités prefcrites par les faints Décrets & par les Loix du Royaume.

On ajoutoit encore de la part du Promoteur du Diocèse d'Elne, que quand même l'Abbé de Saint-Martin rapporteroit un titre précis pour établir fon prétendu territoire Epifcopal, fa prétention ne feroit pas mieux fondée. Il difoit que, par l'ufage conftant du Royaume, les Officiaux des Evêques étoient feuls en droit de concourir avec les Juges Royaux, dans les

procès criminels des Eccléfiaftiques féculiers & réguliers pour raifon des cas privilégiés; que c'étoit la difpofition de l'Edit de 1678, & la Jurifprudence des Arrêts de tous les Tribunaux.

Indépendamment des Loix générales, le Promoteur du Diccèfe d'Elne foutenoit que les loix & les ufages particuliers de la Province du Rouffillon, étoient également coutraires à la prétention de l'Abbaye de Saint-Martin. Suivant la difpofition du Concile de Trente reçu dans cette Province, feff. XXIV, ch. XX, la connoiffance des caufes criminelles & matrimoniales, appartient aux Evêques à l'exclufion des inférieurs ; & par le chap. IV de la feff. XIII du même Concile, c'eft aux Evêques à procéder à la condamnation & à la dégradation des Eccléfiaftiques conftitués aux Ordres facrés, & même fuivant l'usage de la Province de Catalogne dont le Rouffillon avoit fait partie avant l'année 1642, ce font les Evêques qui jugent les Eccléfiaftiques coupables de grands crimes, conjointement avec les Officiers de la Cour Supérieure de Barcelone.

C'eft fur ce fondement que le Promoteur du Diocèse d'Elne concluoit à ce que, fans s'arrêter à la demande en revendication du Promoteur de l'Abbaye de Saint-Martin, l'Accufé fut renvoyé à l'Officialité d'Elne, pour lui être fon procès fait & parfait pour. le délit commun fuivant les Edits: il demandoit fubfidiairement, qu'en cas que le Confeil jugeât à propos d'appointer les parties, il fut dit que par provifion & jufqu'à ce qu'il en fut autrement ordonné, l'Officialité d'Elne connoîtroit de tous crimes graves des Religieux du Monaftere pour le délit commun, lorfqu'il feroit néceffaire de procéder conjointement avec les Juges Royaux.

L'Avocat-Général qui porta la parole dans cette cause, estimoit qu'on devoit accorder au Promoteur d'Elne fes conclufions définitives: mais par l'Arrêt intervenu fur délibéré le 28 Juin 1741, le Confeil Supérieur de Rouffillon, fauf & fans préjudice des droits & prétentions des parties au fond, fur lequel il les a appointées à écrire, & produire dans le délai de l'Ordonnance, a renvoyé par provifion la connoiffance du crime en question, à l'Official du Diocèfe d'Elne pour le délit commun. D'après tout ce qui vient d'être dit, il femble que l'on devroit pouvoir conclure avec certitude, que l'inftruction conjointe ne devroit jamais fe faire qu'avec les Officiaux des Archevêques

ple.

Premiere exem

& Evêques, & non point avec ceux des Abbayes, même
Jurifdiction.

ayant

Exemples en fa- Nonobftant toutes les raisons & tous les exemples ci-dessus, veur des Officiaux la conclufion en faveur des Officiaux Diocéfains, ne feroit rien des Abbayes. moins que certaine & indubitable. L'on trouve, en effet, des Arrêts contraires, & du Parlement de Paris & du Grand-Confeil. La Combe, en fon Recueil de Jurifp. Canonique, verbo, Procédure, Section premiere, no. 12, rapporte un Arrêt du Parlement de Paris, rendu en 1694, fur les conclufions de M. de Lamoignon, Avocat-Général, qui a renvoyé un Eccléfiaftique de la ville d'Aurillac, accufé de trouble public fait dans F'Eglife avec grand scandale, à l'Official de l'Abbé d'Aurillac, pour fon procès lui être fait & parfait pour le délit commun, auquel affifteroit le Lieutenaut-Criminel, pour le délit privilegié.

ple.

Second exem

Conclufion,

Quoique l'Abbaye d'Aurillac ne foit pas réguliere, mais qu'elle foit féculiere, l'Arrêt n'eft pas moins pour cela un préjugé favorable aux Abbayes régulieres, ayant Jurifdiction Epifcopale avec territoire. Car les Abbayes régulieres doivent être fur ce point, affimilées aux Abbayes féculieres; il n'y a aucune raison de différence.

Auffi la Combe infere-t-il en général de ce préjugé, que les Exempts qui jouiffent des droits quafi-Epifcopaux, & qui ont des Officiaux pour l'exercice de leur Jurifdiction contentieuse, font Juges naturels de tous ceux qui demeurent dans l'étendue de leur diftrict, & qu'on doit leur renvoyer leurs jufticiables accufés des cas dont ils peuvent connoître, quand leur exemption & jurifdiction font reconnues dans les Parlemens.

Le. même Auteur en l'endroit cité, nous apprend que le Grand-Confeil, par Arrêt du 30 Avril 1683, renvoya un Religieux de l'Ordre de Cluni, prévenu de crimes, aux Supérieurs de fon Ordre, fur la réquifition de l'Accufé, pour fon procès lui être fait & parfait conjointement avec le Lieutenant-Criminel de Nantes pour le cas privilégié, & que plufieurs Arrêts du Parlement de Dijon ont renvoyé de même des Religieux de l'Ordre de Citeaux à leurs Supérieurs, qui ont droit de les punir conjointement avec le Juge Royal, quand il y a du cas privilégié.

