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Combien de for ves de preuves.

Preuve littérale.

Preuve teftimoniale.

Des préfomptions, indices & conjectures.

les Affeffeurs. C'eft le vœu de l'Art. XIV, Tit. XXV de l'Ordonnance.

Telles font les formalités que les Officiaux doivent obferver fcrupuleusement pour rendre des fentences régulieres, & qui puiffent, en cas d'appel comme d'abus, foutenir l'examen des Cours féculieres.

Refte à parler maintenant des preuves & des différentes ef peces de jugemens; c'eft le fujet du deuxieme paragraphe,

§ II.

De la nature des différentes preuves, & des différentes efpeces de Sentences.

En ce qui concerne les preuves, nous ne nous propofons point de traiter ici à fonds cet objet: ce feroit la matiere d'un traité entier. Nous nous contenterons d'expofer les regles principales le plus fuccinctement qu'il nous fera poffible, & d'y joindre quelques exemples qui nous ont paru trop intéreffans pour les Officiaux pour n'être pas placés dans cet Ouvrage. 1o. On diftingue deux efpeces de preuves, la preuve littérale & la preuve teftimoniale. La preuve littérale eft celle qui eft fondée fur des actes publics & authentiques, ou fur des écritures privées, mais re

connues.

La preuve teftimoniale eft celle qui eft fondée fur la dépofition des témoins, & fur le rapport des Experts.

2o. Aux preuves littérale & teftimoniale, il faut ajouter celle qui résulte de la confeffion de l'Accufé.

3°. Enfin outre ces trois efpeces de preuves, il y a encore les préfomptions, les indices & les conjectures.

La preuve résultante des préfomptions, indices & conjectures a lieu au défaut des autres preuves, & fert à en augmenter la force & l'autorité, quand elle se rencontre avec elles; elle confifte à conclure par des argumens, la vérité d'un fait, en conféquence de la liaison immédiate ou prochaine qu'il a avec d'autres faits connus & certains.

Trois efpeces On diftingue trois efpeces d'indices, indices légers, indices graves, indices véhéments.

d'indices.

Pour

Pour pouvoir condamner un Accufé, il faut deux chofes; Regle. la premiere, que le corps du délit foit conftant; & la feconde, que l'Accufé foit convaincu d'en être l'Auteur; & le corps du délit ne peut être conftant, & l'Accufé convaincu d'en être l'auteur que par une preuve complette, foit littérale, soit teftimoniale, ou réfultante de la confeffion de l'Accufé, ou enfin de la réunion des préfomptions, indices & conjectures.

ve littérale est

Une preuve littérale n'eft complette que lorfqu'elle eft fon- Quand une preu dée fur des pieces ou actes publics & authentiques, & contre elle complette? lefquels il n'y ait point d'infcription de faux; car la preuve qui résulte du rapport des Experts qui ont procédé à la vérification, n'est pas par elle-même une preuve complette, la science des Experts-Ecrivains n'étant que conjecturale.

Une preuve littérale fondée fur des écritures privées, est auffi complette, pourvu que l'Accufé foit convaincu d'en être l'auteur, ou fi elles font d'une main étrangere, qu'il les ait reconnu véritables. C'est la difpofition de l'Art. III, Titre de la reconnoiffance des écritures & fignatures privées en matiere criminelle, de l'Ordonnance du mois de Juillet 1737. Une preuve teftimoniale n'eft complette que lorfqu'il y a des témoins dignes de foi & irréprochables, qui dépofent comme ayant vu & entendu par eux-mêmes, & non pas pour avoir oui dire, fuivant cette maxime de l'Apôtre faint Paul: Adverfus Presbyterum noli accufationem recipere nifi fub duobus vel tribus teftibus: in ore duorum vel trium teftium ftet omne verbum. Un Official pourroit-il affeoir un jugement fur des faits de Question. confeffion déposés par des pénitentes?

L'affirmative a été jugée par Arrêt du Parlement de Paris dont voici l'efpece, telle qu'elle eft rapportée dans le Rapport d'Agence de l'année 1745, pag. 61 & fuiv.

