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Enfin, il rapporte des Arrêts du Parlement de Paris des 7 Septembre 1644 & 3 Mars 1685, qui ont jugé n'y avoir abus dans les condamnations de dépens envers le Promoteur, prononcées par les Officiaux d'Angers & de Langres, auxquels il ajoute deux Arrêts précédens des 5 Février & 24 Novembre 1525, dont le premier en forme de Réglement, donné dans le temps de la naiffance de l'héréfie des Calviniftes, autorife les Evêques à exercer leur recours fur les biens des Hérétiques accufés, pour les frais des procès qu'ils auront avancés.

«La Jurifprudence contraire, dit l'Editeur des Mémoires » du Clergé, entretiendroit les déréglemens des mauvais Prêtres; » ils deviendroient infolens dans leurs défordres, s'ils étoient » affurés qu'on ne pût les condamner aux dépens; & peu touchés » ordinairement des peines Canoniques, ils fe feroient un plaifir » d'avoir fatigué leurs Evêques par des procédures très-longues, » & de les avoir obligés à des frais très-confidérables.

» La condition des Evêques feroit très-dure, s'ils étoient » obligés de confumer les revenus de leurs Evêchés à effuyer » toutes les chicanes qu'un Prêtre vicieux qui a du bien eft ca»pable de faire pour continuer fes défordres avec impunité; » & l'on ne doit pas préfumer que ce foit l'intention des Souve» rains qu'on emploie à ces ufages, des biens qu'ils ont toujours » confidéré comme le patrimoine des pauvres.

» On permettoit autrefois que les Officiaux condamnaffent » les Accufés à des muletes ou aumônes qui pouvoient être ap»pliquées aux Evêques.

» Pendant qu'on a fouffert cet usage, il paroiffoit être raison»nable que l'Evêque ne pût répéter fes frais fur les biens d'un » Accufé qui avoit été condamné à une multe pécuniaire qui » pouvoit l'indemnifer; mais depuis que cette application n'a » point été permife, les raisons qu'on avoit de ne permettre pas » aux Promoteurs de répéter fur les biens des Condamnés les » frais avancés par l'Evêque, ne fubfiftent plus.

» On le répéte, ce n'eft point l'efprit de l'Eglife que les re» venus des Evêchés qui font deftinées aux œuvres de piété dans » le diocèfe, foient confumés à effuyer les chicanes d'un mauvais » Prêtre; il eft même du bien de l'Etat qu'on en faffe un autre » ufage, & l'on ne voit pas d'inconvénient à condamner les » chicaneurs fcandaleux aux débourfés ».

Il faut convenir que ces raifons font très-folides : cependant l'Auteur avoue qu'il y a des Arrêts contraires à ceux qu'il rapporte; & cette variété de Jurifprudence lui paroît être un motif pour le Clergé de folliciter un Réglement général. Mais ce Réglement général n'a point encore été obtenu : & c'est actuellement un point de Jurifprudence conftant, que les Officiaux ne peuvent condamner aux dépens envers les Promoteurs.

Le Journal des Audiences nous a tranfmis deux Arrêts qui l'ont jugé expreffément, des 27 Août 1701 & 18 Juillet 1722. Le premier a été rendu contre M. l'Archevêque de Sens; & il y a de remarquable dans l'efpece de cet Arrêt, que ce Prélat fit déclarer par requête qu'il n'infiftoit pas fur la condamnation de dépens prononcée au profit de fon Promoteur, preuve non équivoque que le Confeil de M. l'Archevêque de Sens regarda la condamnation de dépens comme insoutenable.

