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» le Promoteur ne peut enfuite rendre plainte du même fait, ni » l'Official l'en déclarer atteint & convaincu, quand même la » plainte du Promoteur ne feroit poftérieure que de quelques » jours à celle donnée devant le Juge laïc, & qu'elle précé » deroit le Jugement rendu par le dernier. »

L'Auteur cite un Arrêt du 30 Juillet 1707, rapporté au Journal des Audiences, qui l'a ainfi jugé contre le Chapitre de SaintHilaire de Poitiers.

Il ne faut cependant pas conclure de cet Arrêt que toutes les fois qu'un Eccléfiaftique accufé devant le Juge Royal, a été renvoyé abfous par le Jugement définitif, le Promoteur ne peut plus rendre plainte contre lui, pour raifon du même fait; cette conféquence feroit contraire aux principes les plus connus & les plus univerfellement reçus.

En effet, perfonne n'ignore qu'il faut diftinguer entre délit commun & délit privilégié.

La conviction du délit commun ne donne lieu qu'à une peine Eccléfiaftique, à une fimple correction, laquelle ne peut s'infliger que par le Juge d'Eglife.

Au contraire la conviction du délit privilégié donne lieu à une peine afflictive ou infamante; or un même fait peut fouvent comprendre tout à la fois, & un délit commun, & un délit privilégié.

Si une plainte, pour raifon d'un délit de cette nature, est portée par la Partie publique devant le Juge Royal, & que le délit privilégié ne foit pas prouvé, ce Juge renverra absous l'Accufé, parce qu'il n'y aura lieu à aucune des peines civiles qu'il a le pouvoir de prononcer.

Mais s'enfuivra-t-il de ce Jugement d'abfolution que cet Eccléfiaftique ne puiffe être coupable d'un délit commun? Non, fans doute: conféquemment le Promoteur peut rendre plainte contre lui pour raifon du même fait.

Voici un exemple qui rendra ce que nous venons de dire plus fenfible.

Un Procureur du Roi peut accufer un Eccléfiaftique d'avoir. affaffiné, dans un cabaret du lieu de fon domicile, un homme avec lequel il fe feroit enivré. Ce fait renferme un délit commun & un délit privilégié; c'eft un délit commun pour un Eccléfiaftique de s'être enivré dans un cabaret du lieu de fon

Définition de la récrimination.

L'accusé peut-il ufer de récrimi

nation?

Quid, files chefs

des deux accufa→

x ?

SUR LES MATIERES domicile, & c'est un délit privilégié que d'avoir affaffiné un homme,

Or il peut fe faire que l'Eccléfiaftique foit renvoyé abfous par le Juge Royal, parce qu'il fe fera juftifié de l'affaffinat dont il aura été accufé.

Mais ce Jugement d'abfolution ne peut le fouftraire à la peine Canonique qu'il mérite, pour être entré dans un cabaret du lieu de fon domicile, & s'y être enivré; & conféquemment rien n'empêche que le Promoteur du Diocèse ne rende plainte contre lui pour raifon de ce fait.

Il femble donc qu'il n'eft pas vrai en général qu'un Eccléfiaftique abfous par le Juge Royal, ne foit plus dans le cas d'être accufé par le Promoteur pour raifon du même fait.

Il eft bon d'obferver que le Promoteur dans fa plainte, & l'Official dans fa fentence, doivent éviter de paroître juger précifément le contraire de ce qui a été décidé par le Juge Royal; la plainte & la fentence ne doivent avoir pour objet que le délit commun renfermé dans le fait en question; l'Official ne doit déclarer l'Eccléfiaftique accufé, atteint & convaincu de tel fait, que comme contenant un délit commun. L'on penfe qu'au moyen de cette déclaration, la fentence de l'Official, en cas d'appel comme d'abus, pourroit fe foutenir, parce qu'il feroit évident que le Juge d'Eglife n'auroit fait aucune entreprise sur la Jurifdiction féculiere,

L'Arrêt du 30 Juillet 1707, cité par M. Jouffe, n'offre rien de contraire à ce qui vient d'être dit. Pour en être convaincu, il fuffit de lire le plaidoyer de M. Joly de Fleury, Avocat-Général, conformément aux conclufions duquel il a été rendu. La récrimation eft une accufation postérieure intentée par P'Accufé contre fon Accufateur.