« Le Promoteur de l'Officialité d'Orléans avoit rendu plainte » contre le Curé de Brinon de ce qu'il menoit une vie ré» préhenfible & indigne de fon état, fur-tout par fes familia» rités avec les perfonnes du fexe, par les mauvais difcours qu'il » leur tenoit & les libertés qu'il fe donnoit avec elles......

» Il arriva qu'un grand nombre de femmes dépoferent même » dans l'information que l'Accufé leur avoit fait dans le Tri»bunal de la pénitence plufieurs queftions auffi inutiles que » lafcives, & qui n'avoient aucun rapport à leur confeffion

ve

Quand une preu eft-elle complette?

teftimoniale

» Par la fentence de l'Official, le Curé de Brinon fut » déclaré atteint & convaincu d'avoir pris des libertés deshon» netes fur les perfonnes du fexe, dénommées dans les actes » de la procédure, enfemble d'avoir fait, dans le Tribunal de » la Pénitence, des questions indécentes à plufieurs femmes » auffi dénommées dans lefdits actes, entr'autres celles-ci, &c. » &c. Pour réparation de quoi il fut condamné à fe retirer » pendant fix mois dans le Séminaire qui lui feroit indiqué par » M. l'Evêque d'Orléans pour y vaquer aux exercices fpiri»tuels, & reprendre l'efprit de l'état Eccléfiaftique, y jeûner » les Vendredis de chaque femaine, & réciter à genoux les » mêmes jours les fept Pfeaumes pénitentiaux devant le Saint » Sacrement, & à fe démettre de fa Cure dans les fix mois. » pour toutes préfixions & délais, laquelle à faute de ce, fe» roit déclarée vacante & impétrable, & le même Curé fut » en outre déclaré incapable de pofféder à l'avenir aucun Béné»fice à charge d'ames.

» Ce Curé interjetta appel comme d'abus, & fit valoir deux » moyens tirés des dépofitions qui le chargeoient d'avoir fait » des questions deshonnêtes dans le Confeffional, dont l'un étoit » que ce qui s'eft paffé dans la Confeffion eft un fecret inviola»ble, par conféquent que les dépofitions des femmes qui » avoient avancé ces fortes de faits n'avoient pu fervir à fta» tuer une condamnation.

» Le Rédacteur du Rapport d'Agence obferve que le fe"cret de la Confeffion doit être inviolable à la vérité, & que », c'eft une maxime auffi vraie que néceffaire pour infpirer aux » fideles la jufte confiance qu'ils doivent avoir aux Minif» tres de l'Eglife; mais que la loi du secret n'est pas égale env tre le Confeffeur & le pénitent. Tous les Cafuiftes se réu» niffent fur ce point, qu'il y a des cas, où non-feulement le » pénitent n'eft pas obligé de garder le fecret, mais même où ileft » obligé de parler, c'eft lorfque le Confeffeur cherche à induire » les pénitens au mal. L'Auteur du Traité du fecret inviolable » de la Confeffion examine à fonds cette queftion, & il dé»cide après plufieurs Bulles des Papes & tous les témoigna"ges des Théologiens François & étrangers, que lorfque le » Confeffeur s'écarte de la pureté qu'il doit apporter au Tribu»nal de la Pénitence, qu'il a voulu induire fa pénitente au

» mal, elle eft obligée de le dénoncer au Supérieur. Le Rituel. » d'Aleth, la Morale de Grenoble, & la Théologie morale » de Perigueux, font conformes à cette décifion, & elle fe » trouve appuyée fur plufieurs Bulles des Papes. Delà on doit » conclure que les pénitentes qui font affignées pour dépofer » en justice fur la conduite des Confeffeurs coupables de féduc» tion, ne peuvent réfuser à la Juftice qui les engage par la » religion du ferment le témoignage de la vérité.

» Le même Redacteur ajoute, que cependant on doit re» connoître qu'il y auroit beaucoup de danger d'écouter lé» gerement l'accufation portée contre un Confeffeur sur la dé» pofition d'une ou de deux femmes qui déclareroient qu'il a » voulu les induire au mal.