M. Joly de Fleury, Avocat-Général, qui porta la parole dans cette affaire, plaida, « qu'il eft certain que fi l'Official adjuge » des dépens au Promoteur, c'eft un abus auffi-bien à l'égard » du Métropolitain que de l'Ordinaire; que le fondement de cet » abus eft, que les Juftices Eccléfiaftiques font comme celles » des Seigneurs : les Seigneurs féculiers doivent la juftice à leurs » Jufticiables: il en eft de même des Evêques; & dans le Tri» bunal fupérieur, de même que dans le premier degré de Ju» rifdiction, fi c'eft leur Promoteur qui eft Partie, ils ne peu» vent rien prendre : qu'ils ont deux voies, ou de prendre eux» mêmes le fait & caufe, ou de le faire prendre par les Pro» moteurs fupérieurs: que les inconvéniens ne peuvent pas fervir » de moyens de décifion; qu'il faudroit une Loi pour changer » un ufage auffi ancien; qu'en un mot, c'est l'efprit de l'Eglife » de France, fuivant qu'il eft rapporté dans les Mémoires du » Clergé, Tom. V, col. 656, où il paroît qu'en 1614 il a été » arrêté que les Promoteurs fupérieurs prendront gratis le fait » & caufe des inférieurs, en cas qu'il n'y ait point de Partie » civile ».

Enfin, M. l'Avocat-Général rappella deux Arrêts qui avoient jugé conformément à ce qu'il venoit de plaider, l'un pour Châlons, & l'autre pour Nevers.

Le second Arrêt rendu fur les conclufions de M. d'Agueffeau, Avocat-Général, fut fondé fur les mêmes principes.

Conclufion.

Un Evêque peut

il faire grace à

Nous terminerons ce Chapitre par une derniere question, un Eccléfiaftique laquelle eft de favoir fi les Evêques peuvent remettre aux Eccléfiaftiques condamnés, les peines Canoniques prononcées par les Officiaux?

condamné ?

L'Editeur des Mémoires du Clergé qui traite cette queftion Tom. VII, col. 1303, diftingue trois fortes de peines, les fatiffactions envers le public, les réparations envers les particuliers & les corrections & pénitences impofées à l'Accufé par le Jugement de l'Official.

A l'égard des fatisfactions envers le public, & des réparations envers les particuliers, il penfe qu'il n'eft pas au pouvoir des Evêques d'en difpenfer, mais par rapport aux peines correctionnelles, il établit qu'un Evêque a droit d'abréger le temps de la pénitence de l'Eccléfiaftique condamné, & de le rétablir dans Les fonctions, lorfqu'il le juge à propos.

Nous penfons qu'un Evêque a bien le pouvoir de remettre de femblables peines, & qu'il peut l'exercer fur-tout dans les occafions où perfonne n'auroit droit de réclamer; mais le maintien de la difcipline Eccléfiaftique exige qu'il n'en faffe que l'ufage le plus modéré; car s'il eft beau dans le premier Pasteur d'un diocèfe d'être charitable & toujours prêt à pardonner à ceux qui viennent à réfipifcence, il n'eft pas moins beau de le voir conftamment appliqué à faire exécuter les fages Loix que l'Eglife a cru devoir établir pour réprimer les défordres des Miniftres de la Religion.

Ce que c'est que l'appel.

Diftinction de

CHAPITRE XX I.
Des Appellations.

'APPEL eft une voie de droit que la Loi accorde aux Parties pour faire réformer une Sentence ou Ordonnance d'un Juge inférieur, qu'elles croient irréguliere dans la forme, ou injufte au fond.

Dans les affaires criminelles-Eccléfiaftiques, on diftingue deux de l'appel comme efpeces d'appels, l'appel fimple, & l'appel comme d'abus.

l'appel fimple &

d'abus,

L'appel fimple fe porte devant le Supérieur Eccléfiaftique dans l'Ordre hiérarchique.

L'appel comme d'abus fe porte devant les Cours de Par

lement.

Nous diviferons en deux Sections ce que nous nous propofons de dire fur les appels qui peuvent s'interjetter des Jugemens Eccléfiaftiques, en cas de délits communs.

Dans la premiere Section, nous traiterons de l'appel fimple.
Et dans la deuxieme, de l'appel comme d'abus.

SECTION PREMIER E.
De l'Appel fimple.