Sur la queftion de favoir fi celui qui eft accufé peut user de recrimination, il faut diftinguer fi les chefs des deux accufations font connexes ou non.

Si les chefs des deux accufations font connexes, c'eft moins tions font conne- une récrimination, à proprement parler, qu'une exception propofée par l'Accufé pour la défenfe, & conféquemment, en ce cas, la récrimination paroît devoir être admife; le Juge doit permettre de faire informer fur les deux accufations, informer, décreter & interroger, & après les interrogatoires des

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deux Parties accufées, déclarer laquelle des deux demeurera accufatrice, & l'autre accufée ; c'eft la difpofition expreffe de l'Art. X de l'Arrêt de réglement du Parlement de Paris du 10 Juillet 1665, rapporté dans le Journal des Audiences. « En » cas de plaintes refpectives, feront tenus les Lieutenans-Cri» minels & tous autres Juges Royaux & fubalternes, in» continent après les interrogatoires, de juger qui fera Accusa»teur, & qui demeurera Accufé, pour contre lui, être le » procès inftruit par recolement & confrontation, fans que

lefdits Juges puiffent faire diverfes inftructions, ni procé"der à des recolemens & confrontations fur diverfes infor»mations refpectives; à peine de nullité, répétitions des frais » desdites instructions criminelles, & des dommages-intérêts. » L'Ordonnance Criminelle de 1670 ne paroît pas avoir dérogé à ce réglement. Mais fi les chefs des deux accufations ne font pas connexes, des deux accufa Quid, fi les chefs il faut encore diftinguer fi le délit dont eft prévenu l'Ac- tions ne font pas cufé eft grave ou léger; fi le délit eft grave, c'est le cas d'or- connexes. donner feulement que la plainte en récrimination demeurera jointe au procès, fauf à y faire droit après la premiere plainte jugée.

La raifon en eft que la premiere chofe que doit faire l'Accufé, c'est de se purger du crime dont il eft prévenu; car tel eft le vœu des Loix. Neganda eft accufatis licentia criminandi priufquam fe crimine quod præfumitur, exuerint. Leg. XIX, Cod. de his qui accufare non poffunt. Ut intelligant, quòd non relatione criminum, fed innocentiá reus purgetur.

Admettre indifféremment toutes les récriminations, ce feroit fouvent éternifer la durée des procès criminels, & empêcher la punition des crimes.

&

Mais fi le délit, objet de la premiere plainte, étoit léger, Quid, fi le déque le délit, objet de la plainte en récrimination fût grave, plainte en récrilit, objet de la la récrimination doit être admife, ou au moins la Partie pu- mination, cft plus blique doit faire informer fur la feconde plainte à fa requête & grave. diligence; car le Ministere public doit toujours veiller à ce qui intéreffe l'ordre public.

la

délits font légers.

Si les deux délits, objets des deux plaintes font également, Quid, fi les deux légers, s'ils ont, par exemple, pour objet des injures verbales, récrimination peut encore avoir lieu; les deux plaintes peuvent

Q

Diftinction particuliere aux Juges d'Eglife.

Quid, fi les chefs des deux accufations étoient connexes.

teur peut quelque

être inftruites en même temps, car les injures. peuvent fe compenfer les unes par les autres.

Enfin il faut diftinguer fi l'Accufé & l'Accufateur font l'un & l'autre jufticiables de l'Official.

Si l'Accufateur contre qui l'Eccléfiaftique accufé devant le Juge d'Eglife, veut rendre plainte en récrimination, eft auffi Eccléfiaftique & jufticiable du même Juge d'Eglife, nulle difficulté, le Juge d'Eglife faifi de la premiere plainte, peut connoître de la feconde, & l'admettre, fi le cas y échet.

Mais fi l'Accufateur eft laïc, en ce cas n'étant pas fujet à la Jurifdiction des Juges d'Eglife, l'Eccléfiaftique accufé ne peut fe pourvoir contre lui que par devant le Juge féculier qui en doit

connoître.

S'il arrivoit que les chefs des deux plaintes fuffent connexes enforte qu'elles duffent être inftruites ensemble & réglées par une feule & même inftance, ce feroit le cas de fe pourvoir au Confeil du Roi ou au Parlement du reffort, pour faire ordonner que les deux Juges Eccléfiaftique & féculier inftruiront conjointement. Il femble qu'on pourroit prendre ce tempéramment, pour ne dépouiller ni l'un ni l'autre Juge.