» Un Supérieur & un Juge ne fauroient avoir trop d'atten» tion fur la nature de la dépofition, la probité des témoins » & la réputation que le Confeffeur peut avoir d'ailleurs,

» Il eft à remarquer que dans l'efpece du Curé de Brinon » plus de vingt femmes avoient dépofé des mêmes faits d'une » maniere unanime.

Auffi par Arrêt du 24 Mars 1741 1741, rendu fur les conclufions de M. Dagueffeau, Avocat-Général, il fut dit n'y avoir abus dans la procédure & la fentence de l'Official d'Orléans ; & le Curé fut condamné en l'amende & aux dépens.

La confeffion de l'Accufé forme une preuve complette, feffion de l'Accur lorfqu'elle a été libre & volontaire, & que d'ailleurs le corps é? du délit eft conftant. Julius Clarus, l'un des plus grands Criminalistes, Livre V, quest. 65, § fin. établit cette maxime, & affure qu'elle eft fuivie chez tous les peuples, & hanc praticam totus mundus fervat.

Cependant dans les grands crimes qui méritent peine afflictive, le fimple aveu de l'Accufé ne feroit pas fuffifant en France.

On exige en outre quelques préfomptions ou indices conformes à la confeffion de l'Accufé: on ne peut blâmer cette pratique, parce que les Juges ne peuvent jamais être trop certains de la vérité des faits, lorfqu'il s'agit d'infliger des peines rigoureuses.

Voici un exemple que rapporte l'Editeur des Mémoires du Clergé, Tom. VII, col. 856 & fuiv., duquel il résulte que l'aveu du coupable n'eft pas toujours fuffifant pour le condamner.

L

Exemple.

« Un Eccléfiaftique en l'année 1703, ayant été arrêté à » Orléans pour mauvaises mœurs, on découvrit que dans fon » démiffoire il y avoit des interlignes & des additions d'une » main étrangere, & de la falfification dans fes lettres d'Or» dre: cet Eccléfiaftique avoua que ces interlignes & autres » falfifications étoient de lui.

» L'Official & le Lieutenant - Criminel d'Orléans condam» nerent cet Eccléfiaftique fur fon aveu : l'affaire ayant été por»tée au Parlement, M. le Procureur-Général d'office appella » comme d'abus de cette procédure, & la Cour par Arrêt la » jugea abufive, & commit le Lieutenant-Criminel de Char» tres, pour la recommencer conjointement avec l'Official qui >> feroit nommé par M. l'Evêque d'Orléans, aux frais de l'Official » & du Lieutenant - Criminel d'Orléans, qui l'avoient faite ». Quid, de la A l'égard de la preuve réfultante de la réunion des préfomppreuve résultante tions, indices & conjectures, elle eft plus ou moins concluante des présomptions, indices & conjec- fuivant les circonftances, & peut même former dans certain cas une preuve complette.

tures?

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Les indices légers ne pouvant donner lieu qu'à des foupçons, ne font pas fuffifans pour être la bafe & le fondement d'une condamnation.

Il en eft de même des indices graves qui rendent feulement le fait vraisemblable.

Les indices véhémens font les feuls fur lefquels l'Official puiffe affeoir une condamnation, parce qu'ils ont une connexion fi naturelle avec les faits prouvés, qu'il eft impoffible d'en douter, & que par conféquent ils opérent une pleine conviction. En voici un exemple; deux perfonnes integres & dignes de foi ont vu fortir de l'endroit où un homme a été affaffiné l'Accufé ayant à la main une épée nue & enfanglantée, & s'enfuyant précipitamment le concours de la fortie de l'endroit où la perfonne a été affaffinée, de cette épée nue & enfanglantée & de la fuite précipitée, forme une preuve complette que l'Accufé eft auteur du meurtre.

Enfin la preuve peut être mixte, en partie littérale, en partie teftimoniale, & en partie conjecturale.

A l'égard de la preuve par Experts, nous en parlerons lorfque nous traiterons du faux principal & incident, & de la reconnoiffance des écritures & fignatures privées.

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