Au milieu de cette incertitude occafionnée par la contrariété

des Arrêts, quel parti prendre? Que doivent faire les Officiaux & Promoteurs Diocéfains, d'un côté, pour ne pas abandonner, les droits de leurs places, & de l'autre, pour ne pas fe compromettre, & ne pas faire de fauffe demarche ?

Nous penfons qu'il faut diftinguer entre les Monasteres purement & fimplement exempts de la Jurifdiction ordinaire, & ceux qui à leur exemption joignent la poffeffion des droits Epifcopaux dans un certain diftrict, & ont les Officiers néceffaires pour l'exercice de la Jurifdiction contentieufe, un Official, un Promoteur, un Greffier & un Appariteur.

Dans le cas où le Monaftere n'a qu'une exemption pure & fimple, fans Jurifdiction territoriale, & fans Tribunal en regle fubfiftant actuellement, nul doute que c'eft à l'Official Diocéfain qu'il appartient de faire l'inftruction conjointe, avec le Juge Royal. Il ne fuffit pas qu'il y ait un Official & un Promoteur dans le chef-lieu de l'Ordre: il faut en outre que dans le lieu du délit il y ait un Tribunal réglé, & des Officiers de l'Ordre, prêts à connoître des crimes commis par les Religieux.

Rendons la chofe fenfible par une hypothese. Suppofons qu'un Religieux de l'Ordre de Cîteaux demeurant à Paris au Collége des Bernardins, vienne à y commettre un crime. Le Religieux accufé eft arrêté ; le Lieutenant Criminel au Châtelet lui commence fon procès.

Le Promoteur de Paris & l'Abbé de Citeaux en étant inf truits revendiquent l'Accufé, chacun de fon côté. A qui l'Accufé doit-il être renvoyé ? Sera-ce à l'Abbé de Cîteaux? Non fans doute plufieurs raifons s'y oppofent. 1°. Le procès doit fe faire à Paris, lieu du délit, & l'Abbé de Câteaux n'a ni Tribunal, ni Officiers établis à Paris. 2°. Le bien de la Juftice. ne permet pas d'attendre, pour continuer l'inftruction, que l'Abbé de Citeaux ou ait nommé un Commiffaire & un Promoteur ad hoc, ou ait envoyé le Commiffaire & le Promoteur établis à Citeaux. 3°. Enfin le Commiffaire & le Promoteur ne pourroient même faire aucun Acte folemnel & judiciaire, parce que pour cela il faut avoir une Jurifdiction territoriale, & l'Abbé de Citeaux n'en a point à Paris.

Il faut donc dire que l'Accufé doit être renvoyé en l'Officialité de Paris pour le délit commun, où le Lieutenant-Criminel du Châtelet pourra fe tranfporter aisément pour le délit privilégié.

Diftinction.

Premier cas.

Second cas.

Idée de la Jurifdiction des Archidiacres.

Mais fi le Monaftere joint à fon exemption une Jurifdiction quafi-Epifcopale & territoriale avec des Officiers établis pour l'exercer, nous penfons, en ce cas, que le Religieux.accufé doit être renvoyé pour le délit commun à l'Official du Monastere. Il nous femble qu'il y a même raison pour les Officiaux des Monafteres que pour ceux des Chapitres. Nous avons rapporté des Arrêts précis en faveur des Chapitres, & notamment celui pour le Chapitre de Troyes. Les Edits & Déclarations du Roi, concernant l'inftruction conjointe, n'obligent, il eft vrai, les Juges Royaux de renvoyer les Eccléfiaftiques accufés qu'aux Officiaux des Archevêques & Evêques; ces Edits & Déclarations ne font aucune mention des Officiaux des Monasteres. Mais fi ce filence de nos Loix n'empêche pas les Cours Souveraines de renvoyer aux Officiaux des Chapitres leurs jufticiables, accufés de crimes, pour leur faire le procès conjointement avec le Juge Royal; pourquoi ce filence auroit-il un effet plus étendu contre les Officiaux des Monafteres, qui font en poffeffion de la Jurifdiction pro-Epifcopale comme les Chapitres? Nous n'en voyons aucune raifon.

ARTICLE I V.

Des Officiaux des Archidiacres & autres qui font en poffeffion d'en avoir,

L'Hiftoire Eccléfiaftique nous apprend, que fuivant l'ancienne difcipline de l'Eglife, les Archidiacres n'étoient que les fimples Vicaires des Evêques, & que la Jurifdiction qu'ils exerçoient n'étoit que précaire & déléguée. Mais par là fuite des temps ils furent convertir cette Jurifdiction précaire & déléguée, en une Jurifdiction propre & annexée à leur dignité.

Dans quelques Diocèfes les Archidiacres nommerent des Officiaux, à l'exemple des Evêques, pour juger les affaires contenticufes dont la connoiffance leur appartenoit fuivant l'ufage. Le chap. III de appellationibus in 6o. nous fournit une preuve que les Archidiacres des Diocèfes de la Province Eccléfiaftique de Reims avoient des Officiaux.

Comme les droits de Jurifdiction des Archidiacres ne font Officiaux des Ar- fondés que fur l'ufage & la poffeffion, c'eft l'ufage & la poffef

Compétence des chidiacres.

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