Question de fa- 5°. Nous terminerons ce dernier paragraphe du Chapitre prevoir fi le Promo- mier, par l'examen d'une queftion très-intéreffante, laquelle fois agir d'office, eft de favoir, fi le Promoteur peut quelquefois agir d'office, & fans Dénon- & fans Dénonciateur, & dans quel cas il eft tenu de nommer le Dénonciateur qu'il peut avoir.

ciateur, & dans

quel cas il eft tenu

nominer celui qu'il peut avoir.

Perfonne n'ignore que les Promoteurs ne font établis que pour maintenir l'ordre public & la difcipline Eccléfiaftique, & pour pourfuivre la punition des crimes commis par les Eccléfiaftiques. Publicam vindictam perfequuntur Ecclefiafticæ difciplina vindices & affertores; illos ad accufandum ipfa officii neceffuas impellit.

Il est donc de leur devoir de rendre plainte d'office & même fans Dénonciateur de tous les défordres des Eccléfiastiques, & de ne pas permettre que l'Eglife foit plus long-temps fcandalifée de la conduite peu réguliere des Eccléfiaftiques qui déshcnorent leur état.

On peut inférer de l'Art. VIII du Tit. III de l'Ordonnance criminelle de 1670, que cette Ordonnance impofe aux Promoteurs cette obligation; cet Article porte, en effet, que s'il

n'y a point de Partie civile, les procès feront pourfuivis à la diligence & fous le nom des Procureurs du Roi, ou des Procureurs des Justices Seigneuriales. Or cette difpofition doit s'appliquer aux Promoteurs dans les Officialités.

Le Promoteur

peut agir fur le

İl eft conftant que le Promoteur peut agir fur la rumeur publique. Un Curé, par exemple, fcandalife toute une bruit public. Paroifle par des mœurs déréglées, il néglige les fonctions de fon Miniftere; de tous côtés s'élevent des cris contre lui; en ce cas le Promoteur n'eft pas obligé d'attendre une dénonciation qui pourroit bien ne jamais arriver. La rumeur publique eft un motif fuffifant pour exciter fon Miniftere, & l'obliger de rendre plainte.

ces,

Conformément à ces principes, par Arrêt du Parlement de Paris, du 26 Mai 1691, rapporté dans le Journal des Audien- ple. il a été jugé 1°. qu'un Procureur Fifcal peut informer fur le bruit public. 2°. Qu'en ce cas n'ayant point de Dénonciateur, il n'eft pas refponfable des dommages-intérêts, fi l'Accufé vient à être renvoyé abfous, pourvu qu'il ne paroiffe point avoir agi par animofité.

M. Dagueffeau, Avocat-Général, qui porta la parole dans cette affaire, dit « qu'il étoit vrai que lorfqu'il paroiffoit qu'il » y avoit eu de l'animofité de la part de l'Officier qui avoit » informé fur un bruit public, en ce cas il pouvoit être con» damné en des dommages-intérêts, fi l'accufation se trouvoit » calomnicufe, que ce pouvoit être le cas de l'Ordonnance » mais qu'il ne paroiffoit pas qu'il y eut affez d'animofité en » l'efpece pour que l'Officier en pût être tenu : que la préfomp»ption étoit toujours pour l'Officier, & qu'il feroit dange» reux de foumettre les Gens du Roi à cette rigueur, parce » que ce feroit le moyen que les crimes demeuraffent impu» nis; qu'enfin la Loi derniere au Cod: de delatoribus qui » étoit ce qu'on trouvoit dans le Droit Romain de plus con» venable à cette matiere, n'excluoit pas les Gens du Roi de » faire informer fans Dénonciateur, fur le bruit public.

Toutes ces raifons s'appliquent évidemment aux Promoteurs des Officialités.

Premier exem

On trouve dans le Rapport d'Agence de 1760, un Arrêt du Confeil, du 15 Mai 1756, rendu dans les mêmes principes: ple. voici les faits qui y ont donné lieu tels qu'ils font rapportés dans le Rapport d'Agence.

Qij

Second exem

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