La Section concernant l'appel fimple fera compofée de fix
Paragraphes.

Dans le premier, nous examinerons quelles perfonnes peuvent appeller, de quelle maniere l'appel doit être interjetté, & qui doit être intimé fur l'appel.

Dans le fecond, de quelles Sentences ou Ordonnances on peut appeller.

Dans le troifieme, dans quel temps l'appel doit être interjetté.

Dans le quatrieme, quel eft le Tribunal Eccléfiaftique où l'appel doit fe porter.

Le cinquieme Paragraphe aura pour objet les effets de l'appel.
Et le fixieme, la maniere de procéder fur l'appel.

§ I.

Quelles perfonnes peuvent appeller, de quelle maniere l'appel doit étre interjetté, & qui doit être intimé sur l'Appel.

En premier lieu, quelles perfonnes peuvent appeller. 1o. Il eft conftant que l'Accufé, quand il a été prononcé contre lui quelques condamnations, peut interjetter appel. Il le peut encore, lors même qu'il eft déchargé de l'accufation, s'il prétend qu'il ne lui a 'pas été adjugé une réparation fuffi fante & convenable.

L'Accufé peu

appeller.

Maniere d'in- A l'égard de la maniere dont l'Accufé doit interjetter fon ap→ terjetter appel par pel, il faut diftinguer s'il eft détenu prisonnier, ou s'il est en

1 Accufé.

ler.

La Partie civile

liberté.

S'il eft détenu prifonnier dans les prifons de l'Officialité, lorsque le Greffier lui va faire lecture de la fentence, il déclare qu'il eft Appellant, & l'acte d'appel fe met au bas de la fentence par le Greffier, & eft enfuite figné par l'Accufé, s'il peut ou veut figner, finon il en doit être fait mention.

Si l'Accufé eft en liberté, il interjette appel par acte extrajudiciaire, qu'il fait fignifier au Promoteur & à la Partie civile, s'il y en a; & enfuite, pour relever son appel, il présente requête à l'Official fupérieur, pour être reçu Appellant, & obtenir permiffion de faire intimer fur fon appel qui bon lui femblera.

2o. La Partie civile peut auffi appeller de la fentence, lorspeut auffi appel- qu'elle ne lui adjuge pas fes conclufions. Il faut obferver que l'appel que peut interjetter la Partie civile ne peut avoir pour objet que des réparations civiles & des dommages-intérêts. La Partie civile feroit non recevable à fe plaindre de la sentence du premier Juge, en ce qu'elle ne condamneroit pas l'Accufé à des peines publiques; elle doit laiffer ce foin au Promoteur.

Maniere d'ap

La Partie civile interjette fon appel par acte extrajudiciaire peller par la Par- fignifié à l'Accufé, & doit relever fon appel de la même maniere que l'Accufé, par requête préfentée au Juge d'appel, à l'effet d'être reçu Appellant, & d'obtenir permiffion de faire affigner l'Accufé.

Le Promoteur

diocéfain peut pa

ler.

3°. Le Promoteur diocéfain peut pareillement appeller, lorfreillement appel- que l'Accufé eft déchargé pleinement, ou que les peines prononcées contre lui ne font pas fuffifantes & proportionnées au délit. L'appel du miniftere public eft appellé appel à minima. L'appel à minima du Promoteur ne peut avoir lieu que lorfque fes conclufions n'ont pas été fuivies. Car fi fes conclufions avoient été suivies, ou même qu'il ait été rendu un Jugement plus sévere que celui auquel il auroit conclu, il ne devroit pas, en ces deux cas, interjetter appel.

27

No

Ainfi jugé par deux Arrêts du Parlement de Paris des vembre 1674 & 28 Mars 1680, cités par M. Jouffe, en sa Justice Criminelle, Tom. II, pag. 729, n°. 7, lefquels ont été rendus contre le Procureur-Fifcal de la Prévôté d'Atilly en Brie, & le Procureur du Roi de la Prévôté de Péronne.

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